Avec des militaires putschistes qui rechignent à rentrer dans leurs pénates, une CEDEAO qui leur fait la part belle, un pays amputé de sa frange nord, et un gouvernement de transition sans réels pouvoirs, le Mali est en passe de s’installer durablement dans la crise…
Les perspectives ne sont pas, en effet, reluisantes, mais il ne faut pas désespérer de ce vieux pays. Il saura trouver les ressorts pour rebondir.
A qui profite la partition du Mali ?
Elle ne devrait normalement profiter à personne. La déstabilisation d’un vaste pays qui fait frontière avec sept autres, si elle venait à se prolonger, ne manquerait pas d’avoir des répercussions négatives sur l’ensemble de la région.
Comment expliquez-vous que la CEDEAO ait levé les sanctions sans attendre que les putschistes se soient effectivement soumis à la légalité constitutionnelle ?
La bonne foi de la CEDEAO ne fait pas de doute. Je crois que nos frères et voisins ne voulaient pas faire souffrir les Maliens. En outre, ils croyaient que la crise était résolue avec la proclamation du retour à la légalité constitutionnelle et la prestation de serment du nouveau Chef de l’Etat.
Les actes posés, depuis, par la junte militaire ont fait déchanter plus d’un dans la sous-région : les arrestations illégales se poursuivent au mépris des droits constitutionnels des citoyens, l’Assemblée Nationale est empêchée de siéger par des groupes proches de la junte, une censure d’un autre âge règne à la radio et à la télévision publiques, une ambiance générale de peur et de terreur s’est installée dans le pays. Tout cela suggère que les militaires restent aux commandes et que le coup d’Etat perdure.
Vous êtes allé à plusieurs reprises, ces dernières semaines, en Mauritanie, à la recherche d’une solution à la crise ayant conduit à la partition du Mali. Pourquoi Nouakchott ? N’est-ce pas une façon d’indiquer à l’opinion que la cause et la solution de la crise se trouvent en Mauritanie ?
La stabilité du Mali passe par tous ses voisins. C’est la raison pour laquelle la contribution de tous est sollicitée. Il se trouve que les relations entre le Mali et la Mauritanie, qui partagent plus de 2400 kilomètres de frontière, étaient franchement mauvaises. Dans le cadre d’une initiative de la classe politique, en accord avec le chef de l’Etat et le président de l’Assemblée Nationale d’alors, je me suis attelé à l’amélioration de ces relations. La décrispation que l’on note aujourd’hui permet d’avancer. Il revient aux autorités maliennes de mettre harmonieusement à contribution tous nos voisins, ceux de la CEDEAO et ceux qui, comme l’Algérie et la Mauritanie, ne sont pas membres de cette communauté économique régionale, mais dont le rôle est précieux, pour ne pas dire indispensable.
Vous ne semblez pas écarter la possibilité de négocier avec le MNLA, qui, de l’aveu unanime, n’a qu’un contrôle limité sur les grandes villes du Nord. En même temps, vous excluez tout contact avec des groupes plus radicaux comme Ansar Dine, le Mujao et Aqmi, qui, eux, imposent une chape de plomb sur le septentrion malien. Pour me résumer, vous poussez à la négociation avec ceux qui ne contrôlent rien et refusez de discuter avec ceux qui contrôlent tout.
Comment expliquer une telle démarche?
Mon sentiment, qui est aussi celui du président de la République par intérim [Dioncounda Traoré, NDR], est que Bamako doit rechercher le dialogue avec tous les Maliens afin de les amener à déposer les armes et trouver une issue négociée à cette crise multidimensionnelle.
Tout espoir est-il perdu de voir les militaires retourner dans leurs casernes ?
Mais non ! Au contraire, il faut tout mettre en œuvre pour que les militaires retournent au plus vite dans leurs casernes où le pays a urgemment besoin d’eux. Le coup d’Etat ne saurait perdurer sous quelque forme que ce soit. Les Maliens ne l’accepteront pas ! La CEDEAO, l’Union Africaine et les Nations unies non plus !
Les provinces septentrionales réintégreront-elles un jour le territoire malien ?
Je n’en ai aucun doute. Un jour viendra où le Mali retrouvera son unité et sa cohésion. Ce jour n’est pas loin. Il nous faut vite refermer la parenthèse du coup d’Etat et nous parler entre Maliens. Nous saurons trouver les mots et les formules pour rester ensemble dans le respect des diversités qui font et feront encore pour longtemps, je l’espère, la richesse de notre vieille nation. Notre force viendra de cette cohésion retrouvée.
Par Francis Kpatindé
Mercredi 25 avril 2012
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