Le Républicain : Nous savons que vous vous êtes exprimé, samedi dernier, à travers l’association Sos démocratie pour dénoncer les réformes constitutionnelles. Pourquoi avoir attendu maintenant ?
Abdoul Traoré Diop : J’aimerais tout d’abord faire un rectificatif, ce n’est pas une vraie association que l’on a mais une sorte de plateforme au sein de laquelle toutes les associations gardent leur autonomie et leur indépendance. C’est juste un espace d’action. Ce n’est pas une nouvelle association qu’on a créée. Pour répondre à votre question, nous n’avons pas attendu maintenant pour poser des actes. Je peux dire qu’on a même devancé les initiateurs de la nouvelle constitution.
Parce que j’appartiens à l’Adj, l’Association pour la démocratie et la justice et c’est à ce titre que nous sommes dans Sos démocratie. Déjà en 2006, l’Adj avait publié un document intitulé Produit politique de l’Adj qui faisant ressortir toute l’argumentation qu’on avait par rapport aux insuffisances de la constitution et aux conditions qui devaient préluder à une révision ainsi que ce qu’il fallait changer. Depuis 2010, on a commencé à écrire contre les propositions du Cari. Nous sommes sur la brèche depuis longtemps.
La loi étant votée, pensez-vous que ce référendum va être validé par la population ?
Je ne sais pas, mais comme dit le poète « point n’est besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer ». On ne va pas s’asseoir et regarder certains faire ce qu’ils veulent sans réagir, nous allons réagir, c’est notre droit constitutionnel. Donc nous allons réagir en fonction de notre sensibilité et de nos convictions. Il se peut que le référendum soit adopté par le peuple. Si c’est le cas, en toute démocratie nous allons nous y plier mais il est aussi de notre devoir de démocrate de sensibiliser les populations sur les failles et les insuffisances de cette nouvelle constitution et ce que nous faisons actuellement.
Que pensez-vous du problème des délais non seulement pour le référendum mais aussi pour le fichier ?
Techniquement, avec les recommandations de l’Assemblée nationale, il va être très difficile pour le pouvoir en place de tenir les délais. Mais ça, nous ne nous en occupons pas, à chacun son travail, à chacun ses tâches. Ce qui nous importe de faire aujourd’hui, c’est de sensibiliser les gens. S’il se trouve que les délais sont respectés par le pouvoir et que le vote référendaire est positif, que les gens sachent à quoi s’en tenir parce que ce n’est pas le cas aujourd’hui. Il y a un déficit d’information en direction des populations sur les différents amendements du projet de révision constitutionnelle.
Si ce projet était adopté, quelle serait votre attitude ?
Comme je l’ai dit en toute démocratie, nous allons nous conformer à la décision populaire mais cela ne nous empêchera pas de dénoncer avec la plus grande force, la plus grande détermination, cette constitution. Ce n’est pas parce que le projet a été adopté que nous allons nous taire, non !
Un dernier mot ?
J’aimerais encore une fois de plus attirer l’attention des populations sur des risques majeurs que ce projet de constitution amène, notamment une inflation des pouvoirs d’un président qui en a déjà trop dans ce pays. Ce qui va avoir pour conséquence l’exacerbation de la corruption, du clientélisme parce que le président va pouvoir tout faire avec les pouvoirs qui lui seront dévolus. Deuxièmement, cette constitution va contribuer à augmenter les charges de l’Etat, alors que le Mali est déjà un Etat qui est financièrement aux abois.
Il va falloir tendre la main aux bailleurs de fonds pour financer les différents volets des élections. Je vous fais remarquer que même l’école vient d’être fermée, à cause des problèmes d’argent. Beaucoup de projets de développement, d’initiatives sont abandonnés parce que le pays est corrompu et défaillant sur le plan financier. Cette constitution, à notre avis, ne peut qu’aggraver cette situation.
Baba Dembélé.
Le Républicain 25/08/2011