« Tant que les contingences ne sont pas maitrisées, je reste dubitatif, inquiet et même préoccupé.

Toutefois certaines propositions nous ont étonnés mais des assurances formelles ont été données selon lesquelles  nous sommes à l’abri de tout  dérapage.

Il y avait  une nécessité forte à améliorer certaines situations pour faciliter l’arbitrage entre les groupes sociaux, entre les groupes politiques, entre les intérêts. Toutes choses qui ont conduit au vote favorable du parlement. Les députés se sont assumés.  Mais nous avons dit pendant longtemps, qu’on avait des problèmes à comprendre que l’exercice soit pertinent aujourd’hui, à l’heure où nous sommes.  

Le Rép: Le projet est passé à l’Assemblé nationale, est-ce que le référendum ne va pas quereller une élection présidentielle à date fixe ?

N. Keïta  Notre combat était que s’il devait avoir référendum, il ne faudrait pas que le calendrier électoral en soit perturbé. Je ne suis pas dans les secrets des Dieux mais il semble que tous les engagements ont été pris, que toutes les garanties ont été données que les délais constitutionnels ne seront pas dérangés et que les procédures seront assainies. Si ces réserves sont levées c’est une bonne chose, mais moi je n’en ai pas la preuve !

Le Rép: En réalité faut-il y croire, alors que le  fichier Race retenu ou imposé par la force des choses n’est pas encore nettoyé ?

N. Keïta : Personnellement, et cela n’engage que moi, je suis très prudent. Tant que je n’ai pas de résultats tangibles, j’ai des doutes. Du reste, et c’est le propre d’une personne intelligente,  quand il y a un enjeu aussi important que celui dont on parle et qu’on n’a pas tous les critères, tous les paramètres en main pour s’assurer que les contingences sont bien maitrisées, bien encadrées, bien gérées, je reste quelque part dubitatif, inquiet et même préoccupé.

Le Rép: Que dire de la CENI ?

N. Keïta  Pour ce qui concerne la CENI, le débat court depuis 2002-2007, les gens se divisent sur cette notion d’équité, sur le mot équitable. Si on lie l’équité à la proportionnalité, naturellement  la clé de répartition serait une clé de répartition intelligente en fonction du poids de la représentation de la majorité d’un côté et du poids de la contestation de l’autre.  

Le Rép: L’esprit de la loi en la matière ne fait-elle pas référence à deux entités : majorité- opposition ? Ce d’autant plus qu’il y en a  une troisième bien distincte : la société civile  

N. Keïta En 2007 le RPM a été victime de cet état de chose. Quand nous avons dit que l’équité doit être prise comme égalité, cela nous a été contesté. On n’a pas eu gain de cause et nous avons été exclus de la CENI. Donc il y a une jurisprudence dans le cadre de l’interprétation. Maintenant, on peut en être victime comme on peut en profiter. Mais la jurisprudence existe. Et moi je connais maintenant les deux aspects de la question.  

Le Rép: En somme c’est au petit bonheur la chance ! Pourquoi vous ne changez pas la loi ?

N. Keïta  Justement. Cela fait partie des raisons qui justifient pour certains de revoir la loi fondamentale. Il s’agit là de loi organique qui trouve sa justification par ailleurs par d’autres dispositions qui peuvent être corrigées à partir de la constitution.

Le Rép: Le président du RPM a l’air absent de tous ces débats !!!

N. Keïta  Non, le président de RPM n’est pas silencieux, mais il choisit où faut-il parler. Lui, il ne vient pas dans la rue, il  ne s’adresse pas à n’importe quel auditoire.

Le Rép: C’est entendu, mais on aurait voulu l’entendre sur le code des personnes et de la famille, le voir prendre position à propos du fichier électoral, le  projet de constitution,  que vous avez voté par ailleurs ?

N. Keïta La charte des partis nous en fait obligation. C’est  une question de discipline aussi. La charte des partis dans son article 7 dispose que dès l’instant où vous êtes dans le gouvernement, vous n’êtes plus dans  l’opposition. Ce qui pour nous est une erreur fondamentale. Dans d’autres pays, la participation de l’opposition est très dynamique dans le cadre du travail gouvernemental et une telle vitalité est même souhaitée.  

Sur le code, le président Ibrahima Boubacar Keita a parlé. Il a donné un point de vue. Il a autorisé certains membres de son parti, dont moi-même,  à faire des notes dans la presse pour dire qu’il y a des conflits qui peuvent naitre du fait  des lois. Parce que les lois ont un  fondement culturel qui suppose l’ancrage dans nos valeurs. Il y aura toujours des interprétations différentes parce que la loi sera toujours à côté de certaines choses auxquelles les Maliens dans leur forte majorité tiennent. Donc, que ces lois fassent l’objet de polémique cela se comprend.  

Le Rép: 105 articles des 120 articles  qui constituent la constitution ont été soumis à modification, à changement, à correction, etc.… Est ce une nouvelle République qui se dessine ?

N. Keïta Ah non, je ne le dirai pas. Je ne suis pas juriste mais j’ai participé à des débats où il y a eu beaucoup d’amendements. Nous en avons formulés beaucoup. Mais si on devait dire que tous ces amendements ont pu être levés et que la constitution allait se recréer, cela aurait été un autre débat. Les amendements apportés ne sont pas forcément liés à la création d’une nouvelle République.

Propos recueillis par

S. El Moctar Kounta

Le Républicain 23/08/2011