Des Catalans manifestent pour l’unité de l’Espagne, le 29 octobre 2017 à Barcelone / © AFP / LLUIS GENE
La Catalogne reprend lundi le travail, sous administration directe du gouvernement conservateur espagnol de Mariano Rajoy, dans l’attente de savoir si ses dirigeants séparatistes destitués après la déclaration d’indépendance de vendredi tenteront de résister en gagnant leurs bureaux.
Lundi matin à 9h00 (8h00 GMT) le drapeau espagnol flottait toujours sur le palais de la Généralité, siège de l’exécutif catalan, devant lequel étaient postés des dizaines de journalistes afin de savoir si oui ou non le président catalan destitué Carles Puigdemont chercherait à reprendre ses fonctions.
Une partie de son camp aussi était dans l’expectative.
« Nous sommes dans l’attente de ce que va faire demain le gouvernement » de M. Puigdemont, a expliqué dimanche sous couvert de l’anonymat un responsable indépendantiste à l’AFP.
« S’ils croient eux-mêmes qu’ils sont le gouvernement de la République, alors nous sortirons pour les protéger, mais s’ils ne font rien, nous aviserons », a dit cette source, assurant qu’un signal clair serait « qu’ils aillent tous travailler à leurs bureaux ».
Dimanche, signe d’une région très divisée, des centaines de milliers de partisans de l’unité de l’Espagne sont descendus dans les rues de Barcelone, après les dizaines de milliers qui avaient manifesté leur joie à l’annonce de la naissance de leur « République » vendredi.
– ‘Guerre psychologique’ –
A peine quelques heures après la proclamation d’indépendance votée au parlement catalan, le gouvernement a mis la région sous tutelle, au titre de l’article 155 de la Constitution, jamais utilisé jusqu’alors.
Mariano Rajoy a dissous le parlement et convoqué des élections pour le 21 décembre. Il a destitué Carles Puigdemont et son équipe et la vice-présidente du gouvernement espagnol, Soraya Saenz de Santamaria, a été désignée pour diriger la Catalogne.
Carles Puigdemont avait appelé samedi ses partisans à s’opposer pacifiquement. « Puigdemont est et restera le président » de la Catalogne, a renchéri le vice-président destitué Oriol Junqueras, dans une tribune publiée dimanche.
Mais il n’a officiellement plus de pouvoirs, plus de signature, plus de fonds à distribuer.
Et le parquet général d’Espagne a prévu d’engager dès cette semaine une procédure judiciaire contre lui pour « rébellion », même s’il soupèse aussi des poursuites pour « sédition », moins lourdes.
« Nous ne pensons pas qu’il aura les moyens de diriger un gouvernement parallèle » et « nous espérons que l’administration, les fonctionnaires en Catalogne, respecteront les mesures qui ont été prises, les ordres, et garantiront les services publics », a déclaré le ministre espagnol des Affaires étrangères Alfonso Dastis dimanche soir.
Chacun attend en effet de savoir quelle va être l’attitude des quelque 200.000 fonctionnaires, supposés passer sous les ordres de Madrid.
Tout un symbole: l’ordre a été donné de retirer leur escorte aux dirigeants destitués et d’ôter les photographies de M. Puigdemont dans les commissariats, a indiqué un porte-parole de la police catalane, dont la direction a été changée.
Un haut responsable indépendantiste voit lui le début d' »une espèce de guerre psychologique ».
Evoquant « un retour à la réalité », cette source admet que « le gouvernement de la République n’a pas la capacité de s’imposer » et de devenir « un gouvernement étatique ».
« Il convient de lutter contre l’article 155, sûrement de manière symbolique, et de démontrer que l’Etat (espagnol) est faible sur ce territoire et ne peut s’imposer à 100% », ajoute-t-elle.
– ‘Un monde parallèle’ –
Une certaine déception semblait régner dans la mouvance sécessionniste, mobilisée ces dernières années par d’immenses manifestations pacifiques pour réclamer « l’indépendance maintenant ».
Celle qui a été proclamée vendredi n’a été reconnue par aucun Etat à l’étranger et a été vivement contestée, dimanche, dans les rues de Barcelone.
« La République catalane n’existe peut-être pas de facto, mais dans mon esprit, si », commentait cependant un jeune indépendantiste de 22 ans à Barcelone, Guillem Burballa, prêt à « tout acte de résistance pacifique », notamment en réponse à des arrestations.
Les séparatistes « vivent dans un monde parallèle, un peu surréaliste », jugeait à l’inverse Silvia Alarcon, 35 ans, l’une des quelque 300.000 participants selon la police municipale, un million selon la préfecture, à la manifestation de Catalans outrés que 70 députés catalans sur 135 aient pu déclarer unilatéralement l’indépendance.
Le slogan « Puigdemont, en prison! » était régulièrement scandé dans cette marche organisée à l’appel de l’association Société civile catalane.
Des accents de pré-campagne électorale ont marqué le rassemblement: les trois principaux partis défendant l’unité de l’Espagne en Catalogne -Ciudadanos (libéral), le Parti socialiste catalan et le Parti populaire de M. Rajoy- ont déjà demandé à leurs partisans de se rendre massivement aux urnes le 21 décembre.
(©AFP / 30 octobre 2017 09h41)