L’Afrique du sud occupe à nouveau la première place après que le Maroc lui aie damé le pion lors du classement précédent. En cause : une baisse des investissements directs étrangers (IDE) du Royaume chérifien de près de 17% en 2012. Bien que ses IDE aient nettement repris en 2013, le Maroc a fait les frais d’une période d’attentisme de la part des investisseurs internationaux, qui attendaient de voir comment le pays allait sortir des derniers remous du « printemps arabe ».
Ayant traversé ce dernier de manière « douce » à travers une réforme de la constitution partageant les pouvoirs exécutifs entre monarchie et gouvernement, le Maroc se trouve désormais en position de challenger officiel face à l’Afrique du sud. Cette situation n’est pas inédite dans la mesure où les deux pays entretiennent une rivalité économique et politique féroce depuis une dizaine d’années.
Un désamour récent
Tous deux situés aux extrêmes stratégiques du continent – Rabat et Pretoria sont distants de 8000 km –, le Maroc et l’Afrique du sud affichent un positionnement similaire en matière d’IDE : celui d’être un « hub », une porte d’entrée pour les investissements étrangers en Afrique.
L’Afrique du sud dispose pour cela d’atouts historiques conséquents : des infrastructures de qualité, de grands groupes industriels et surtout, le fait d’être devenu le « S » au sein des BRICS, le club des pays émergents où elle est aux côtés du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine .
Cela lui confère une voix mais également un statut.
Bien qu’absent des instances continentales telles que l’Union africaine, le Maroc ambitionne d’ouvrir les portes de l’Afrique francophone aux investisseurs étrangers et ses entreprises ont activement investi la zone UEMOA depuis quinze ans. Récemment, le pays a même mis en place une place financière régionale, Casablanca Finance City, qui devrait remplir le rôle d’instrument de la convergence financière en Afrique de l’ouest.
Opposés sur la question du Sahara Occidental depuis 2004 et l’arrivée du président Thabo Mbeki au pouvoir, les deux pays n’ont toutefois pas toujours été les rivaux qu’ils sont aujourd’hui.
Des chemins similaires
D’une certaine manière, leurs chemins comportent des similarités qu’il est intéressant d’analyser à l’heure où ils se disputent le leadership africain en termes d’attractivité.
Historiquement, le roi Hassan II a financé l’ANC dès les années 60 et avait noué une relation discrète mais solide avec Nelson Mandela. Ce dernier viendra d’ailleurs visiter le Maroc officiellement dès son élection à la présidence de la république sud-africaine, et retournera dans le Royaume plusieurs fois en visite privée.
Autre élément qui rapproche les deux pays : ils sont les deux seules nations africaines à avoir organisé des auditions publiques afin d’examiner les abus commis par l’autorité de l’État dans le passé. Intitulée « commission de la vérité et de la réconciliation en Afrique du sud », ce processus intervient dès 1995.
Une décennie plus tard, ce sera au tour du Maroc d’adopter la même démarche, avec l' »instance équité et réconciliation » (IER). Dans les deux pays, ces procédures ont eu une importance cruciale en termes de réconciliation nationale et ont contribué à apaiser le climat politique, offrant ainsi un contexte propice à la croissance économique.
Fait curieux : les observateurs notent que les deux pays ont vu leurs liens se détériorer ces dix dernières années parallèlement avec la montée en puissance économique du Maroc sur le continent. À cela, il faut ajouter un autre facteur de crispation des relations bilatérales : les deux nations ont soumissionné pour abriter la coupe du monde de football de 2010.
Si l’Afrique du sud a gagné avec une avance confortable, la bataille auprès de la FIFA a laissé des traces et des rancunes tenaces de part et d’autre.
Sur le plan économique, il n’y a aujourd’hui pas de raisons objectives que cette rivalité baisse en intensité, et elle est même appelée à s’intensifier. En effet, la crise économique en Europe place désormais l’Afrique au cœur des radars internationaux en termes d’investissement étrangers. Les deux pays auront donc à cœur de se positionner favorablement pour attirer et retenir les IDE en direction de l’Afrique lors des années à venir. Le prix du leadership.
Par Abdelmalek Alaoui
Analyste politique
NouvelObs 2013-08-26 16:05:25