Même s’il est vêtu d’un caftan d’un blanc immaculé, qu’il ne transpire pas à grosses gouttes et que sa sécurité ne le lâche pas d’une semelle, c’est bien le président du Niger qui, cette après-midi du vendredi 21 août 2015, en train de labourer une partie de son champ. L’an dernier au même moment il l’a fait et son coup de pioche avait fait le buzz sur les médias sociaux.
La télévision, cette fois-ci n’a pas voulu être en reste. Théâtre de cette opération singulière sous nos tropiques où, pour leurs vacances, les présidents préfèrent le club Med que les tempêtes de sable sahéliennes ? Dan Daji. C’est un village au bord d’une route latéritique pas trop cahoteuse, il est vrai, à quelques dizaines de kilomètres de Tahoua, capitale de la région du même nom à un peu plus de 500 km de Niamey.
C’est ici qu’est né Mahamadou Issoufou, élu en 2011 après les rocambolesques péripéties du Tazartché qui ont balayé le mythique Mahamadou Tandja. Dan Daji sera difficile à trouver sur la mappemonde mais « c’est chez moi » revendique fièrement le président au lendemain de ses activités champêtres qu’il a reconduites le dimanche suivant.
Orphelin à onze ans
« Mon père adjudant de l’armée coloniale et qui a fait vingt et un ans d’armée a été le chef de village de Dan Daji qui en est à son dixième chef » Toujours du lignage présidentiel. C’est avec une pointe de tristesse qu’il évoque la mort de son père le 19 août 1963. « J’avais onze ans, il m’avait envoyé chercher des boutures de manioc dans le village de Chissana. J’ai fait le trajet à dos de chameau et à mon retour, je suis allé me baigner dans la mare et là, j’ai entendu des sanglots : il venait de mourir ». Issoufou était encore élève au CM1, à l’école d’Ilela à dix kilomètres de Dan Daji. C’était la seule école pour plusieurs dizaines de villages.
A Ilela, bordant la route bitumée, le président a une maison dans laquelle se trouve la tombe de sa mère. La résidence de Dan Daji est aussi la propriété du Président. C’est un bâtiment en parpaing propre mais sans luxe particulier, au milieu d’une très grande cour dans laquelle sont érigées quelques tentes maghrébines prises d’assaut à la fois par les villageois et des visiteurs venant de Niamey. Ce n’était pas plus simple d’être sur la Côte d’Azur plutôt que d’être assailli ainsi ? « Je suis à l’aise et en paix ici. « Vous savez, le pouvoir peut vite devenir une tour d’ivoire. Ici je suis en contact avec les terroirs et le peuple.
« Tu as fait, on a vu, on te remercie »
Les problèmes étant les mêmes ici que dans les autres parties du pays, je me permets d’extrapoler et cela m’aide à garder le sens des réalités ». Nul doute que le petit peuple apprécie, attendant sagement son heure d’être reçu. Rien n’est tabou : des ennuis personnels aux questions du parti et de la nation. Le président reçoit de dix à treize heures, marque une pause- déjeuner signalée par le fumet d’un délicieux méchoui dont l’intendant et le chef du palais faisant partie de la délégation présidentielle ne sont pas peu fiers.
Tous ceux qui sont là sont servis : la sécurité rapprochée, les autres collaborateurs, les gardes et militaires mobilisés, les visiteurs. Petits apartés de gens qui devisent à voix basses, gros éclats de rires parfois, odeurs caractéristiques de la flore de l’hivernage, tornades emportant les tentes : c’est tout cela Dan Daji. Mais alors qu’il reçoit les habitants du terroir, Issoufou gère aussi le pays : il était vendredi en contact avec des ministres de son gouvernement sur des questions militaires et il a l’œil sur l’exécution de son programme électoral dont le document-bilan est désormais public et posté sur le site officiel de la primature du Niger.
Une certaine fierté pour le pouvoir ! «Nous sommes venus avec des objectifs et nous avons exploité toutes les opportunités ouvertes pour essayer de les réaliser ». Et Issoufou de dire ce qui lui va droit au cœur : la formule par laquelle des citoyens-lambda s’adressent à lui en hawsa : « kayi angani ango di ». Traduction : tu as fait, on a vu, on te remercie ».
Adam Thiam, de retour de Dan Daji
Source: Le Républicain-Mali 27/08/2015