Ce sont près de 160 000 Ukrainiens qui ont fui la guerre et trouvé refuge au Canada. Du nombre, 20 000 se sont établis en Alberta, où l’importante diaspora fait tout ce qu’elle peut pour aider les nouveaux arrivants. Mais après un an de guerre et l’arrivée continue d’évacués, la pression se fait sentir, si bien que le Congrès ukrainien de l’Alberta réclame de l’aide supplémentaire.
Orysia Boychuk est une femme occupée, très occupée. La présidente du Congrès ukrainien en Alberta avait demandé quelques semaines de congé à son employeur au début de la guerre pour coordonner les efforts d’accueil des premiers réfugiés en sol albertain. Un an plus tard, elle est toujours absente du travail parce que ses tâches sont tout simplement trop prenantes.
Le cellulaire en permanence à la main, elle nous fait visiter l’immense entrepôt d’Edmonton converti en magasin de meubles usagés qui sont distribués aux nouveaux arrivants. La fatigue se lit sur son visage.
Fatiguée, épuisée… C’est émotionnellement difficile tout ce qu’on vit depuis un an, résume-t-elle lorsqu’on lui demande comment elle se sent après un an de guerre.Logement, emploi, accès aux cours d’anglais, coût de la vie élevé, la liste des défis des Ukrainiens est longue. En Alberta, le Congrès ukrainien peine même à loger les évacués qui atterrissent dans la province.
Le gouvernement fédéral fournit 25 chambres d’hôtel à Edmonton et 75 à Calgary et elles sont toutes pleines tout le temps, se désole Orysia Boychuk.
Même loin des combats, l’effort du Congrès ukrainien demeure colossal. Chaque semaine, 75 familles à Edmonton réclament de l’aide pour meubler leur premier logement en sol canadien. L’organisme a besoin de 35 bénévoles uniquement pour gérer l’entrepôt ouvert quatre jours par semaine.Après six mois de guerre, on sentait déjà un essoufflement du bénévolat. Après un an, on sent une diminution de l’appui, trouver des bénévoles devient parfois difficile.
Alors qu’une fin du conflit est toujours loin à l’horizon, le Canada pourra-t-il continuer à accueillir autant d’évacués? Elle n’ose pas se prononcer pour les autres provinces, mais Orysia Boychuk est très inquiète pour l’Alberta.
« On arrive au maximum de notre capacité pour assurer un accueil sécuritaire pour eux. […] Nous avons l’impression de vivre une crise humanitaire en Alberta. »
— Une citation de Orysia Boychuk, présidente, Congrès ukrainien de l’Alberta
Depuis des mois, le congrès ukrainien albertain réclame de l’aide supplémentaire à la province, mais la réponse se fait toujours attendre.
Aussitôt arrivée, aussitôt bénévole
Si les premiers bénévoles ont peu à peu réduit leur implication, les réfugiés ukrainiens peuvent compter sur leurs compatriotes arrivés quelques mois avant.
Dans l’entrepôt où sont distribués les meubles, on entend parler davantage ukrainien qu’anglais. Les bénévoles qui chargent matelas, tables et chaises sont pour la majorité eux-mêmes des évacués.
C’est le cas de Sofiaa Hrynevch après quelques mois de bénévolat dans l’entrepôt, elle en est devenue la coordonnatrice.
J’aime vraiment aider tout le monde, je fais de mon mieux pour accompagner toutes les familles qui arrivent comme la mienne, explique cette mère de deux enfants.Aussitôt arrivée à Edmonton il y a sept mois, elle sait exactement ce que vivent ceux qui visitent l’entrepôt.
Je veux que les enfants repartent d’ici avec quelques jouets pour leur nouvelle maison, dit-elle la voix remplie d’émotions.
Les Ukrainiens qui fuient la guerre obtiennent un visa de visiteur au Canada d’une durée de trois ans. Mais ils peuvent aussi présenter une demande de résidence permanente.
Le Congrès ukrainien de l’Alberta calcule que 90 % de ceux arrivés dans la province resteront au Canada.
Que le séjour au Canada soit temporaire ou permanent et peu importe combien de temps durera encore la guerre, la diaspora ukrainienne continuera de faire tout en son possible pour adoucir l’épreuve du déracinement.
Mathieu Gohier
Source: ici.radio-canada.ca