« Nous n’avons pas besoin de la présence de troupe étrangère sur notre sol. Nous ne sommes pas d’accord car nous avons assez d’expérience en la matière pour avoir montré nos preuves sous d’autres cieux … La position du Mali a été claire : pas question d’envoyer des troupes ni à Bamako, ni dans le nord. Nous avons toujours demandé une aide logistique et matérielle parce que nous avons suffisamment d’hommes pour combattre et libérer les zones occupées. Quant à Bamako, nous assurons déjà la sécurité des institutions de la république ainsi que des autorités… Si des pays voisins et amis peuvent nous aider dans la logistique et le matériel, ils sont les bienvenus.
En tout cas, l’envoi de troupes va créer plus de problème que de solutions et compliquera la situation tant au sud qu’au nord. Nous sommes opposés à toute décision d’envoi de troupes sur le sol malien».
Pour avoir eu le courage de se prononcer ainsi dans la presse, on peut croire que le point de vue du Colonel Youssouf Traoré est partagé par certains de ses camarades de l’ex junte, qui a pris le pouvoir le 22 mars 2012, renversant le président Amadou Toumani Touré pour ‘’incompétence’’. Il n’y a pas eu de démenti des déclarations faites par ce colonel membre du CNRDRE, ce qui est une raison supplémentaire de croire que son point de vue est admis à Kati.
L’un des points importants de son interview qui retient l’attention est que les militaires maliens sont décidés à monter au front. