jeunesse indignée tente de s’organiser

C’est une tautologie aujourd’hui d’affirmer que le Mali va mal : Mauvaise gestion de la crise du Nord, mal gouvernance, manque de vision politique, front social en ébullition, chômage galopant des jeunes…Face à toute cette situation une jeunesse de plus en plus consciente s’engage pour constituer une masse critique afin d’interpeller les gouvernants.

Malheureusement, des tentatives pour museler cette jeunesse sont en cours, privation de leur droit de manifestation, pressions morales et religieuses sont légions. La jeunesse doit elle pour autant s’avouer vaincue? Doit-elle baisser les bras ? Ne doit-elle pas faire sienne cette citation « Naan lara an sara »; « Si nous nous couchons, nous sommes morts » du professeur Joseph Ki Zéro ?

Nous sommes en 2013, le Mali s’achemine vers la fin de la transition, une élection présidentielle permettra d’élire un nouveau président qui aura la lourde tâche de sortir le pays de la crise politico-militaro-sociale. Les défis sont nombreux. Au nombre desquels, il y a surtout la question relative à la rébellion et de l’expansion du terrorisme dans les régions nord du pays mais il y a aussi l’épineuse question du chômage des jeunes. On compte environ 28 candidats. Chaque candidat présente un programme plus ou moins ficelé qui en plus des préoccupations majeures du moment prévoit notamment la création d’emplois pour résorber le problème du chômage des jeunes. Le candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2013 : Soumaila Cisse. Ainsi, le Président de l’URD (Union pour la République et la Démocratie), Soumaila Cissé, candidat au second tour prévoit dans son programme la création de 500 000 emplois, il ne sera pas élu. Le président du RPM (Rassemblement pour le Mali), Ibrahim Boubacar KEITA, lui, prend l’engagement de créer, s’il est élu 200 000 emplois. Le peuple voyant en lui, le messie qui conduira le Mali à bon port, il sera élu avec un taux record.
Trois ans après son élection, le constat est amer. Le pays n’est malheureusement pas sorti de la crise. Le chômage des jeunes a connu une ascension fulgurante. Les 200.000 emplois sont devenus un leurre. Le ministère en charge de l’emploi et de la formation professionnelle cherche lamentablement à travers des sorties médiatiques hasardeuses à berner l’opinion publique que tout va bien et que les 200.000 emplois promis sont en voie d’être atteints.

Plusieurs mouvements de jeunes crient au scandale. Et s’organisent à travers une organisation « Bi-ton » pour manifester et réclamer le respect de l’engagement pris par le président de la République pour la création de 200.000 emplois à travers un grand rassemblement le 23 juillet 2016 au stade Mamadou Konate de Bamako. Les réseaux sociaux sont mis à profit, une campagne de mobilisation s’étend sur plusieurs semaines avec comme leader Sega Séga Diarrah. Plusieurs jeunes adhèrent au mouvement. Cependant à la veille du rassemblement, coup de théâtre : les autorités font intervenir les religieux et les familles fondatrices de Bamako qui aujourd’hui sont devenus l’Appareil d’Aliénation des Consciences « AAC » du pouvoir.
Ceux-ci interpellent les ténors du mouvement afin que le rassemblement puisse être annulé. Ils évoquent le deuil national de trois jours décrété à la suite de l’attaque du camp de Nampala et qui a fait 17 morts au sein des forces armées du Mali (FAMA). La manifestation n’est par ailleurs pas autorisée par le gouvernorat du district. Cependant sous l’égide du ministère de l’emploi et de la formation professionnelle accompagné par une organisation de jeunesse manipulée, à la solde du pouvoir, un autre contre-rassemblement improvisé est lui organisé le même jour au palais des sports de hamdallaye ACI 2000 sous forme de forum pour soi disant proposer des voies et moyens pour solutionner la problématique de l’emploi des jeunes.
Certains artistes invités pour prendre part au rassemblement de » Bi Ton » sont corrompus et invités à faire des vidéos de propagande sur les réseaux sociaux. Face donc aux revendications d’une jeunesse exaspérée par la mauvaise gouvernance, le pouvoir en place fait de plus en plus recours à la restriction de la liberté de manifestation ou à la technique de la terre brûlée : diviser pour mieux régner. On met dos à dos les organisations de jeunesse et on fait de la diversion. Ce qui n’est pas sans danger. Il n’est pas rare d’entendre dans certains milieu de jeunes notamment ceux ayant bénéficié des largesses du pouvoir: « ce n’est pas au gouvernement de créer de l’emploi » Quel raccourci? On semble, dans ces cercles, oublier d’abord l’engagement pris par le président de créer des emplois pour les jeunes (200.000 précisément), ensuite que c’est au gouvernement de créer les conditions idoines pour la création d’entreprises en favorisant un climat de confiance pour les investisseurs, mais que depuis l’accession au pouvoir du Président Ibrahim Boubacar KEITA, la situation sécuritaire tarde à s’apaiser, le pays fait face à une instabilité de plus en plus grandissante. Enfin, retenons que c’est encore au gouvernement de mettre en place des mesures pour accompagner les initiatives de jeunes notamment dans le domaine de l’entrepreneuriat. Si dans des pays tels que les États-Unis, les startups ont pu connaître un certain succès c’est que les conditions idoines ont été mises en place par les autorités.
Aujourd’hui plus que jamais la principale organisation de jeunesse est désavouée par la grande majorité de cette franche de la population. Elle s’est décrédibilisée en passant des compromis avec le gouvernement et en abandonnant la défense des intérêts de cette jeunesse dont elle est sensée porter les revendications au près des décideurs. Pour palier donc à cette instrumentalisation de la principale organisation de jeunesse au Mali, plusieurs collectifs ont vu le jour. On peut ainsi citer le mouvement » #TropCestTrop » pour dénoncer la mal gouvernance. Le mouvement » #Zaa_kossey » pour dénoncer la mise en place des autorités intérimaires,  » #Bi_Ton » pour l’emploi des jeunes, la plateforme ‘‘ #Yermatoun » en gestation à Tombouctou avec la blogueuse Fatouma Harber et ses amis.
Ces plateformes et organisations de jeunes pourront-elles sortir des sentiers battus et constituer une masse critique pour se faire entendre des dirigeants ? Se laisseront –elles toujours anéantir par les autorités politiques, religieuses ou traditionnelles dans leur tentative de mobilisation et de revendication ? Dans tous les cas, le slogan: « Oser lutter c’est oser vaincre », un slogan tant prisé par l’AEEM (Association des Élèves et Étudiants du Mali) mais malheureusement vidé de son essence par cette même organisation qui se caractérise par la violence, la corruption… n’a eu autant de valeurs, de sens qu’aujourd’hui. Trop de frustrations appellent à la révolution, il est donc temps pour les autorités d’entendre cette jeunesse qui grogne…
Mamadou Coulibaly
Journaliste-Blogueur
Coordonnateur Centre-ESD Mali
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