A Bamako s’il y a des gens qui mangent à « la sueur de leur front », c’est bien ces « marchands ambulants ». On y retrouve pratiquement toutes les couches sociales et de tout âge : illettrées, étudiants, etc. Toujours énormément chargés de diverses marchandises, ils peuvent facilement parcourir des dizaines de kilomètres à pied par jour sans se rendre compte à la recherche de ce qui fait courir tous les hommes : l’argent. «Chaque matin, je quitte Sangarebougou, à pied, pour me rendre au grand marché de Bamako et je vends ma marchandise en cours de route jusqu’à arriver à destination », explique Moussa Keita, vendeur de mouchoir.
Ces marchands ambulants sont présents dans toute la ville. Dans les bureaux, ou encore les bars et restaurants et sur les places publiques. Ils ont le flair des affaires et se présentent partout où ils peuvent rencontrer des hommes et des femmes à même de les écouter. Il n’est pas rare qu’ils investissent les concessions pour proposer des articles défiant toute concurrence. « Il faut montrer l’utilité de l’article au client qui ne le connaît pas nécessairement. Il faut décrire l’article, montrer son importance et son rôle», témoigne Boubacar Sangaré, vendeur d’ustensiles de cuisine, rencontré au quartier Bolibana. La galère et l’humiliation sont le lot des rancœurs vécues par ces marchands ambulants au cours de leurs tournées à la recherche de leur clientèle.
Outre les problèmes de logement rencontrés quand ils débarquent à Bamako, la plupart venant de l’intérieur du pays, ils sont le plus souvent confrontés aux humiliations et autres frustrations. Rencontré à Hamdallaye ACI 2000 et croupissant sous la charge de sa marchandise, Omar Cissé, vendeur de produits cosmétiques témoigne : « c’est vraiment difficile, j’ai marché toute la journée. Je viens d’être chassé d’un service de la manière la plus humiliante possible. J’ai une femme et deux enfants qui vont à l’école. Si les affaires marchent bien, je gagne 4000 FCFA par jour et je paye mon loyer à 30000 FCFA.
Ce n’est pas facile dans ces conditions de payer mon loyer et de bien entretenir ma famille. » Des humiliations et des frustrations, les marchands ambulants en connaissent au quotidien. Ils sont la plupart du temps chassés comme des va-nu-pieds et même traités de voleurs. «J’ai été une fois accusé de vol dans une concession pour la simple raison que chaque jour je m’y rendais pour vendre ma marchandise », s’indigne Moustaphe Kanté, vendeur de lingerie fine. Et la pluie, en cette période hivernale, constitue une véritable source de mévente.
«Quand il pleut, les affaires sont au ralenti sauf pour les vendeurs d’imperméables » explique Moctar Diallo. Malgré toutes ces difficultés, c’est avec fierté qu’il défend son métier. « Avec mon travail, je ne dépends au moins de personne ». Il précise que c’est grâce à ce commerce qu’il arrive à subvenir tant à ces propres besoins qu’à ceux des membres de sa famille sans l’aide de quelqu’un. Au grand marché de Bamako, la présence des marchands ambulants est diversement appréciée par les commerçants. Certains voient en leur activité une concurrence déloyale, d’autres par contre, estiment qu’ils se complètent pour satisfaire la clientèle. «Ils gâtent notre marché et notre commerce en prend un coup terrible. Ils ne payent pas de loyer ni d’impôts, ils cassent donc les prix «, se plaint Mahamadou Touré, commerçant de produits cosmétiques.
Outre cette méfiance des commerçants, les marchands ambulants sont perpétuellement poursuivis par des forces de sécurité pour occupation anarchique de la place publique. « Les gardes viennent nous retirer nos marchandises violemment. L’autre jour seulement, j’ai perdu 10000F de marchandises : ils sont venus et m’ont arraché tout mon plateau, un d’entre eux a même marché sur mes avocats », nous explique Mariam Dolo d’une voix larmoyante revendeuse de fruits et légumes sur les allées de l’assemblée nationale. Bien qu’informés de l’occupation illégale des trottoirs de l’avenue « Rail Da », les marchands ambulants en quête de leur pitance jouent au chat et à la souris avec les forces de sécurité. Une fois la marchandise saisie, ils sont obligés d’aller la retirer à la mairie du district, mais parfois les forces de l’ordre rendent la marchandise sous les prières du vendeur moyennant quelques billets.
Madiassa Kaba Diakité / Khadydiatou Sanogo
Le Républicain Mali 11/06/2012