La Transition malienne est toujours chancelante. Minée par une guerre de leadership, elle ressemble à un bateau à plusieurs commandants. Les organes censés être en parfaite symbiose pour son bon fonctionnement sont à Hue et à Dia. C’est le cas aujourd’hui entre l’exécutif et le législatif qui se regardent en chiens de faïence et s’adonnent à un spectacle digne de la comédie de l’opéra de Paris. En effet, en conflits ouverts autour de la loi électorale, finalement celui qui fait office d’arbitre de ce match, pas amical, à savoir Assimi Goïta a t’ranche en faveur du CNT. En effet, l’organe législatif, fidèle à sa mission régalienne de contrôle, de suivi et d’orientation de l’action du gouvernement avait jugé opportun d’impliquer tous les acteurs qu’ils soient politiques ou de la société civile afin qu’elle soit une loi consensuelle, inclusive, toilettée et opérante. Ce fastidieux travail mené par le CNT a été jeté à la poubelle par le gouvernement qualifiant la nouvelle loi de scélérate et aux antipodes des valeurs du Mali Koura. C’est face à ce conflit entre le gouvernement et le CNT que l’arbitrage du Président de la transition avait été sollicité. Assimi Goïta a finalement tranché en faveur du CNT en promulguant la loi ce qui entrainerait de facto la chute du gouvernement. Assimi n’a-t-il pas agi par réalisme politique ? Choguel a-t-il été lâché en plein vol par le Président de la transition ?
Pour rappel ce projet de loi, déposé sur la table du CNT depuis le mois de décembre 2021, a donné l’occasion aux Conseillers Nationaux d’écouter toutes les forces vives de la nation en vue de trouver un large consensus et une inclusivité indispensable pour son adhésion et pour la réussite de la transition. C’est après ces larges concertations ayant abouti à plus d’une deux centaine d’auditions couronnées par 92 amendements et de rectification, que la loi électorale a été adoptée à la quasi-unanimité des membres du Conseil National de Transition avec 115 voix pour 3 contre et 0 abstention. Ces amendements apportés au texte initial proposé par le gouvernement ont été la véritable pomme de discorde entre l’exécutif et le législatif.
Il ne fait plus l’ombre d’aucun doute que l’exécutif et le législatif n’ont pas la même grille de lecture, pour ne pas dire qu’ils sont à couteaux tirés, autour de la loi électorale. Adoptée par une écrasante majorité des membres du CNT, le gouvernement dit ne pas se reconnaitre dans le texte adopté par le parlement et a demandé du coup au Président de la transition de ne pas la promulguer, car, selon le gouvernement, elle est aux antipodes de la vision du Mali Koura. Pour les membres du CNT le projet de loi soumis à leur vote portait en lui tous les germes de la division, de la marginalisation, de l’exclusion, bref de la contestation et que les 92 amendements sont les résultats des larges concertations de tous les acteurs sociopolitiques du Mali. Le Colonel Diaw et ses collègues députés disent avoir évité à notre pays une crise pré et post-électorale aux conséquences dramatiques. C’est pourquoi ils ont pris leurs responsabilités en associant toutes les formations politiques significatives du pays et toutes les expertises dans le domaine des élections, anciens présidents de la CENI, anciens ministres de l’administration territoriale et d’autres personnes ressources. C’est après ce travail qu’ils ont procédé à un toilettage du texte, sans état dame et sans passion, afin de le rendre plus consensuel, plus inclusif et plus pratique en enlevant tous les articles à confusion ou inopérant.
Assimi donne raison au CNT
Le Président de la Transition le colonel Assimi Goïta, était le dernier recours du gouvernement car c’est lui qui a le dernier. Choguel et son Gouvernement avait suggéré au Président de la transition de ne pas promulguer cette loi « défigurée et dénaturée par le CNT. La réponse du chef de l’Etat a été sans ambages un niet au gouvernement en promulguant la loi électorale. En effet, en promulguant la loi amendée, dénaturée et adoptée par le CNT, Assimi Goïta aura lâché le Premier Ministre et son Gouvernement et en ce moment il aura agi par devoir et en toute responsabilité. Le contraire de son acte, à savoir en ne promulguant pas la loi électorale telle qu’adoptée par le CNT, ferait de lui le responsable de toutes situations désastreuses et il serait d’une complicité tacite avec le PM dans le machiavélique dessein de provoquer une crise pré et post-électorale .
Pour rappel le texte proposé par le gouvernement n’a pas fait l’objet de concertations en amont de la classe politique, de la société civile et était truffé d’incorrections et d’incohérences. Il donne au PM des pouvoirs exorbitants, alors même qu’il n’a aucune légitimité. Par contre celui adopté par le CNT est le fruit des combinaisons des différentes propositions faites par la classe politique, la société civile et toutes les personnes ressources ayant une certaine expertise en matière d’élections.
En définitive, en promulguant la loi électorale, le colonel Assimi Goïta aura posé les bases de la pleine réussite de la transition dont le couronnement serait l’organisation des élections crédibles et transparentes. Il est attendu de lui, dans les jours et les semaines à venir, la nomination d’un nouveau PM et la formation d’un gouvernement d’union nationale avant le sommet du 3 juillet.
Youssouf Sissoko
Source: Alternance