Depuis le début de la semaine, Bamako est surchauffée par une «information» révélée par notre confrère sénégalais L’Observateur, selon laquelle le chef de file de l’opposition malienne, Soumaïla Cissé, aurait assisté impuissamment au blocage de son argent, estimé à 27 milliards de FCFA.
Cette opération aurait été initiée par la France, à travers l’Agence Française de Développement (AFD), pour empêcher un transfert de 27 milliards de FCFA de la BCEAO à Ecobank. Cette situation intervient, selon notre confrère sénégalais, au moment où l’AFD a réceptionné l’audit qu’elle avait commandité sur l’argent de financement des forages que l’UEMOA devait réaliser dans les huit Etats de la communauté, dans le cadre de son programme d’hydraulique villageoise.
L’article est bien écrit, avec des chiffres précis sur cette vieille affaire de forages, sur laquelle Soumaïla Cissé s’était fort bien expliqué en décembre 2011, en rejetant des accusations fantaisistes. Le Président de la Commission de l’UEMOA d’alors n’était ni maitre d’ouvrage délégué ni une agence d’exécution. C’est la Commission de l’UEMOA et non son Président était maitre d’ouvrage.
A supposer, par extraordinaire, que tous les forages n’aient pas été réalisés ou mal faits, la responsabilité ne peut nullement incomber au Président Soumaïla Cissé. S’il y a des fautifs, ce sont bien les Agences d’exécution et ou les Etats – parties, qui auraient manqué de vigilance dans le suivi et le pointage des forages sur les territoires concernés.
Le puissant Président de l’UEMOA, à l’époque, ne peut pas être tenu pour responsable d’un travail bâclé ou mal fait. Son devoir était d’interpeller les entreprises dès qu’il a eu connaissance de la situation. Son devoir était aussi de rechercher des financements pour des projets concrets, en vue de leur mise en œuvre au profit des populations de la communauté.
Ce qui a été brillamment fait durant le passage de Soumaïla à l’UEMOA. En réalité, il a honoré le Mali par son bilan, son enthousiasme, son engagement pour l’intégration, à travers la mise en route de plusieurs directives. Aucune politique politicienne ne doit conduire les uns et les autres à essayer de détruire Soumaïla Cissé sur la base de faux et d’usage de faux.
Il est vrai qu’il avait eu maille à partir à l’époque avec un Commissaire de l’UEMOA, Sénégalais de son état, qui n’avait pas pu supporter la rigueur de notre compatriote. Celui-ci est donc fortement soupçonné d’être à l’origine des articles de presse dans son pays, pour tenter de déstabiliser le chef de file de l’opposition malienne. Ce n’est pas la première fois. On remet ça. On réchauffe le plat. Ce qui fait que c’est du déjà entendu.
Ce qui est nouveau dans le dossier, c’est bien cette étrange affaire de 27 milliards de nos francs, bien supérieurs au montant total des 3 150 forages. C’est vraiment bizarre de tenter de faire croire aux citoyens de l’UEMOA que leur ancien Président de la Commission est à la fois un grand bourgeois et un voleur, parce qu’il est incompréhensible qu’il puisse détenir une telle fortune, dont il n’a hérité nulle part.
Qu’on nous dise qu’il est riche, on peut le comprendre, parce que son parcours brillant ne peut pas faire de lui un homme pauvre. Mais riche jusqu’à des dizaines des milliards de FCFA nous parait énorme. C’est donc une manière peu élégante de l’étiqueter comme un délinquant financier. Ce qui n’est pas le cas, jusqu’à preuve du contraire. Et nous avons besoin de preuves pour être convaincus.
C’est pourquoi, nous avons joint par téléphone le Directeur national de la BCEAO, Konzo Traoré, pour nous édifier sur ce prétendu transfert. Très laconique, il nous a répondu en ces termes : «j’ai lu sur Internet cette affaire. Je continue de m’interroger, d’où vient cette information? Ce qui est sûr, ce que la BCEAO Mali n’est pas au courant de cette opération bancaire. Nous n’avons aucune information de nos structures sur une telle opération».
Ensuite, nous avons joint le 2ème conseil de l’Ambassade France, Samuel Gourgon, puisque c’est le pays de François Hollande qui aurait bloqué ces 27 milliards de nos francs. Il nous a dit n’avoir aucune information sur l’opération et s’atteler à nous la vérifier avant de revenir vers nous. Au moment où nous mettions sous presse, il ne s’est toujours pas manifesté. Nous y reviendrons.
Chahana Takiou
Source: Le 22 Septembre 05/05/2016