Si les technologies numériques se diffusent rapidement à travers le monde, ce n’est pas le cas de leurs dividendes. C’est ce qui ressort du nouveau rapport 2016 de la Banque mondiale sur le développement. Dans ce nouveau rapport, l’institution financière internationale indique que l’internet, les téléphones mobiles et les autres technologies numériques se diffusent rapidement à travers le monde en développement comme en témoigne une journée typique sur internet : 8,8 milliards de vidéos YOUTUBE regardées par jour, 186 millions de photos sur INSTAGRAM, 152 millions d’appels sur SKYPE, 36 millions d’achats sur AMAZON, 4,2 milliards de recherche sur GOOGLE, 803 millions de tweets, 2,3 milliards de Go de TRAFIC WEB et 207 milliards de courriels envoyés. En dépit de ces statistiques, les dividendes escomptés du numérique, à savoir une croissance plus forte, la création de plus d’emplois ainsi que de meilleurs services publics, ne sont toujours pas à la hauteur des attentes.
Selon le « rapport sur le développement dans le monde 2016 : Les dividendes du numérique », élaboré par une équipe codirigée par Deepak Mishra et Uwe Deichmann, ce sont les personnes riches, compétentes et influentes à travers le monde qui bénéficient d’une expansion rapide du numérique, qui sont mieux placées pour tirer parti des nouvelles technologies. En outre, bien que le nombre d’utilisateurs de l’internet dans le monde ait plus que triplé depuis 2005, quatre milliards de personnes n’y ont toujours pas encore accès.
On se trouve ainsi au cœur de la révolution de l’information et de la communication la plus importante de l’histoire de l’humanité. Car, plus de 40 % de la population mondiale a accès à l’internet, de nouveaux usagers intégrant le web chaque jour. Parmi les 20 % des ménages les plus pauvres, près de 7 sur 10 possèdent un téléphone mobile. En fait, ces ménages sont plus susceptibles d’accéder à des téléphones mobiles qu’à des toilettes ou à de l’eau salubre.
Selon ce rapport de la Banque mondiale, on doit tirer parti de cette évolution rapide de la technologie pour rendre le monde plus prospère et plus solidaire. Ce rapport fait valoir que les défis qui se posent traditionnellement au développement empêchent la révolution numérique d’engendrer des transformations profondes. Parce que pour beaucoup de personnes, l’accès accru aux technologies numériques offre aujourd’hui plus de choix et de commodité.
En favorisant l’inclusion, l’efficacité et l’innovation, la technologie permet aux populations pauvres et défavorisées d’accéder à un monde de possibilités auparavant hors de portée. Ainsi, selon M. Jim Yong Kim, président du Groupe Banque Mondiale «les technologies numériques transforment le monde des affaires, du travail et de l’administration publique». D’où son appel à continuer à connecter tout le monde et ne laisser personne sur la touche. Parce que, dit-il, «le coût des opportunités perdues est énorme. Mais pour que les dividendes du numérique soient largement partagées entre toutes les franges de la société, les pays doivent aussi améliorer leur climat des affaires, investir dans l’éducation et la santé, et promouvoir la bonne gouvernance.»
Certes, il existe de nombreux cas de succès individuels, mais jusqu’ici, l’effet des technologies sur la productivité globale, l’accroissement des opportunités pour les pauvres et la classe moyenne et la généralisation de la gouvernance responsable n’ont pas été à la hauteur des attentes. Les technologies numériques se diffusent rapidement, mais leurs dividendes, comme la croissance, les emplois et services, tardent à suivre.
En outre, dans ce rapport, M. Kaushik Basu, économiste en chef de la Banque mondiale fait savoir que la révolution numérique est en train de transformer le monde, facilitant les flux d’information et la montée en puissance des pays en développement qui sont en mesure de tirer profit de ces nouvelles opportunités. Pour lui, « le fait qu’aujourd’hui 40 % de la population mondiale soit connectée par l’internet constitue une transformation stupéfiante. S’il faut se féliciter de cet exploit, c’est également l’occasion de se rappeler que nous devons éviter de créer une nouvelle classe marginale. Dans un monde où près de 20 % de la population est incapable de lire et d’écrire, la seule diffusion des technologies numériques a peu de chances de combler le fossé du savoir.»
