Nous avons tous plus de dix ans de service. Malheureusement, aucun d’entre nous n’a corrigé plus de deux fois. Alors que d’autres y participent chaque année. Et la plupart d’entre eux ont été recrutés après nous.
En effet, depuis quelques années, le choix des correcteurs à l’examen du baccalauréat malien ne repose sur aucun critère digne de ce nom. Sauf sur la volonté de la mafia qui s’est constituée autour de la correction. Elle est parvenue, par ses pratiques, à créer une «société» hiérarchisée, dont les différentes couches portent le nom de: éternels correcteurs, abonnés, ayant-droit, recommandés.
Ainsi, pour accéder à une classe supérieure, il faut parler le langage des initiés. En plus de ces privilégiés, il y a d’autres catégories de correcteurs. Il s’agit des professeurs en formation, ou ayant terminé la formation sans être encore rappelés en activité. Les stagiaires que nous encadrons au cours de l’année scolaire sont retenus au détriment de leurs professeurs encadreurs; les professeurs nouvellement recrutés corrigent dès leur première année de service.
Mais, là où le bât blesse, c’est le cas de cette catégorie de correcteurs. Afin de mieux s’occuper de leurs affaires personnelles, certains professeurs, en complicité avec leur administration scolaire, recrutent d’autres professeurs pour dispenser des cours à leur place: les doublons. Il arrive souvent que le nom d’un seul correcteur se retrouve dans deux ou trois pôles de correction. La gestion de ces cas donne lieu à un véritable marchandage.
La situation va de mal en pis. Cette année, la philosophie, discipline longtemps éloignée de ces pratiques, a fait son entrée, avec fracas, dans la mafia. Beaucoup de professeurs de philosophie sont restés sur la touche. Et certains professeurs, qui ont corrigé à Sikasso l’année dernière, ont été écartés. Leur tort? Ils ont dignement réclamé leurs sous.
Monsieur le Ministre, que dire de ces responsables qui, durant la période de la correction, se transforment en commerçants. Ils exposent leurs marchandises (chaussures, chemises, pantalons, etc.). Gare à celui qui n’achète pas!
A la lecture de la décision portant nomination des membres du jury de la correction, on tombe des nues. Aucune rigueur dans le travail. Il n’y a plus de mobilité. On reconduit la même liste. Ce qui fait que certains correcteurs en sont à leur troisième année, voire quatrième année, au même pôle de correction. Les professeurs mutés il y a trois ou quatre ans, gardent toujours le sigle de l’établissement d’où ils sont partis sur la décision.
Sous le couvert d’une EP (école privée), on glisse le nom d’autres personnes. Il est toujours écrit contractuel dans la colonne du numéro matricule, devant le nom des anciens contractuels. A la date d’aujourd’hui, tous ceux-ci ont leur numéro matricule. Cela dénote qu’aucun sérieux n’entoure le travail. Plus choquant encore, on retrouve le nom de ceux qui ont fait un changement de corps.
Monsieur le Ministre, malgré nos plaintes, les choses n’ont pas changé. Pire, les responsables chargés de ce travail, face à votre lente réaction aux lettres de protestation, haussent le ton. L’un des leurs n’a-t-il pas déclaré devant un groupe de correcteurs de la Rive gauche «tant que nous sommes aux commandes, tous ceux qui nous critiquent ou qui écrivent au ministre ne corrigeront pas»?
Aujourd’hui, par la faute d’une catégorie de gens, un fossé de haine s’est creusé entre les enseignants. Ceux qui corrigent se prévalent devant les élèves d’être les meilleurs. Il est regrettable que la correction, ce maillon essentiel dans la chaîne des examens, soit le haut lieu de la magouille. Et, au rythme où l’on va, elle risque de mettre à l’eau le vaste chantier de réforme du système éducatif que vous avez entamé pour redonner à notre école son lustre d’autan.
Moussa H. Traoré, Professeur de Lettres au lycée Mamadou Sarr,
Porte-Parole du Collectif des Professeurs exclus de la correction,
Tél: 76 51 06 02
Le 22 Septembre 2011