Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, à Washington le 10 octobre 2017 / © AFP / Andrew CABALLERO-REYNOLDS
Le gouvernement libéral canadien du Premier ministre Justin Trudeau, en supprimant un contrat à Boeing, a signifié mardi aux Américains que l’amitié indéfectible avait parfois ses limites face aux rebuffades répétées de l’administration du président Donald Trump.
Un peu plus d’un an après avoir promis l’achat de 18 Super Hornet de Boeing pour plus de 5 milliards de dollars, le Canada a fait volte-face mardi.
« Nous n’avons pas l’intention de donner suite à l’offre du gouvernement américain pour des Super Hornet », a déclaré la ministre des Services publics, Carla Qualtrough, en annonçant à la place l’achat de 18 F18 australiens d’occasion.
La multiplication des conflits commerciaux avec les Etats-Unis, sous la baguette protectionniste de Donald Trump, explique ce revirement canadien.
Outre la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (Aléna), l’imposition de droits antidumping sur le bois canadien par les Etats-Unis, la menace de Donald Trump d’en faire de même sur les produits laitiers, c’est l’offensive de Boeing contre son concurrent canadien Bombardier qui a irrité au plus haut point le gouvernement Trudeau.
Boeing a obtenu cet été de l’administration Trump l’imposition de taxes de 300% pour tout avion civil CSeries du constructeur canadien Bombardier vendu aux Etats-Unis, des appareils de 100 à 160 places concurrents des Boeing 737.
Justin Trudeau a donc mis sa menace à exécution. « Si Boeing continue d’insister à vouloir éliminer des dizaines de milliers d’emplois au Canada en s’attaquant à Bombardier, il ne devrait pas s’attendre de notre part, comme gouvernement, à ce que nous lui achetions des avions », avait-il mis en garde en septembre.
La menace va même plus loin pour Boeing et ses Super Hornet dans le cadre de l’appel d’offres que le gouvernement lancera en 2019 pour l’achat de 88 avions de combat à livrer dès 2025.
– ‘Tort économique’ –
Une clause particulière spécifiera, dans l’appel d’offres, que l’industriel retenu ne devra pas causer de « tort économique » au Canada, a averti Carla Qualtrough.
Le ministre du Développement économique, Navdeep Bains, a été très clair à l’adresse de Boeing, mais aussi de tout constructeur comme par exemple l’américain Lockheed Martin avec son chasseur F35: « s’il y a un préjudice économique au Canada, s’il y a un impact sur les emplois canadiens, s’il y a un impact sur certains secteurs clés de l’économie canadienne, vous serez nettement désavantagé ».
Peu d’experts se risquent à envisager, à terme, un autre avion de combat que le F35 ou le Super Hornet, principalement en raison de l’interopérabilité des forces aériennes canadiennes et américaines, à la fois dans des opérations de l’Otan ou plus simplement au niveau de la coopération du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du nord (NORAD).
L’achat de vieux F18 australiens n’est donc pas simplement un mouvement d’humeur, c’est aussi le bon sens, a estimé Dave Perry, analyste de l’Institut canadien des affaires mondiales.
« Je ne pense pas que l’achat d’avions de combat d’occasion australiens a autant de sens que de précipiter l’achat de nouveaux avions neufs, mais cela a plus de sens que d’acheter des avions neufs pour un usage temporaire » en attendant l’appel d’offres, a-t-il dit.
Au Congrès américain, « les faucons (républicains) sont très contrariés par le Canada », depuis l’annulation de l’achat des F35 par Justin Trudeau dès son arrivée au pouvoir fin 2015, a souligné Richard Shimooka, associé de l’institut de réflexion MacDonald-Laurier.
« Mais ce n’est pas vraiment un problème sur le radar de l’administration » américaine car elle sait que « le Canada achètera finalement soit des Super Hornet soit des F35 », a-t-il assuré.
(©AFP / 13 décembre 2017 09h33)