La question n’est pas superflue car d’après un constat général, les jeunes mariées ont des difficultés à concilier la vie de couple et activités scolaires ou universitaires. Cette situation est à l’origine de nombreuses mésententes avec leurs conjoints ou leurs belles familles
Le mariage des jeunes filles est-il une entrave à la poursuite des études ? Deux tendances s’opposent dans ce débat à n’en pas finir dans notre société. Il y a les défenseurs acharnés des droits de la femme qui estiment que les jeunes filles, même mariées, ont le droit de s’épanouir dans les études et de se trouver un job.
Ceux qui s’inscrivent dans cette vision plaident pour plus de compréhension à l’égard de celles qui font le choix de continuer les études après le mariage. Ils estiment que c’est de la responsabilité de leurs conjoints et de leurs belles familles de les soutenir dans cette quête de construction intellectuelle.
Le camp opposé à cette vision s’accorde à dire que le mariage est une institution sociale qui ne doit pas être mis à mal même pour tout l’or du monde. Ceux qui défendent ce point de vue pensent que les défenseurs des études par des jeunes filles en union s’écartent d’une réalité qui est propre à notre société. Ils font référence non seulement à des valeurs de l’islam mais aussi à des pratiques profondément ancrées dans notre culture et qui confinent la conjointe à garder la maison, à s’occuper de son mari et de sa progéniture.
Mais la problématique de concilier les études secondaires ou supérieures et la vie en couple est une réalité que nous vivons dans notre société d’abord parce que le statut de mariée est très contraignant et aussi parce que les pesanteurs sociales entrent aussi en ligne de compte dans ce cas.
Jalousie maladive-Analyses croisées de jeunes filles qui vivent cette situation et d’un sociologue. Mme Fofana Habibatou Traoré, une lycéenne qui a convolé en justes noces avec son époux à l’âge de 19 ans, explique avoir eu préalablement la promesse de poursuivre ses études après le passage devant le maire. Son conjoint a tenu son engagement de la laisser poursuivre ses études jusqu’au baccalauréat. C’est à partir de là que les choses se compliquèrent pour elle avec la naissance de leur premier et seul enfant. Elle renoncera aux études sous la pression pour se consacrer à sa vie de couple.
C’est le cas de Fatou Barry, étudiante en communication et marketing. Elle qui a surtout vécu le même dilemme après s’être mariée dans une grande famille où les tâches ménagères sont nombreuses. Elle n’a pu résoudre cette équation même avec une aide-ménagère qui arrive à la soulager dans certaines tâches. Elle n’arrive pas à concilier études et ménage du fait du volume de travail au foyer, il lui arrive souvent de sommeiller en classe sous le coup de la fatique. Elle finira par abandonner les études pour éviter qu’une animosité naisse entre elle et sa belle-mère.
Certaines filles trouvent plusieurs explications au phénomène. Awa Diepkilé est une jeune qui a la particularité de subir une jalousie maladive de son époux. Celle qui suit des cours de coupe et couture officie souvent comme assistante dans un atelier de couture. Elle a fini par renoncer à ce job et aux cours du fait des agissements de son conjoint jaloux qui n’appréciait guère de la voir au contact d’autres hommes.
Globalement beaucoup de jeunes filles mariées ont des difficultés à poursuivre les études. Diatou Fofana, aujourd’hui, diplômée d’une école supérieure, se réjouit d’avoir bénéficié de la compréhension de son commerçant de mari. Il y a eu d’abord la pression de la belle famille, la contraignant à abandonner l’ENA d’alors. Elle se fera ensuite inscrire dans une université privée par son conjoint qui la déposait souvent à l’école et restait à l’attendre jusqu’à la fin des cours, mais sans que sa famille n’en sache rien.
Nécessité de communication- Dr Moussa Coulibaly, enseigne la sociologie à la Faculté des sciences humaines et des sciences de l’éducation (FSHSE). Il relève que le mariage est un évènement heureux dans la vie sociale d’une personne. Selon l’universitaire, les femmes sont victimes d’un préjugé défavorable.
Il explique qu’à plus de 25 ans, un homme souffre moins de la pesanteur sociale que la femme. à cet âge, les jeunes filles se font des soucis parce qu’elles subissent généralement beaucoup de pressions parentales, mais aussi de l’environnement social. Certaines d’entre elles commencent à en faire une fixation. Dr Moussa Coulibaly parle d’un constat général. Les jeunes filles sont le plus souvent demandées en mariage à partir des études secondaires.
Généralement, fait-il remarquer, pour des raisons liées à la religion, aux mœurs ou à la pression parentale, une fille peut être contrainte à contracter les liens du mariage et être brutalement confrontée à une équation difficile. Celle de concilier les obligations de femme mariée et les études.
Le sociologue estime qu’en général la belle famille s’attend à être soulagée avec l’arrivée d’une nouvelle mariée. Pour garder sa réputation intacte et celle de sa famille biologique, la nouvelle mariée essaie d’apporter des réponses satisfaisantes aux nombreuses exigences de sa belle-famille, analyse-t-il.
Les études exigeant une certaine disponibilité que n’ont pas forcément les mariées, il conseille aux jeunes mariées de se mettre d’accord préalablement avec leurs maris afin de leur permettre de poursuivre les études.
De plus en plus des gens s’accordent à reconnaître la nécessité de donner un coup d’accélérateur aux activités de sensibilisation sur les conséquences des abandons scolaires pour les jeunes mariées. Ils estiment que les organisations féminines de la société civile doivent être à l’avant-garde de ce combat.
Dans certains couples jeunes, les conjoints qui perçoivent la nécessité de laisser une femme s’épanouir dans les études encouragent leurs épouses à persévérer dans les études. D’autres exigent des cycles de moins de quatre ans.
Mais cette situation remet sur le tapis, toute la difficulté des couples à communiquer sur l’essentiel mais aussi à élaborer un projet de vie en couple avec des objectifs clairs. Il est bon de partager les ambitions et de s’inscrire dans la même vision avant de consommer le mariage. Cela évitera de vivre des conflits conjugaux permanents et d’aller à la séparation.
Oumou SISSOKO
Source : L’Essor