Créé au lendemain du coup d’Etat du 22 mars, pour exiger le retour à l’ordre constitutionnel, le Front Uni pour la Sauvegarde de la Démocratie et la République (FDR) regroupe les principaux partis politiques représentés à l’assemblée Nationale du Mali (120 députés sur 147),et plusieurs autres partis extraparlementaires, l’UNTM (la principale centrale syndicale), le Conseil National de la Jeunesse (CNJ), principale organisation de la jeunesse, trois principales organisations de femmes du Mali (APDF, FENACOF, AESF).
Face à l’exigence de la Communauté internationale, de la formation d’un gouvernement d’union nationale, le Premier ministre qui a proclamé en conférence de presse qu’il ne démissionnera pas, ne sachant même pas à qui il remettrait sa démission avait forcé la main au président de la République par intérim Dioncounda Traoré qui l’a reconduit au poste de chef du gouvernement, au soir d’une grande mobilisation des musulmans du Mali à l’appel de l’Imam Dicko, président du Haut conseil islamique.
A la faveur de la formation de ce gouvernement d’union nationale, le Premier ministre Cheick Modibo Diarra, Chef d’un parti politique n’est pas allé par le dos de la cuillère. Il n’attend rien pour utiliser l’appareil d’Etat et les moyens de l’Etat à des fins politiques partisanes. Il se donne le ministère stratégique de l’Agriculture en y mettant un membre de son parti politique, avant de donner sa coloration partout aux nouveaux Directeurs financiers et des matériels (DFM). Tout cela pour profiter de la transition et étendre ses tentacules, car le Premier ministre de la transition ne fait aucun mystère de son projet de se présenter aux prochaines élections présidentielles, au motif, qu’aucune disposition de l’Accord-cadre du 06 avril 2012 ne l’en empêche. Que fait donc le Premier ministre des règles du jeu d’une Transition neutre et de la jurisprudence de la Transition de 1991-1992, où le président du CTSP Amadou Toumani Touré et le Premier ministre Soumana Sako ont été frappé d’inéligibilité ?
Que fait Cheick Modibo Diarra des conclusions de la rencontre des forces vives (Ouagadougou, avril 2012) et du sommet des Chefs d’Etat du groupe de contact de la CEDEAO sur le Mali (Ouagadougou, 07 juillet 2012) ? Que fait-il du message à la Nation du président de la République, Doncounda Traoré, le 29 juillet 2012 : «…il reste entendu que ni le Président, ni le Premier ministre, ni les Ministres ne pourront se présenter à la prochaine élection présidentielle»? Toutes les acrobaties sont bonnes pour le physicien interplanétaire, pour se hisser au diapason du fuseau présidentiel.
Il convient que le Parlement malien et les instances des organisations internationales, notamment du Groupe de soutien et de suivi de la situation au Mali, s’investissent à proclamer la neutralité de la Transition, rappelant que le président de la République, le Premier ministre, les membres du Gouvernement ne seront pas candidats aux élections organisées par la Transition, afin de garantir la neutralité de la transition. La gestion partisane de la Transition s’observe à travers le processus d’organisation des Concertations Nationales. Le Premier ministre refuse obstinément de tenir compte des propositions du FDR pour une organisation paritaire et consensuelle des Concertations Nationales. Pendant ce temps, son gouvernement pilote à vue sans tableau de bord que constitue la feuille de route.
Pourquoi le FDR boycotte les concertations nationales
Le Front uni pour la sauvegarde de la Démocratie et de la République (FDR) avait donné son accord de principe pour une participation aux Concertations Nationales des Forces Vives du Mali qui seraient organisées par le Gouvernement, sous la haute présidence du Président de la République, Chef de l’Etat. Cet accord, s’il s’inscrit dans une logique d’apaisement et de regroupement de l’ensemble des forces vives de notre pays dans un contexte de crise, vise également à consolider les acquis de la transition. Mais le FDR avait posé des préalables devant être prises en charge dès les Termes de référence des Concertations et qui ne l’ont pas été. Le FDR, a rappelé l’importance qu’il accordait à la reprise du Comité technique chargé de l’élaboration des Termes de référence dont la présidence doit être confiée à une personnalité neutre et consensuelle. Faisant fi de cette requête le comité mis en place par le cabinet du Premier ministre, a négligé la participation de l’ensemble des Partis politiques au profit d’associations non représentatives et n’ayant souvent aucune existence ou reconnaissance officielle.
En outre le Comité technique s’est spécialisé dans le « noircissement » systématique du bilan du Mouvement Démocratique en mettant l’accent sur les insuffisances du processus démocratique et en occultant des aspects positifs. On peut citer parmi les raisons du boycott du FDR, entre autres, le rejet des conclusions de la Rencontre de Ouaga 2 dans le cheminement vers les Concertations, le refus de mentionner le Président de la République dans la décision d’organiser les Concertations, la divergence sur l’objectif des Concertations -non souveraines- dont l’objectif est de déterminer les modalités de réalisation des missions assignées à la transition et non de doter le pays d’organes, la divergence profonde sur le contenu de la feuille de route, la non-prise en compte des propositions du FDR, le rejet de la mention « renforcer les organes » au profit de « compléter les organes », le rejet des principales préoccupations du FDR relatives aux critères de choix des participants. A titre d’exemple, des associations historiques sont écartées (ADEMA Association, CNID Association, JLD, ADIDE, AMUPI, Les Boucliers de la Démocratie, CNJ, APDF, FENACOF…) au profit d’autres à l’existence et aux agissements douteux ou n’ayant aucun rapport avec les Concertations (Exemples : Association des Exploitants de Sable et Gravier, Association Yéréwoloton, Réseau Malien des Consommateurs de Téléphonie Mobile, Laïdou Telecom…).
Autres croc- en-jambes
Le Cabinet du premier ministre a mis en place, le 15 août, un Comité technique chargé de l’élaboration des termes de référence des concertations nationales, avec comme président le Dr Adama Traoré membre de la Coordination des patriotes maliens (COPAM) qui est un regroupement pro-putschistes. Le rapporteur du Comité provient du regroupement « IBK-Mali 2012 ». Les autres membres proviennent du Comité militaire de Suivi de la Réforme des forces de défense et de sécurité, du Haut conseil islamique du Mali (HCIM), du Cadre de concertation des femmes des partis politiques et un expert dont la provenance n’a pas été précisée par la décision. Le secrétariat du Comité est assuré par le Cabinet du Premier ministre, précise la décision. On a remarqué l’absence des autres regroupements politiques comme l’Alliance des démocrates patriotes pour la sortie de crise (ADPS), la Coalition pour sauver le Mali (CSM), le Front uni pour sauver la république et la démocratie (FDR). Le Haut conseil islamique qui est aujourd’hui décrié pour le risque d’instrumentalisation à des fins politiques de l’Islam, est fortement présent dans ce comité avec deux membres. Les réserves et les doutes qui planaient sur les intentions manipulatrices du Premier ministre, n’ont pas été démentis par la suite des évènements. La composition de la commission d’organisation des concertations nationales, récemment rendue publique, a révélé pire…
B. Daou
Le républicain Mali 09/11/2012