A combien nos députés vendront-ils leur parrainage aux candidats lors des prochaines élections présidentielles ?
Le projet de la nouvelle loi électorale, objet de polémique entre la majorité et l’opposition, qualifiée par cette dernière de démocraticide, a bien finalement été voté par les députés après quelques 138 amendements suggérés qui auront profondément amélioré le texte initial, par 70 voix pour et 28 voix contre. Le processus de votation voudrait que la loi électorale ainsi adoptée, soit promulguée par le Président de la République avant toute application. Cette loi électorale considérée de scélérate et d’exclusion par l’Opposition et de très bonne qualité par la Majorité ne susciterait-t-elle pas des remous au sein de la société civile ? Permettrait-t-elle à tous les potentiels candidats de briguer la magistrature suprême ? Les honorables députés s’abstiendraient-ils à s’offrir aux plus riches moyennant de l’argent et au détriment de leur serment de défendre les intérêts du pays en défendant toutes ses sensibilités à l’Assemblée ?
Si dans les pays anglophones, les députés semblent plus mériter leurs qualificatifs d’honorables, en Afrique francophone en général et au Mali en particulier, ce titre semble usurpé et ne serait qu’un sésame pour ouvrir les salons feutrés à la recherche de marchés et autres avantages. C’est pourquoi ceux qui sont porteurs de vision et qui sont capables de défendre la République, mais qui n’ont pas d’argent, sont empêchés de franchir le rubicon de l’Hémicycle au profit des opérateurs économiques qui y viennent plus pour faire prospérer leurs business que de défendre les intérêts de leurs électeurs. Que peut-on réellement attendre d’un « opérateur économique » dans l’animation d’une aussi importante Institution comme l’A.N ? C’est pourquoi toutes les lois proposées par le gouvernement, même celles qui sont à l’antipode des intérêts du peuple sont votées par une majorité mécaniquement aveugle de députés sans se soucier des conséquences. Ce fut le cas de la loi sur les autorités intérimaires, votée aux forceps par les députés de la majorité. La suite est connue. Elle aura fait bien des victimes à Gao. Cette fois-ci encore, malgré la sonnette d’alarme de plusieurs leaders de partis politiques qui l’ont trouvée antidémocratique et non consensuelle, les députés de la majorité l’ont votée. Il est fort à parier que les députés ont voté cette loi pas pour le bonheur de la démocratie, mais pour que la plupart d’entre eux puissent tirer des dividendes d’un commerce illicite et déloyal qui ne dit pas son nom, en monnayant leur voix aux plus offrants comme ce fut, du reste, le cas lors des élections présidentielles de 2013. Seront-ils cette fois-ci conscients des conséquences tant sur le plan politique que social de cette nouvelle loi électorale.
Sur le plan politique, si le président de la République en faisant promulguer cette loi pense mettre du bâton dans les roues de bon nombre de potentiels candidats susceptibles de lui poser problème, il semble tirer à terre. Ce n’est pas en diminuant substantiellement le nombre de candidats aux présidentielles de 2018 qu’il pourra faire Takokelen avec ceux qui resteront. L’émiettement des voix au 1er tour d’une élection a toujours été favorisé par la diversité des candidats dont le plus grand nombre est toujours favorable au candidat sortant. L’effet boomerang pourrait venir du grand ressentiment d’inimitié que ceux qui auront été empêchés par cette loi de participer à la compétition pourraient lui vouer. Beaucoup de ces frustrés pourraient même venir de la majorité présidentielle qui viendraient grossir le rang de l’Opposition pour former une coalition d’alliance à même de barrer le chemin au président sortant qu’ils accuseront d’être l’auteur d’une telle loi cynique. Parmi ces potentiels candidats à la prochaine élection présidentielle et qui pourront se battre contre une réélection d’IBK, l’on peut citer entre autres, les anciens premiers ministres Cheick Modibo Diarra, Moussa Mara et l’honorable Oumar Mariko, tous de la Majorité présidentielle. A ce lot il faut ajouter, certains ténors de l’Opposition que cette loi interdirait de candidater parce que n’ayant pas autant d’élus comme Modibo Sidibé, Tiébilé Dramé ou Zoumana Sacko. D’où le gros risque du marchandage des voix des députés pour les frustrés de l’Opposition et de la Majorité. Les demandes pourraient bien faire monter les enchères.
Sur le Plan social, a-t-on mesuré les conséquences d’un tel forcing après celui relatif à la loi sur les autorités intérimaires et qui a causé la mort de deux jeunes manifestants à Gao ? Le bon sens devrait guider les initiateurs de cette loi qui, malheureusement n’ont pas intégré dans leurs analyses que le Mali traverse une crise multidimensionnelle. Ils n’ont pas bien réfléchi avant d’adopter une loi non consensuelle et qui exclut une bonne partie de leaders politique. Le gouvernement devrait faire preuve d’ouverture envers toute la classe politique pour avoir un document consensuel prenant en compte toutes les aspirations et autres inquiétudes exprimées pour éviter les remous. Le sursaut de rachat et l’alternative qui s’offrent à présent au président de la République, est de renvoyer cette loi votée à une seconde relecture afin que l’Opposition et la Majorité puissent mieux s’entendre. Ce serait un acte de courage et de vision politique. Pour rappel, le code de la Famille avait été renvoyé pour une seconde lecture. Cet acte serait gage de paix sociale et politique.
Youssouf Sissoko
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