Selon des observateurs, la chute du gouvernement Ghani pourrait ainsi inciter les autorités maliennes à s’orienter plus résolument vers leur propre dialogue avec les militants, quelles que soient les attitudes des partenaires extérieurs.
En effet, afin d’éviter le scénario Afghan, la victoire des talibans pourrait pousser les autorités maliennes à s’engager plus résolument en faveur d’un dialogue avec les jihadistes, même si cette option ne fait pas l’unanimité au Mali et que Paris s’y oppose toujours.
D’ailleurs le gouvernement de transition avait déclaré avoir mandaté le Haut conseil islamique du Mali (HCIM) a trouvé un cadre de négociation avec les radicaux maliens (Amadou Koufa et Iyad Ag Ghali) avant de se rétracter suite à un lever de boucliers à l’intérieur et à l’extérieur.
En effet dans un communiqué publié le 21 octobre dernier, le gouvernement a démenti avoir initié des négociations avec des extrémistes religieux, notamment avec Groupe de soutient à l’islam et aux musulmans (GSIM) et la Katiba Macina dirigés respectivement par Iyad Ag Ghali et Amadou Koufa comme annoncé par «voie de presse».
Et de préciser, «aucune organisation nationale ou internationale n’a été mandatée officiellement pour mener une telle activité».
Le gouvernement y a néanmoins indiqué avoir bien noté les recommandations formulées lors du Dialogue national inclusif (DNI, décembre 2019) et la Conférence nationale d’entente nationale (CEN, du 27 mars au 2 avril 2017) allant dans «le sens des négociations avec tous les fils du pays afin de les réconcilier pour la stabilité du pays».
Toutefois, précisent des experts de l’ICG, «bien que ces circonstances puissent pousser le JNIM lui-même vers le dialogue, les différences entre cette organisation et les talibans compliquent ce scénario». Premièrement, pour l’instant du moins, le JNIM manque d’un bureau politique comme celui que les talibans avaient à Doha (Qatar) capable de s’engager dans des négociations internationales. Secundo, malgré les liens des talibans avec Al Qaeda, le groupe peut clairement prendre des décisions sans consulter la direction de l’organisation de tutelle. Pour l’ICG, «malgré la marge de manœuvre dont il bénéficie clairement, le JNIM (en tant que branche Al Qaeda dont les dirigeants ont juré fidélité à Zawahiri) pourrait ne pas être en mesure de décider lui-même d’une question aussi importante».
Et pourtant, ils sont de plus en plus nombreux les observateurs et experts qui sont convaincus que cette négociation est inéluctable pour soustraire le pays voire le Sahel du joug terroriste. Et surtout que ces radicaux ont également tout intérêt aujourd’hui à s’engager dans ce dialogue. Certes ils ont réussi à étendre leurs zones de contrôle au centre et au sud du pays, mais ils ne sont pas proches de la victoire non plus, contrairement aux talibans.
«Les événements afghans redonnent à ces groupes-là un espoir qu’il est possible pour eux de prendre le pouvoir politique. Ce n’est pas simplement par la voie des armes, c’est aussi par une forme de dialogue que les talibans ont réussi aujourd’hui à s’imposer», rappelle l’ICG. Et de se demander, est-ce que l’exemple des talibans va alors inciter les groupes jihadistes du Sahel à engager eux aussi leur forme de dialogue non seulement avec les États sahéliens, mais peut-être aussi avec les autres partenaires internationaux qui sont militairement présents dans la région ?
Moussa Bolly