Gao en avait fait l’amère expérience en 2015 : des soldats onusiens débordés ont tiré et tué deux des manifestants en colère contre le parti pris supposé de la communauté internationale pour les ex-mouvements rebelles. Et hier, c’était au tour Kidal la frondeuse de s’enflammer, au propre comme au figuré, avec le même bilan : une dizaine de blessés, deux morts. Des enfants selon la Cma qui, dans un communiqué musclé exige une enquête sur les circonstances exactes de ces tristes événements. Qu’il s’agisse de Barkhane ou des forces tchadiennes comme cela a été diffusé sur les réseaux sociaux, un constat est net : ce sont des soldats de la paix qui auront tiré sur les populations qu’ils ont vocation à protéger. Et cela est grave.
Toutefois, Kidal n’est pas une simple réédition de Gao. La capitale de l’Adrar, dans un schéma rôdé et selon des récits concordants, avait fait sortir les femmes et les enfants tôt ce lundi pour s’en prendre aux installations aéroportuaires qu’ils auraient saccagées, entendant ainsi protester contre les arrestations opérées dans leur région contre des combattants du Mnla sur lesquels pèserait une présomption de trafic d’armes. L’accusation est surréaliste certes dans une zone où la kalach est plus courante que les denrées de première nécessité mais elle est portée par des troupes françaises qui ne peuvent quand même pas être poursuivies pour anti-touareguisme primaire. Ensuite, tenter de détruire l’aéroport c’est vouloir organiser l’isolement de Kidal, donc le renvoi de la communauté internationale. Pourquoi ?
Des ressentiments réels de la population contre des troupes qui se comporteraient en forces d’occupation ? Des gesticulations irrédentistes contre l’accord de paix ? Ou le plan B d’Iyad Ag Ali contre toute présence étrangère dans l’Adrar ? En tout cas, le pays se réveille sur les cendres fumantes d’un jour pas comme les autres. Qui incline à trancher définitivement le nœud gordien kidalois, pour emprunter les termes crûment lâchés par Cheick Oumar Diarrah à l’époque ministre en charge de la question du Nord. Ou à s’accommoder de l’impensable : l’Onu et la France ouvrant un feu nourri sur des civils, fussent-ils Maliens malgré eux.
Adam Thiam
Source:Le Républicain 20/04/2016