En exil depuis 22 ans à Dakar, Hissène Habré, l’ancien président tchadien accusé de crimes contre l’humanité dans son pays, se croyait en sécurité au Sénégal. Il a pourtant été arrêté à son domicile dimanche et placé en garde à vue pour au moins 48 heures, une durée renouvelable une fois.
Son inculpation pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture, remonte à 2005, lorsqu’un juge belge avait demandé à Dakar son extradiction après quatre années d’enquête. En juillet 2006, le Sénégal avait été mandaté par l’Union africaine (UA) pour juger Habré, « au nom de l’Afrique ». Mais sous la présidence Abdoulaye Wade (2000-2012), le procès avait sans cesse été retardé, le pouvoir invoquant notamment un manque de moyens. L’élection de Macky Sall en 2012 a relancé les espoirs des victimes, en s’engageant à organiser le procès d’Habré au Sénégal.
Près de 40.000 victimes de la répression sous le régime Habré
En mai dernier, N’Djaména et Dakar ont signé un accord pour permettre aux juges du tribunal spécial, le premier mis en place pour juger un Africain, de mener des enquêtes au Tchad. Il est chargé de juger Hissène Habré pour des faits présumés commis lors de la terrible répression qui a marqué ses huit années au pouvoir, entre le 7 juin 1982 et le 1er décembre 1990. Selon une commission d’enquête, plus de 40.000 personnes sont mortes en détention ou exécutées en huit ans, dont 4.000 identifiées nommément.
Son arrestation apparaît donc comme une preuve supplémentaire de la volonté sénégalaise de le juger au plus vite. Mais ses avocats dénoncent une arrestation « inacceptable. Habré a des droits qui ont toujours été violés », a commenté Me El Hadji Diouf. Il a assuré avoir été informé de cette interpellation par une épouse de l’ancien président tchadien. Dans un communiqué, deux autres avocats de M. Habré, Mes Ibrahima Diawara et François Serres, ont présenté cette arrestation comme un « enlèvement illégal » et ont exigé sa « libération immédiate ».
Les victimes se félicitent quant à elle d’une telle avancée. « Cela fait plus de deux décennies que j’attends de voir Hissène Habré traduit en justice. Nous allons enfin pouvoir confronter notre bourreau et recouvrer notre dignité en tant qu’êtres humains », a dit de son côté Clément Abaïfouta, président de l’Association des victimes des crimes du régime de Hissène Habré.
metronews.fr