La diaspora libanaise a toujours été un soutien économique crucial pour le pays. En 2023, les envois de fonds des expatriés ont atteint environ 6,83 milliards de dollars, soit 13,5 % du PIB. Ces apports ont permis à de nombreuses familles de faire face aux crises économiques successives et ont contribué à maintenir une relative stabilité, malgré l’effondrement systémique du pays. Cependant, cette dépendance aux fonds externes, souvent appelée « maladie hollandaise », a également facilité l’enrichissement illicite d’une élite corrompue.
Flux financiers : un soutien vital ou un danger caché ?
Les transferts de fonds de la diaspora sont indispensables à la survie économique du Liban. En 2023, ces envois ont légèrement baissé par rapport aux 7 milliards de dollars de 2022, mais restent un pilier économique, représentant 16 % du PIB entre 2010 et 2020 selon la Banque mondiale. Ce flux constant de devises a permis de stabiliser la livre libanaise en période d’hyperinflation et de soutenir la consommation nationale. Toutefois, cette manne a aussi des effets pervers, notamment en maintenant un taux de change artificiellement élevé, rendant les exportations non compétitives et augmentant la dépendance du pays aux importations.
D’un autre côté, le Liban est confronté à une importante fuite de capitaux. Entre 2019 et 2022, près de 10 milliards de dollars ont quitté le pays, alimentant une crise de liquidité aggravée par la corruption du secteur bancaire. Les banques, qui attiraient autrefois les dépôts de la diaspora avec des taux d’intérêt alléchants, ont utilisé ces fonds pour financer l’État tout en permettant des transferts à l’étranger, contribuant à l’appauvrissement national.
Les investissements de la diaspora : entre opportunités et risques
Traditionnellement, le secteur immobilier a été le choix privilégié de la diaspora, représentant 40 % des investissements étrangers directs en 2022. Considéré comme un refuge, l’immobilier a souvent servi de couverture à des pratiques de blanchiment d’argent ou à des spéculations, alimentant une bulle qui a éclaté lors de la crise de 2019, laissant de nombreux expatriés avec des actifs dépréciés et enrichissant une minorité corrompue.
Malgré leur potentiel, les PME et les startups reçoivent moins de 10 % des investissements de la diaspora, malgré leur rôle crucial dans la relance économique. Cette réticence est due à l’instabilité politique, au manque de sécurité juridique et à la corruption endémique qui découragent les investisseurs. Pourtant, ces secteurs pourraient représenter une opportunité de croissance durable pour le Liban.
La diaspora : victime ou complice ?
En contribuant financièrement, la diaspora a permis à des millions de Libanais de résister à la crise. Toutefois, ces fonds ont aussi servi à maintenir un système corrompu en place. Inconsciemment, la diaspora a parfois alimenté l’enrichissement illicite de l’élite dirigeante. Par ailleurs, certains membres, en particulier ceux ayant des intérêts économiques ou politiques au Liban, peuvent devenir des complices involontaires de ce système en investissant dans des secteurs corrompus ou en facilitant les fuites de capitaux.
Conclusion : vers un nouveau modèle économique ?
Le rôle de la diaspora est à un tournant. Pour éviter de soutenir un système corrompu, elle doit réévaluer ses pratiques d’investissement et s’assurer que ses transferts de fonds ne perpétuent pas l’enrichissement d’une élite corrompue. Des initiatives de transparence et une participation active à la reconstruction économique du Liban sont essentielles pour briser le cercle vicieux de la corruption et favoriser un développement durable.
La rédaction
Diasporaction.fr