Boutros Boutros-Ghali, un vétéran diplomate égyptien qui a aidé à négocier l’accord de paix historique entre son pays et Israël et qui a affronté les États-Unis lorsqu’il a été le secrétaire général des Nations Unies, est décédé. Il avait 93 ans. M. Boutros-Ghali, le descendant d’une éminente famille politique chrétienne, a été le premier chef de l’ONU en provenance d’un pays d’Afrique.
Il est entré en poste à une époque de grands changements sur la scène politique internationale, avec l’effondrement de l’Union soviétique, la fin de la guerre froide, et le début d’une ère unipolaire dominée par les États-Unis.
Mais après quatre années de frictions avec l’administration Clinton, les États-Unis ont bloqué le renouvellement de son mandat en 1996, faisant de lui le seul secrétaire général à n’avoir servi qu’un seul terme. Il a été remplacé par le Ghanéen Kofi Annan.
Le président actuel du Conseil de sécurité, l’ambassadeur vénézuélien Rafael Ramirez, a fait l’annonce de son décès à l’ouverture d’une rencontre sur la crise humanitaire au Yémen, mardi. Il a demandé aux membres d’observer un moment de silence.
Les 15 membres du Conseil se sont levés pour lui rendre un hommage silencieux.
L’homme est mort mardi dans un hôpital du Caire, a affirmé l’agence de nouvelles de l’État égyptien. Il avait été admis après avoir subi une fracture du pelvis, avait rapporté jeudi le journal Al-Ahram.
Un adepte du multilatéralisme et des relations internationales
Au Canada, le bureau du premier ministre Justin Trudeau a transmis un message sur Twitter à son sujet. « Nous déplorons la perte de Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général de l’ONU et de la francophonie. »
Selon le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, qui l’a rencontré à quelques reprises, l’homme a été un grand serviteur de la cause du multilatéralisme et des relations internationales. « Il était très dévoué à la cause de la paix et il a donné toute son énergie pour elle. »
Il a souligné que M. Boutros-Ghali avait dirigé l’ONU à une époque extrêmement difficile et qu’il l’avait fait d’une façon qui lui avait valu les éloges de tous les côtés.
Tous ne sont pas d’accord avec lui, et les cinq années passées par M. Boutros-Ghali aux Nations Unies demeurent controversées. Certains le voient comme ayant tenté d’établir l’indépendance de l’ONU face à la superpuissance mondiale, les États-Unis.
D’autres le blâment pour des erreurs de jugement, pour avoir failli à empêcher des génocides en Afrique et dans les Balkans, et pour sa mauvaise gestion de la réforme de l’organisme international.
Une décennie de perturbations et de désillusions
Dans son discours d’adieu aux Nations Unies, il a déclaré qu’il pensait, lorsqu’il est entré en poste, que le moment était venu pour les Nations Unies de jouer un rôle efficace dans un monde qui n’était désormais plus divisé en deux camps, ceux de la guerre froide. Mais il croit que les années au milieu de cette décennie étaient profondément perturbées, et que les désillusions se sont installées.
Dans une entrevue de 2005 avec l’Associated Press, M. Boutros-Ghali a qualifié le massacre de 1994 au Rwanda, dans lequel un demi-million de Tutsis et de Hutus modérés ont été tués en 100 jours, « mon pire échec aux Nations Unies ».
Né en 1922, M. Boutros-Ghali a étudié au Caire et à Paris et est devenu un professeur, spécialisé en droit international.
Un rôle crucial dans des négociations qui ont fait époque
Il a été nommé ministre en 1977 et a joué un rôle crucial dans les négociations qui ont abouti au cadre de paix du Camp David en septembre 1978 et au traité de paix entre l’Égypte et Israël en 1979, le premier accord de ce genre entre un état arabe et Israël.
Après avoir quitté les Nations Unies, il a été secrétaire général de la Francophonie de 1998 à 2002 et a été nommé en 2004 président de la nouvelle commission des droits de la personne de l’Égypte.
Il était marié à Lea, une juive égyptienne.
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