Le chanteur congolais Papa Wemba est décédé ce dimanche 24 avril à Abidjan en Côte d’Ivoire où il participait au Festival des Musiques Urbaines d’Anoumabo (Femua).
« Vers 5h10, heure d’Abidjan, Papa Wemba a été annoncé pour monter sur le podium. Il a chanté la première et la deuxième chanson. Alors qu’il chantait la troisième chanson, il s’est écroulé. Je suivais le concert en direct à la télévision. J’ai vu les danseuses entourer Papa Wemba. J’ai cru que c’était un scénario du concert. Mais ensuite je vois surgir sur le podium les gens de la Croix-Rouge ivoirienne. Tout d’un coup on a coupé le signal de la télévision ivoirienne. J’ai tenté de parler d’appeler le manager de Papa Wemba à l’étranger, Cornelie. Il me dit que Papa Wemba est tombé en plein concert. On l’a acheminé à l’hôpital. Je rappelle dix minutes après, on me dit qu’il est aux soins intensifs. J’appelle trente minutes après, Cornelie me dit que Papa Wemba a rendu l’âme », raconte Mbuta Vokia.
Près de 50 ans de carrière musicale
Musicien à succès, Papa Wemba, né Jules Shungu Wembadio, est l’une des grandes figures de la musique congolaise.
Il aura vécu presque toute sa vie comme musicien.
Né en 1949, Papa Wemba se lance dans la musique à l’âge de vingt ans.
Dans son « Dictionnaire des immortels de la musique congolaise moderne »*, Jean-Pierre François Nimy Nzonga soutient que la maman de Papa Wemba, pleureuse de profession, peut être considérée comme l’élément détonateur de sa vocation musicale. Le jeune Shungu accompagnait sa mère à ses prestations. Le papa, ancien soldat de la Force publique, est un chasseur.
Le même ouvrage note que Shungu Wembadio n’a que 20 ans lorsqu’il intègre l’orchestre de Stukas boys où il compose sa première chanson inédite « Madrigal ».
La même année, 1969, il participe à la création de Zaïko, l’un des plus grands groupes musicaux de la RDC. Il y signe ses premiers gros succès (« Pauline », « Chouchouna », « Liwa ya somo », Amoureux déçu ») et prend le surnom de Papa Wemba.
Il quitte le groupe cinq ans plus tard et forme avec quelques camarades le groupe « Isifi Lokole » où il compose la chanson « Amazone », du nom de son épouse.
« Viva La Musica »
Après un éphémère passage dans le groupe « Yoka Lokole », il fonde son propre groupe « Viva La Musica » en 1977.
Selon Jean-Pierre François Nimy, le chanteur devient alors « l’archétype du Kinois à la mode ». Il invente un village imaginaire « Village Molokaï » et se fait introniser « chef coutumier ». Il multiplie les sobriquets comme « Kuru Yaka », « Vieux Bokul », « Maitre d’école ».
Il impose aussi un style vestimentaire, une allure générale qui caractérise les « sapeurs » : coiffure et habillement sophistiqués, goût effrené pour les vêtements de haute couture portant la griffe de maisons de mode.
Plusieurs grands noms de la musique congolaise ont évolué aux côtés de Papa Wemba. Parmi eux, King Kester Emeneya, décédé en 2014, et Koffi Olomide, patron de l’orchestre Quartier Latin.
Dans son « Dictionnaire des immortels de la musique congolaise moderne », Jean-Pierre François Nimy Nzonga note qu’à partir de l’an 2 000, une brillante carrière internationale solidifie le succès de l’artiste.
Mais une sombre affaire vient ternir ce succès. Des tribunaux français et belges établissent l’existence entre 2001 et 2003 de vastes filières d’immigration clandestine des faux musiciens qui, depuis la RDC, s’acquittent envers Papa Wemba d’une somme de 3 500 dollars américains par personne. Le dossier est connu en RDC sous le nom d’affaire « Ngulu » (cochon en lingala).
Le chanteur est incarcéré après une enquête de deux ans (2002-2004). Le tribunal correctionnel de Bobigny le condamne à trente mois de prison, dont quatre fermes déjà purgés en 2003, et 10 000 euros d’amende pour « aide au séjour irrégulier de clandestins sous couvert de ses activités musicales ».
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L’artiste ne va pas en prison. Il a déjà effectué le même nombre de mois en détention préventive.
Papa Wemba rentre au pays et poursuit sa carrière. Il sort notamment « Ba Zonkion » en 2005.
Son dernier album, « Maître d’école » est sorti en 2014.
Il s’était rendu à Abidjan pour participer au Femua. Il y est mort. Après s’être effondré sur scène, il a été conduit dans un hôpital où il est décédé.
*« Dictionnaire des immortels de la musique congolaise moderne » de Jean-Pierre François Nimy Nzonga publié aux éditions Academia Bruylant en 2007 en Belgique.
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