Le berceau du djihadisme

Moussa Kamara

Le djihadisme naît en 1979 dans les montagnes de l’Hindukush lors de l’invasion soviétique de l’Afghanistan.

Cette invasion intervient suite à l’instabilité de la situation politique en Afghanistan où l’adoption de réformes communistes suscite une forte opposition au régime particulièrement chez les islamistes.

L’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) qui dit répondre à une demande de Kaboul traverse la frontière à ses troupes en décembre 1979 ce qui marqua ainsi le début de la guerre contre l’armée rouge.

Pour vaincre la Russie, une alliance est créée entre les États-Unis et ses alliés, le Pakistan et l’Arabie Saoudite.

La stratégie mise en place dans l’atteinte de l’objectif commun pour défaire l’empire soviétique a été de faire appel aux combattants islamistes.

L’internationalisation du djihadisme est venue du fait que l’appel a été lancé aux combattants étrangers dans tout le monde musulman surtout arabes.

Cet appel marqua un tournant décisif dans la guerre contre l’ex URSS car plusieurs combattants du monde musulman ont rejoint les rangs des djihadistes en Afghanistan. 

Le savant religieux Abdallah Azzam (1941-1989) a occupé une place centrale dans ce djihad contre l’armée rouge mais aussi dans l’islamisme radical en tant que principal théoricien, figure inspiratrice et organisateur de la participation arabe à la guerre d’Afghanistan dans les années 1980.

Il a été décrit pour ses efforts comme « le parrain du djihad » et baptisé « l’imam du djihad ». À son assassinat en novembre 1989, Azzam était déjà devenu une figure légendaire dans les cercles islamistes du fait de ses écrits, de son charisme et de son statut incontesté de pionnier.

Sa stature dans le djihad n’est égalée que par Oussama Ben Laden.

Abdallah Azzam dans sa démarche de révolutionner le concept de djihad soutient que :

« La déclaration du djihad par un seul savant religieux suffit pour déclarer le combat et, surtout, le djihad devient une obligation individuelle.

Cela implique que si un territoire musulman est attaqué, chaque musulman au monde a le devoir de mener le djihad pour défendre ou libérer cette terre d’islam ». 

Une autre grande révolution doctrinaire réalisée par docteur Abdallah Azzam qui est aussi la base du djihadisme est celle du concept de martyre littéralement traduit par shahid dérivé du mot shahido qui est utilisé pour traduire des concepts clés du martyre dans la bible syriaque.

Le mot shahid peut avoir deux significations à savoir le martyre sacrificiel qui veut dire mourir pour sa foi et du témoignage de la foi au sens large.

Mais cependant, dans le coran le terme désigne témoignage comme que le fait la profession de foi musulmane qui est la shahada.

La conception djihadiste d’Azzam va largement influencée la compréhension sunnite du djihad qui pourtant s’inspirait du chiisme pour développer le concept de martyre comme arme de guerre asymétrique.

L’une des questions d’une importance capitale et complexes de la littérature juridique sunnite classique est la suivante « Le martyre peut-il et doit-il provoquer sa propre mort?».

S’inspirant du chiisme, Azzam affirme que le martyre peut et doit provoquer sa propre mort.

Pendant la guerre Iran contre Irak de 1980-1988, il y a eu une nouvelle conception du martyre qui est : 

« issue d’un sentiment de culpabilité collective face à l’abandon par les premiers chiites de leurs imams fondateurs, Ali en 661 et son fils Hussain en 680, pour justifier la mobilisation de millions de soldats, souvent des adolescents, prêts à se sacrifier au combat.

Un tout nouveau culte de martyre chiite voit le jour, sous la forme, par exemple, de gigantesques peintures murales à la gloire des martyres à Téhéran ». 

La conception iranienne du martyre fût une source de motivation et d’inspiration pour Azzam et des adeptes qui ont à leur tour révolutionner la conception du martyre sunnite.

Ainsi, le martyre devient l’essence du djihad et même de l’islam parce que les deux concepts (martyre et djihad) ont été ramenés au premier plan après les cinq piliers de l’islam qui sont l’attestation de la foi de l’unicité de Dieu et du prophète Mahomet, les cinq prières quotidiennes, la zakat (aumône), le pèlerinage à la Mecque et le jeûne du mois saint de ramadan. Ainsi le culte du martyre sunnite est créé rependant et renforçant le djihad dans les zones où les combattants islamistes sont engagés (Iran, Irak, Afghanistan etc.) 

En 1989 l’invasion soviétique en Afghanistan prend fin par une défaite de l’armée rouge faisant sombrée le pays dans une guerre entre les différentes factions majoritairement djihadistes à la résistance où d’ailleurs Abdallah Azzam trouva la mort à Peshawar au Pakistan suite à un attentat à la bombe.

La victoire et le retrait de l’armée rouge des territoires Afghans a renforcé le sentiment de confiance chez les djihadistes qui savent maintenant que l’on peut vaincre les puissances internationales et les détruire avec des moyens très rudimentaires comme les mines, les kalachnikovs et des lances roquettes. La défaite de l’armée rouge réputée être l’une des plus fortes armées au monde a fait perdre le mythe de superpuissance.

Après cette guerre victorieuse pour les moudjahidines, des dizaines de milliers de combattants ont décidé de rester sur les terres afghanes pour ainsi maintenir leurs idéologies jusqu’en 2001 après les attentats contre les World Trade Center qui déclencha une nouvelle guerre contre le djihadisme. 

Moussa Kamara 

Spécialiste en droit de l’Homme

Chercheur sur la lutte antiterroriste

kamara.moussa@courrier.uqam.ca

Montréal Québec Canada