La question de la restitution par l’Allemagne de biens culturels au Togo a été débattue ce 22 mars à l’université de Lomé
Des centaines d’objets conservés en Allemagne devraient faire leur retour sur le continent cette année.
Kokou Azamede, enseignant-chercheur au département d’études germaniques à l’université de Lomé, qui était présent à cette rencontre, a expliqué à la DW qu’il existe des milliers de biens culturels togolais en Allemagne.Mais à côté du retour de ces œuvres, il y a aussi lieu de s’interroger sur les enjeux réels autour de leur restitution. Une fois » l’effet de mode » passé, que restera-t-il ?
Pour Nicoué Lodjou Gayibor, ancien professeur d’histoire africaine à l’université de Lomé, spécialiste des peuples et civilisations du Golfe du Bénin, la question de la responsabilité des populations reste également essentielle.
« Pour un pays comme le Togo dont les populations n’ont pas été éduquées dans l’admiration de ce qu’on appelle les biens culturels, très peu savent que tel ou tel objet qui a appartenu à leurs ancêtres sont conservés en Allemagne. Quand vous leur en parlez, ils sont étonnés et disent qu’on a qu’à les leur restituer et ils verront quoi en faire. Il y a aussi ceux qui les refusent comme les populations chrétiennes qui disent qu’ils ne veulent même pas les voir. Je trouve cela malheureux que des Africains puissent refuser d’entrer dans ce jeu, » constate le professeur. »Pas de développement sans culture »
La question des biens culturels mais aussi de l’intérêt des populations sont donc au centre de ce débat. Aicha Malé est doctorante en ethnologie et patrimoine au Togo. Pour elle, il n’y a pas de développement sans culture. »Je pense qu’il est très important de prendre en compte ce qui a été dit ici aujourd’hui afin de pouvoir accompagner cette initiative jusqu’au bout. Afin que nous puissions vraiment entrer en possession de ces biens qui ont été pris lors de la colonisation. Et surtout que l’Allemagne elle-même est disposée à nous les céder et n’attend que notre demande, je pense que c’est déjà une bonne chose, » estime la chercheure.
Réinventer le mot « musée »
Une bonne chose, certes, mais sur le continent, les musées sont peu fréquentés et le retour de ces objets d’art n’est pas un grand sujet de conversation. Ou pas encore car l’exemple récent du Bénin a montré un nouvel intérêt pour l’exposition mise en place autour du retour des œuvres d’art rendues par la France.
Nanette Snoep, responsable de musée à Cologne, a travaillé pendant 17 ans au musée du Quai Branly à Paris. Pour elle, le problème se trouve dans la définition même du mot musée qui reste une invention européenne.
» Je pense qu’il faut se libérer de cette définition européenne du musée et se réinventer un musée qui sera réellement pour les communautés sur place. C’est aussi pour cette raison que les musées n’ont pas été vus sur le continent africain parce qu’ils ont été pensés pendant l’époque coloniale pour un public de touristes européens, » explique la responsable du Rautenstrauch-Joest Museum à Cologne. Nanette Snoep pense qu’il faudrait penser à une réinvention du musée sur le continent africain. Elle évoque également les exemples du Ghana, de la Côte d’Ivoire ou encore du Sénégal où il existe des tentatives pour échanger avec le public, les écoles et une envie de faire circuler les objets.Les musées européens, selon elle, devraient s’inspirer de ces musées en Afrique.
Noël Tadégnon, Sandrine Blanchard, Wendy Bashi
Source: DW.COM