Plus de quatre mois après l’investiture du Président et du vice-président de la Transition, le Mali ne se porte guère mieux, il est même dans l’impasse à cause du pilotage à vue, d’une gestion solitaire, voire patrimoniale des autorités et d’une politique d’exclusion qu’elles ont adopté, pour écarter la classe politique du centre de décision. Alors que le pouvoir marche cahin-caha, l’horloge tourne à plein régime et se rapproche du Dead line donné par la CEDEAO.
Le travail qui reste à faire est tellement colossal qu’il urge d’accélérer la cadence pour respecter le délai imparti au risque d’être en porte à faux avec la communauté nationale et même internationale.
Ainsi pour mener à bon port le bateau Mali de la transition et sortir par la grande porte de l’histoire, les autorités doivent méditer ces cinq propositions.
Première proposition : L’organisation des assisses nationales
Il est nécessaire d’organiser des véritables assises nationales incluant toutes les forces vives sociopolitiques du pays.
C’est au cours de ces assises qu’un véritable schéma de la transition sera élaboré en y joignant une feuille de route qui détaillera toutes les activités à mener avec un chronogramme précis d’exécution des tâches.
D’aucuns diront qu’il y a eu déjà des concertations dites nationales, mais qu’ils sachent que celles qui ont été organisées n’ont de nationales que de nom.
La différence entre ces Assises et les concertations nationales organisées par la junte, serait l’inclusivité de celles proposées, toute chose qui aurait manqué aux premières concertations. Pour la réussir, il faut une entière et totale implication des forces sociopolitiques, avec des gens de qualités. Ces assises pourraient décider de prolonger si nécessaire la durée de la transition afin d’aboutir à des réformes idoines et consensuelles pour le Mali tant espéré.
Deuxième proposition : La dissolution du CNT et du Gouvernement
A la fin des assises nationales, si elles ont lieu, pour mettre en œuvre les probables recommandations qui en seraient issues, il serait indispensable de dissoudre le Conseil National de la Transition et le gouvernement. Le premier, à savoir le CNT, pour non seulement le rendre inclusif, donc légitime, mais aussi y extraire toutes les mauvaises graines en nommant des membres sur la base de leurs compétences, leur intégrité morale et leur sens de l’Etat.
Le second, à savoir le gouvernement, afin de mettre en place une équipe composée de technocrates, d’hommes politiques et des leaders de la société civile dont l’expertise sur des questions politiques et administratives est très poussée.
Pour réussir ces deux challenges, Assimi Goita et ses compagnons d’armes vont revoir leurs ambitions à la baisse en se consacrant seulement aux questions de défense et de sécurité. Pour ce faire leur présence dans les organes de la transition doit se limiter aux postes de Défense et de Sécurité. Le CNT et le Gouvernement New-Look auront pour principales missions de ramener la paix et la sécurité sur toute l’étendue du territoire, amorcer les réformes et mettre en place un organe unique de gestion des élections.
Troisième Proposition : Les réformes idoines en vue de la naissance de la 4ième République
Bien que les réformes fassent partie des premières tâches prioritaires du gouvernement et du CNT, il demeure indispensable d’élargir ce cadre à d’autres intelligences, parfois même en dehors du Mali pour leurs expertises. Ces réformes institutionnelles doivent au prime abord commencer par la loi fondamentale, à savoir la Constitution. Elle doit cette fois-ci être débarrassée de toutes les incongruités et être une Constitution moderne et futuriste. Il y a déjà de l’existant, les trois tentatives de révision, à savoir celle d’Alpha Oumar Konaré, la Commission Daba Diawara sous ATT et la tentative de révision sous IBK, peuvent être d’un apport précieux pour la nouvelle Constitution, celle qui consacrera la naissance de la quatrième République. Après la Constitution, il faudrait voir les autres lois qui ne seraient pas explicitement définies dans la loi fondamentale, afin qu’elles soient adaptées au contexte actuel de modernisation et des nouvelles technologies. Notamment la loi électorale, le code de collectivités et surtout les prérogatives de nos institutions qui soit, se chevauchent, ou sont tout simplement inutiles.
Quatrième proposition : La Création d’un organe unique et indépendant pour les élections
Il y a véritablement nécessité de créer cet organe unique et indépendant tant sollicité par la classe politique, pour gérer les élections au Mali. Cet organe qui sera doté des moyens suffisants lui permettant de mener à bien sa mission doit être le plus large consensuel et son Président ne doit souffrir d’aucune contestation ni trainer aucun bruit de casseroles. Il doit être d’une intégrité morale et d’un patriotisme incontestable. Son choix tout comme celui des autres membres de l’organe doivent être minutieusement scrutés avec une véritable enquête de moralité tant sur leur vie privée que publique. Cette désormais pièce maîtresse dans le dispositif électoral malien aura la lourde mission d’organiser les élections et de proclamer en toute indépendance les résultats. Si la Cour constitutionnelle devrait être la seule voie de recours pour contester les résultats, celle-ci doit être également réformée pour éviter les scénarios catastrophes auxquels nous avons assisté dans un passé récent. L’organe unique de gestion des élections étant à la mode, est le souhait exprimé par l’ensemble de la classe politique malienne, donc nous devons y aller sans aucune autre forme de transition.
Cinquième proposition : La tenue d’élections inclusives, transparentes et crédibles
La dernière manche du processus de la transition doit être la tenue de toutes les élections pour doter le pays d’institutions fortes, légitimes et légales. Ces élections seront le couronnement des réformes menées et leur qualité dépendra de celle des institutions et lois qui en découleront. Elles doivent être les plus inclusives, les plus transparentes, les plus crédibles afin que les résultats qui en seront issus puissent être acceptés par les protagonistes et que le soir de la proclamation des résultats, le vaincu appelle le vainqueur pour le féliciter de son élection.
Les autorités ne pourront sortir par la grande porte de l’histoire qu’en accomplissant ces missions, certes exaltantes et délicates, mais tout aussi honorifiques, qu’historiques. Pour rappel ceux qui sont rentrés dans l’histoire l’ont été souvent par un seul grand geste, donc les autorités doivent s’inspirer des bons exemples à travers le monde pour se rendre immortels.
Youssouf Sissoko