Ce sont 6 cadres incorruptibles de ce service prestigieux de l’Etat qui ont élaboré un «Rapport de Mission». Celui-ci ne laisse aucun doute sur la responsabilité de l’ex ministre dans ce dossier sulfureux. Il s’agit d’Amadou dit Abderhim Dicko (Contrôleur des Services Publics), Boubacar Tidiane Touré (Contrôleur des services publics), Mama Djenepo (Contrôleur des services publics), Bakary Coulibaly (Inspecteur des domaines de l’Etat et des affaires foncières), Silamakan Traoré (Inspecteur des domaines de l’Etat et des affaires foncières) et Hamadoun Dia (Inspecteur de l’équipement et des transports). Ils ont décelé plusieurs manquements et violations des procédures et des textes qui réglementent cette zone.
Le document date du 24 décembre 2013 et a été rédigé suite à une mission du CGSP diligentée à la demande de l’ancien Premier ministre Oumar Tatam Ly, pour procéder à des vérifications sur des installations dans la zone aéroportuaire de Bamako Sénou.
C’est ce rapport qui a été transmis par le Premier ministre actuel, Moussa Mara, au ministre de la Justice, qui à son tour a saisi le Procureur du Pôle économique et financier pour voir plus clair dans ce dossier. Ce qui a conduit aux interpellations, le jeudi 14 août dernier, de l’ancien ministre du Logement, David Sagara, du Directeur national de l’urbanisme, Amadou Diallo, du Conseiller technique au Secrétariat Général du Gouvernement, Etienne Dioné et de l’opérateur économique et non moins PDG de la très prospère société de production d’engrais du Mali, Togouna Agro-industrie.
Si Seydou Natoumé est rentré chez lui le même jour dans la nuit, ce n’est pas le cas des autres. L’ancien ministre du Logement a été placé sous contrôle judiciaire et le Directeur national de l’urbanisme et le Conseiller Technique au Secrétariat Général du Gouvernement ont été mis sous mandat de dépôt.
Des manquements graves aux textes et procédures
Les missionnaires du CGSP ont décelé dans la gestion des parcelles de la zone aéroportuaire plusieurs fautes graves imputables à l’ancien ministre du Logement. «Concernant la vérification de l’existence et de l’application des textes législatifs et réglementaires portant création et gestion du domaine aéroportuaire de Bamako-Sénou», la mission a relevé l’existence de 4 projets de plans de morcellement des TF 1528 et 7616 sur le domaine aéroportuaire de Bamako non approuvés par le Gouverneur du District de Bamako, en violation des dispositions du Décret n° 05 -115 du 9 mars 2005 fixant les modalités de réalisation des différents types d’opération d’urbanisme ainsi libellé: «Le dossier de lotissement est approuvé par arrêté du Gouverneur du District après avis des services techniques de l’urbanisme».
En effet, selon ce rapport, 4 projets de plans non approuvés ont été établis par la Direction Nationale de l’Urbanisme et de l’Habitat (DNUH). Il s’agit du Projet de plan de novembre 2011 remis par la DNUH, du Projet de plan de juin 2013 remis à la Direction Régionale des Domaines par la Direction Nationale de l’Urbanisme, du Projet de plan de juillet 2013 remis par les Aéroports du Mali et du Projet de Plan d’Août 2013 remis par la DNUH.
Autre violation constatée par les missionnaires du CGSP, l’inexistence de l’autorisation préalable de I’ANAC et des Aéroports d’occupation temporaires, en violation de l’article 108 de la loi n°2011-014 du 19 mai 2011, portant Code de l’Aviation civile, qui dispose, en ces termes: «il est requis une autorisation préalable du gestionnaire ou de l’exploitant de l’aérodrome pour toute occupation du domaine public aéroportuaire».
Ce n’est pas tout. La mission a aussi constaté «la gestion unilatérale du ministre du Logement, des Affaires Foncières et de l’Urbanisme du domaine aéroportuaire, en violation de la Convention relative à l’aviation civile internationale, signée à Chicago le 7 décembre 1944, du Code communautaire de I’Aviation Civile des Etats membres de l’UEMOA, dont l’article 127 prévoit: «l’occupation du domaine aéroportuaire est soumise à une autorisation préalable des autorités aéronautiques».
Ce qu’il savoir, c’est que dans la gestion des parcelles de cette zone l’ex ministre n’a pas respecté l’élaboration d’un plan d’assainissement général avant toute autorisation d’occupation temporaire du domaine aéroportuaire. En effet, le plan d’aménagement élaboré par la Direction Nationale de l’Urbanisme et de l’Habitat n’a pas été soumis à l’avis des services techniques du ministère de l’Equipement et des Transports, ni approuvé conformément à la réglementation en vigueur. Ce qui constitue une gestion peu catholique de cette zone au centre d’une convoitise des milliardaires maliens.
Dans ce rapport, il faut également relever l’empiètement par le ministre du Logement, des Affaires Foncières et de I’Urbanisme sur les domaines de compétence de son homologue chargé de l’Aviation Civile, en violation des dispositions de l’article 4 de l’Arrêté n°08-0999/MET-MLAFU-SG du 18 avril 2008. Cet article stipule que: «la gestion et la conservation des biens du domaine aéroportuaire situés dans les zones des activités concourant directement à l’activité aéroportuaire sont dévolues au Ministre en charge de l’Aviation Civile».
Autre fait grave reproché à l’ancien ministre, le bornage de parcelles par le géomètre sur la base d’un projet de plan de morcellement non approuvé par les autorités compétentes, en violation des dispositions de l’article 20 du Décret n°05-11 PRM du 9 mars 2005, fixant les modalités de réalisation des différents types d’opération d’urbanisme, ainsi libellé: «l’arrêté d’approbation et le projet approuvé sont adressés aux lotisseurs, aux autorités concernées».
Des parcelles détournées de leur objet
De toute évidence, la gestion des parcelles de la zone aéroportuaire n’a observé aucune règle de procédure. En témoigne l’existence d’investissements non-démontables sur le domaine aéroportuaire, en violation des dispositions de l’article 13 du Décret n°02-111 P-RM du 06 mars 2002 déterminant les formes et les conditions de gestion des terrains des domaines publics immobiliers de l’Etat et des Collectivités Territoriales, ainsi libellé: «l’occupant temporaire ne peut réaliser sur le terrain concerné que des investissements démontables, qu’il aura lui-même indiqués dans sa demande».
Or, à la suite de la visite de terrain avec le géomètre, la mission a constaté l’existence de constructions en dur sur le domaine aéroportuaire, que certains des titulaires d’arrêtés d’occupation temporaire ont édifiées. C’est le cas notamment de l’opérateur économique Seydou Natoumé. Celui-ci a demandé des parcelles pour construire un parking pour le stationnement des ses nombreux camions. Il se trouve que, sur le site, il est en train de construire une usine de production chimique, en dur s’il vous plait.
Concernant cet opérateur économique, le ministre en charge de l’Aviation avait donné son accord de principe pour l’occupation de 10 hectares, et non pour les 20 hectares qui lui ont été accordés. C’est pourquoi le rapport note qu’il occupe illégalement 30 hectares. Ce qui lui a valu certainement son interpellation au Pôle économique et financier. A suivre.
Youssouf Diallo
Source: Le 22 Septembre 2014-08-24 23:22:54