Pourquoi les FARE ne sont pas dans le cabinet du chef de file de l’opposition ?
Je me suis longuement expliqué sur cette question, la semaine dernière, chez un de vos confrères de la place. Au risque de me répéter, je dirais que l’absence des Fare dans le cabinet du chef de file de l’opposition tient à l’analyse que notre parti fait du statut même de l’opposition dans notre système politique. Pour nous, le statut de l’opposition devrait en même temps contenir les devoirs de la majorité vis-à-vis de l’opposition, voire de la classe politique dans son ensemble.
Lorsque nous avions milité pour un statut plus évolué de l’opposition dans le cadre de la réforme globale de notre système politique, pilotée par la Commission Daba Diawara, le statut de l’opposition s’intégrait dans une vision globale qui impliquait la fin de la transhumance des élus (es), à la mise en place d’une agence unique de l’organisation des élections, la révision de la constitution pour prendre en charge éventuellement toutes ces questions. Au lieu d’une réforme globale, le pouvoir IBK est dans un calcul d’épicier, il saucissonne des réformes qui sont liées entre elles et qui donnent une cohérence à notre système politique.
Quel sens l’opposition pourrait avoir si le parti au pouvoir peut continuer à acheter des députés de l’opposition, en entretenant la transhumance politique qui est une perversion des valeurs démocratiques, une négation du vote des citoyens et un affaiblissement institutionnel des partis politiques. Il s’y ajoute que la formation du cabinet du chef de file de l’opposition, n’a pas fait l’objet de discussion au sein de l’opposition quant à sa composition et son organisation. Certes, un décret pris en conseil des ministres détermine le nombre d’assistants attribués au cabinet, mais en aucun moment il n’y a eu un débat interne au sein de l’opposition pour définir comment ses assistants pourraient être nommés.
J’ai donné l’exemple d’un pays comme la Mauritanie où lorsque le chef de file de l’opposition est issu d’un parti, le second responsable de l’opposition, en l’occurrence le Secrétaire général, est issu du parti qui vient en nombre de député. Dans notre cas au Mali, avant même que de nous consulter, le chef de cabinet était du même bord politique que le chef de file de l’opposition, c’est-à-dire tous de l’URD. Cela montre clairement un problème de capacité à intégrer toutes les forces de l’opposition par son porte-parole. Vous voyez, nous ne sommes pas d’accord avec la loi, nous ne sommes pas d’accord avec les méthodes unilatérales. Bref, les Fare peuvent tout accepter sauf le rôle de faire-valoir, de prétexte ou d’alibi.
Les cinq (5) représentants de l’opposition à la CENI ont été choisis, les FARE n’y figurent pas pourquoi ?
Oui, les cinq représentants de l’opposition à la CENI ont été choisis. Mais dans des conditions troubles, c’est-à-dire sans concertations sérieuses et sans critères définis. Et lorsqu’on nous a parlé de représentativité au sein de l’opposition, c’était en méconnaissance totale de la loi sur le statut de l’opposition. Par exemple, l’article 13. al.2 dispose que «le chef de file de l’opposition politique est désigné, en son sein, par le parti politique déclaré dans l’opposition, ayant le plus grand nombre de députés à l’Assemblée nationale à l’occasion des dernières élections législatives». Cette disposition définit clairement le critère de la représentativité au sein des partis de l’opposition.
Je souligne qu’il fallait être de mauvaise foi pour en trouver d’autre sans épuiser toute l’économie de l’article 13 de la loi n°007 du 4 mars 2015 portant statut de l’opposition politique. Cette disposition, qui n’a pas été respectée, était au centre du débat sur la désignation des représentants de l’opposition à la CENI. Naturellement, les Fare ont contesté cette façon de faire, mais pour préserver l’unité de l’opposition, nous n’avons pas voulu remettre en cause la liste qui, semble-t-il, avait été déjà acheminée au ministère en charge de l’Administration territoriale. Car, il nous était permis de contester cette méthode en envoyant notre propre liste ou en contestant devant la Cour Suprême un éventuel décret de nomination des membres de la CENI, mais nous nous sommes contentés d’une critique de principe. Elle a été entendue par tous.
Une ultime rencontre a réuni les responsables de l’opposition sur la question, il se dit que les FARE ont présenté des excuses aux autres partis à l’issue de cette réunion, pourquoi ?
Rires… Les Fare n’avaient aucune raison de présenter des excuses. Bien au contraire, pour apaiser tout le monde, le chef de file de l’opposition a présenté ses excuses sur les désagréments que le fonctionnement difficile du cadre de l’opposition a pu causer comme tort aux uns et aux autres. Cela dit, la réunion extraordinaire convoquée par les présidents des partis de l’opposition l’a été à l’initiative des Fare. Nous avions demandé cette rencontre pour qu’on nous explique, le comment de la désignation des membres de l’opposition à la CENI. Faut-il le noter, les débats étaient courtois et sans passion, mais nous avons rejeté fermement les arguments avancés par le chef de cabinet Iba Ndiaye qui était à la manœuvre dans cette affaire.
Tous les intervenants sans exception ont souligné la pertinence de la position des Fare, d’aucuns ont même parlé de courage des Fare en posant frontalement le débat sur cette question, mais sur le fonctionnement, et les méthodes de prises de décisions au sein de l’opposition. Ladite réunion extraordinaire a franchement permis à l’opposition de corriger le tir sur un certain nombre de points.
Dorénavant, le porte-parole de l’opposition ne portera que les paroles qui auront été discutées au sein de l’opposition préalablement. Cela permettra de mieux faire la différence entre le chef de file de l’opposition et le président de l’URD. Un règlement intérieur va définir très prochainement le fonctionnement interne de l’opposition républicaine et démocratique que l’ensemble des partis membres souhaite démocratique et concerté.
Propos recueillis par Kassim TRAORE