La pression exercée par la médiation internationale pour faire avancer le processus de paix au Mali ne semble pas incommoder les autorités de Bamako. Le président Ibrahim Boubacar Keïta et son gouvernement ont-ils un autre agenda ?
Quatre personnes, dont un Casque bleu chinois et trois civils, ont été tuées dans la nuit de mardi à hier à Gao, dans le nord du Mali, dans deux attaques revendiquées par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), a indiqué la mission de maintien de la paix onusienne (Minusma) dans un communiqué.
Les trois civils travaillaient pour l’ONU. La première attaque a eu lieu “à environ 20h45, le camp de la Minusma, situé dans le quartier Château d’Eau à Gao”, lit-on dans le communiqué de la mission onusienne, précisant que les terroristes ont tiré plusieurs mortiers et roquettes. Outre les victimes, l’attaque a fait plusieurs blessés et détruit quasiment l’ensemble des “conteneurs de logement du personnel”, lit-on encore dans le communiqué en question.
Quelques moments plus tard, “l’attaque du camp de la Minusma a été suivie d’une autre attaque à l’arme légère qui a ciblé le local d’un prestataire de services d’Unmas (service de lutte anti-mine des Nations unies) situé dans un autre quartier de la ville le Gao”, ajoute la Minusma, soulignant que “deux agents maliens privés de sécurité qui gardaient le local et un expert international de la compagnie ont été tués”. Aqmi a affirmé hier avoir mené ses attaques via sa branche Al-Mourabitoune du chef terroriste algérien Mokhtar Belmokhtar, dont on ignore toujours le sort après le raid américain qui l’a ciblé en Libye, il y a plusieurs mois.
Pour rappel, l’attentat de la nuit de mardi à hier a eu lieu moins de 48 heures après l’attaque qui a ciblé un convoi de la Minusma, faisant cinq morts. En effet, le 29 mai dernier, cinq Casques bleus ont péri dans la région de Mopti (Centre), dans une embuscade à environ 30 km de Sévaré. Le 18 mai dernier, une autre attaque avait fait cinq morts parmi des Casques bleus tchadiens au nord d’Aguelhoc (extrême Nord-Est).
Un sixième soldat de la paix tchadien, blessé, est décédé quelques jours plus tard à l’hôpital. Cet assaut a été revendiqué par un cadre du groupe terroriste malien Ansar Dine, allié à Al-Qaïda. Ces attaques interviennent dans un contexte socioéconomique des plus difficiles dans le nord du Mali, où les populations civiles sont encore sorties dans la rue pour réclamer de l’eau et de l’électricité à Kidal. À Tombouctou, des centaines de jeunes chômeurs ont organisé, eux aussi, une marche mardi pour réclamer de l’emploi et des places dans les rangs de l’armée.
Les blocages que connaît depuis quelques mois le processus de mise en œuvre des Accords d’Alger ont eu leurs effets sur ce qui se passe actuellement dans le nord du Mali, aussi bien sur le plan sécuritaire que social.
Ce qui a poussé la médiation internationale, via l’Algérie, à hausser le ton et à mettre la pression sur le gouvernement de Bamako.
Mais les autorités maliennes ne semblent pas être pressées ni inquiétées par la dégradation de la situation dans le nord du Mali, poursuivant leur fuite en avant, retardant ainsi la mise en place des autorités intérimaires, un des points inscrits dans les accords de paix d’Alger et une des clés du retour de la stabilité dans cette région du pays, fief des groupes terroristes et des contrebandiers.
Lyès Menacer
————————————————-
Crise malienne : l’impasse
Le Comité de suivi de l’Accord d’Alger a reporté sa 9e session, prévue les 3 et 4 juin, en raison du refus de mouvements signataires de se rendre à Bamako, avant la satisfaction de leurs doléances par les autorités maliennes. La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme d’Alger ont envoyé vendredi, en effet, une lettre au CSA lui expliquant les raisons de la suspension de leur participation à cette nouvelle session de discussion autour de la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, accusant le gouvernement malien de blocages. Cette rencontre devait se tenir la semaine dernière, mais elle a été reportée une première fois à cause de la présence des délégués de la CMA et de la Plateforme à Alger pour une réunion d’évaluation avec la médiation internationale.
Ces deux organisations signataires de l’accord de paix ont posé une série de conditions avant de rependre langue avec le CSA. Mais sur le terrain, la situation se dégrade de jour en jour et les groupes terroristes ont profité de cela pour renforcer leur présence dans le nord du Mali et mener des attaques meurtrières contre l’armée malienne et les forces de maintien de la paix onusienne.
La CMA et la Plateforme ne sont pas exempt de critiques, même s’ils ont raison sur de nombreux points. Le gouvernement malien a d’ailleurs été fortement critiqués et interpellé par les membres de la médiation internationale qui lui reprochent, eux aussi, son manque de volonté politique pour faire avancer la mise en œuvre de l’accord de paix, dont le retard a eu des répercussions désastreuses sur les populations du nord du Mali, toujours en attente d’un retour à une vie normale.
Des écoles sont en effet toujours fermées et des villages sont dépourvus d’un minimum de conditions de vie, comme l’eau et l’électricité. Des marches ont été organisées, à maintes reprises, par les populations locales, ainsi que des rassemblements des jeunes chômeurs à Kidal, à Tombouctou ou encore à Gao, où les groupes terroristes profitent de leur détresse pour les enrôler dans leurs rangs ou les envoyer carrément se battre en Libye au sein de l’organisation autoproclamée État islamique.
Par ailleurs, le gouvernement malien et le président Ibrahim Boubacar Keïta jouent sur deux fronts, dont celui de la pression politique de l’opposition. L’opposition politique qui a rejeté l’accord conclu avec la CMA et la Plateforme, sous l’égide la communauté internationale s’oppose également à l’adoption de la loi sur les autorités intérimaires, prévues dans le texte de l’accord de paix. “Ce n’est pas le texte en lui qui est mauvais, mais c’est son applicabilité qui pose problème”, se justifie l’opposition à IBK.
Lyès Menacer
Source : Liberté-Algérie