Face à l’escalade meurtrière au nord, le chef de la Minusma, Mahamat Saleh Annadif, ne mâche plus ses morts. Dans une interview accordée à nos confrères de Jeune Afrique, le diplomate tchadien dénonce certains forfaits surtout le fait que les terroristes « bénéficient de complicités au sein de la population et même des mouvements signataires des accords ».
En l’espace de dix jours fin mai, six Tchadiens et cinq Togolais ont péri dans des embuscades probablement menées par des groupes jihadistes. Le 31 mai, une attaque a tué un autre Casque bleu à Gao, ainsi que trois prestataires de services maliens. Soixante-dix casques bleus sont morts dans le bourbier malien depuis près de trois ans. Nommé au début de l’année en remplacement du Tunisien Mongi Hamdi, le patron de la Minusma, le Tchadien Mahamat Saleh Annadif, dresse un tableau sans concession de la situation. Il dénonce sans détour que les groupes terroristes « bénéficient de complicités au sein de la population et même des mouvements signataires des accords… »
Quant aux conflits intercommunautaires, M.Annadif trouve que « partout où ils s’entretuent, c’est parce que l’État est absent. On doit également faire face aux coupeurs de route, qui profitent eux aussi de l’absence de l’État. C’est très dangereux, car ce phénomène descend du Nord vers le Centre, et même vers le Sud ».
Il enfonce le clou en soutenant qu’ « il peut arriver aussi que des gens proches du gouvernement instrumentalisent eux aussi telle ou telle communauté. Il y a une brèche, et certains essayent de s’y engouffrer ».
Il finit par reconnaissance par les insufissances de la force onusienne au Mali. « Nous manquons de moyens adéquats pour faire face à la situation. Nous attendons un appui en équipements. Cet appui relève des pays contributeurs de troupes, mais 80% de ces contributeurs ne remplissent pas leurs engagements, par manque de moyens plus que par manque de volonté. Ces pays ont besoin d’aide bilatérale. Nous avons demandé à leurs partenaires de les aider, car cela ne pourra pas durer », assène-t-il.
« On est devant un constat : l’accord de paix n’avance pas, j’ai peur qu’on puisse arriver à un blocage », a déclaré M. Annadif lors d’une conférence de presse, deux jours après une double attaque contre la Minusma à Gao.
« La meilleure façon de combattre les terroristes, de les isoler, c’est la mise en oeuvre effective de l’accord de paix. Et toute minute, tout temps perdu pour la mise en oeuvre de cet accord est autant de temps gagné par les ennemis de la paix », a affirmé le diplomate tchadien, en allusion à l’absence de l’Etat et de l’administration dans une bonne partie du nord du Mali.
Pour faire face à la menace terroriste, le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU estime que la MINUSMA doit changer d’attitude. « Nous-mêmes au niveau de la MINUSMA, nous devrions faire notre autocritique (…) pour qu’on soit plus proactif, plus dissuasif. Dans un tel environnement, il faut qu’on montre ce dont on est capable », a poursuivi M. Annadif.
AMC