Toujours selon ce rapport, les technologies numériques peuvent favoriser l’inclusion, l’efficacité et l’innovation. Plus de 40 % des adultes en Afrique de l’Est paient leurs factures de services publics par téléphone mobile.
En Chine, huit millions d’entrepreneurs, dont un tiers de femmes, utilisent une plateforme de commerce électronique pour vendre des produits à l’échelle nationale et les exporter vers 120 pays. L’Inde a fourni une identité numérique à caractère unique à près d’un milliard de personnes en cinq ans. Elle a par ailleurs élargi l’accès aux services publics et réduit la corruption sur ce front. Et dans le domaine des services de santé publique, de simples SMS se sont avérés efficaces pour rappeler à des personnes vivant avec le VIH de prendre leurs médicaments vitaux.
Pour tenir toute la promesse de développement d’une nouvelle ère numérique, la Banque mondiale propose deux grandes mesures à savoir: réduire la fracture numérique en rendant l’internet universel, abordable, ouvert et sûr et renforcer les réglementations qui garantissent la concurrence entre les entreprises. Et cela en adaptant les compétences des travailleurs aux exigences de la nouvelle économie et promouvant des institutions responsables avec des mesures que le rapport qualifie de compléments analogiques aux investissements numériques.
Pour la Banque mondiale, les stratégies de développement du numérique doivent être d’une portée beaucoup plus large que celle des stratégies pour les technologies de l’information et de la communication (TIC). Et, pour bénéficier au maximum du numérique, les pays doivent créer un environnement propice aux technologies avec des règlementations qui faciliteront la concurrence et l’entrée sur les marchés et des compétences. Cela permettra aux travailleurs de tirer parti de l’économie numérique et des institutions de rendre compte aux citoyens. Les technologies numériques peuvent, quant à elles, accélérer le développement.
Par ailleurs, soulignons que les Etats doivent rendre l’internet accessible à tous et financièrement abordable. L’internet au sens large s’est développé rapidement, mais est loin d’être universel. Pour chaque personne disposant d’une connexion haut débit à large bande, cinq en sont privées. Quelques 4 milliards de personnes dans le monde n’ont aucun accès à l’internet, près de 2 milliards n’utilisent pas de téléphone mobile et près d’un demi-milliard vivent dans des zones qui ne reçoivent pas de signaux mobiles. La connexion de tous à l’internet, qui est l’un des objectifs de développement durable (ODD) adoptés récemment, reste un chantier inachevé, qui peut néanmoins être mené à bien grâce à un arsenal judicieux de mesures comme la concurrence sur le marché, les partenariats public-privé et la régulation efficace de l’internet et du secteur des télécommunications.
Des mesures susceptibles de rendre les entreprises plus productives et innovantes
Le Rapport 2016 sur le développement dans le monde préconise notamment les mesures suivantes, susceptibles de rendre les entreprises plus productives et innovantes. Il s’agit d’investir dans les infrastructures de base, de réduire le coût de la conduite des affaires, d’abaisser les barrières commerciales, de faciliter l’entrée de start-up, de renforcer les autorités de la concurrence et de faciliter la concurrence entre les plateformes numériques. En outre, si l’alphabétisation de base reste essentielle pour les enfants, il sera indispensable, pour une large diffusion de l’internet, d’inculquer des aptitudes cognitives d’ordre supérieur, de développer les capacités d’analyse critique et de dispenser une formation fondamentale sur les systèmes avancés de TIC. L’enseignement d’aptitudes techniques à un stade précoce et l’exposition des enfants à la technologie favorisent une meilleure maîtrise des TIC et influent sur les choix de carrière.
Les technologies numériques peuvent transformer les économies, les sociétés et les institutions publiques, mais ces changements ne sont ni acquis ni automatiques, prévient le rapport. Les pays qui investissent à la fois dans les technologies numériques et dans leurs compléments analogiques engrangeront des dividendes importants, tandis que les autres resteront probablement sur la touche. Si elles ne reposent pas sur un socle solide, les technologies risquent de créer des disparités sur le plan économique, d’accroître les inégalités et d’ouvrir la voie à l’ingérence des pouvoirs publics.
A retenir enfin qu’au cours de la dernière décennie, le Groupe Banque mondiale a investi un total de 12,6 milliards de dollars dans les TIC.
Dieudonné Tembely
Source : Banque mondiale 16/05/2016