C’est le jeudi 3 décembre 2020 que le décret de nomination des membres du dernier organe de la transition, tant entendu par le peuple malien, à savoir le CNT, a été lu à la télévision nationale. Cet organe qui a suscité beaucoup de polémiques et éveillé toutes les convoitises a vu le jour sans que le large consensus, qui aurait dû le légitimer, ne soit de mise. A en juger par les réactions de certains états-majors, la classe politique qu’elle soit de l‘ex majorité ou de l’ex Opposition, ne se sent nullement concernée par la mise en place de ce CNT.
Elle pense avoir été méprisée et entend se faire entendre dans les semaines à venir. 48 heures ont suffi pour élire le Président du CNT lors de la cérémonie inaugurale au CICB et sans surprise c’est le colonel Malick Diaw qui a été plébiscité par 111 membres sur 116 présents. En attendant la guerre de Troie qui ne saurait être évitée entre la junte et la classe politique, la transition a désormais tous les outils institutionnels pour amorcer le véritable virage, celui des réformes afin de réunir toutes les conditions pour des élections libres, transparentes et crédibles.
Ils l’ont enfin mis en place à la grande déception de la classe politique. Le CNT, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a désormais ses 121 membres au grand complet. Ils ont été choisis par le Comité National pour le Salut du Peuple, CNSP, sans aucune concertation avec la classe politique en général, et le M5 RFP en particulier. Malgré la présence des cadres de tous les grands partis politiques dans cet organe législatif de la Transition, les formations politiques dans leur grande majorité ne se reconnaissent pas du tout dans le CNT, d’où la colère noire. Elles entendent désormais se préparer pour aller à l’affrontement avec le CNSP qui a fini par militariser la transition. En choisissant de façon unilatérale les membres du CNT et en mettant dans cet organe si important de la transition des gens qui ne doivent leurs postes qu’aux seules relations avec les membres du CNSP, Assimi Goita et ses compagnons d’infortunes viennent de semer le vent et ils vont forcément récolter la tempête, car ils n’auront jamais de répit tant que la classe politique restera marginalisée. Comme il fallait s’y attendre, 48 heures après la publication du décret de nomination des membres du CNT, les hommes forts du pays, à savoir les Colonels ont porté leur compagnon d’arme Malick Diaw, lui aussi colonel, à la tête de l’institution législative.
La fissure semble commencée déjà, en effet, juste après la lecture de la liste les réactions n’ont pas tardé à venir tant du côté des partis politiques que des individus. L’imam Oumarou Diarra se serait désisté en disant rester derrière le mot d’ordre de boycott du M5 RFP. Comme si cela ne suffisait pas la Coordination des Mouvements de l’Azawad, CMA s’est retirée du processus de mise en place du CNT. Quant à la CODEM, elle dit prendre acte de la liste des membres du CNT et constate que malgré les alertes faites le décret publié concernant la nomination des membres du CNT manque de transparence sur la représentativité des différentes couches sociales. Le parti de la quenouille a ajouté qu’elle n’a pas été consultée et qu’elle n’a fourni aucun dossier pour le CNT. L’ancien parti majoritaire, le RPM se démarque de son cadre et dit n’avoir envoyé aucun militant à parler à son nom. L’URD, à l’absence de son Président Soumaila Cissé, mène le débat sur la présence de Mahamadou Hawa Gassama au CNT. Si certains pensent qu’il faut le radier du parti, d’autres, au contraire estiment qu’il pourrait être d’un apport considérable pour le parti.
Revenons-en à la composition de l’Assemblée Nationale de la Transition, en analysant la liste des membres du CNT trois aspects fondamentaux apparaissent d’abord sur la forme, tous les 121 membres ont été choisis par le CNSP sans consultation aucune, deuxième remarque, tous ceux qui ont été choisis, au regard du plébiscite dont le colonel Diaw a bénéficié, auraient signé un engagement de voter pour le candidat proposé par la junte militaire. La troisième remarque est que tous les 121 membres auraient des liens ou seraient des courtisans de la junte, et qui seront prêts à faire les laudateurs et le béni oui-oui. En analysant le fond s’il y a des cadres valables qui peuvent défendre le pays afin qu’on ne légifère pas n’importe quelle loi, mais, force est aussi de constater que d’autres sont là par la volonté de certains membres du CNSP sans aucune représentativité véritable.
En somme, sauf si la classe politique venait à se fissurer encore à cause des intérêts personnels, sinon l’occasion semble tout trouvée pour parler d’une seule et même voix afin de former un bloc solide contre la junte, qui semble avoir un agenda aux antipodes de l’ancrage de la démocratie. La survie de la classe politique dépend de sa capacité à faire face aux militaires qui sont sur le point de confisquer la démocratie malienne chèrement acquise en 1991. La classe politique est fortement interpellée, elle doit s’unir ou périr. Comme première décision courageuse, les partis politiques doivent commencer par exclure tous les traitres qui ont accepté de siéger au CNT contre leur volonté, ensuite très rapidement l’initiative d’un front doit avoir le jour pour dire non à l’exclusion de la classe politique et non à la colonélisation de la transition.
Youssouf Sissoko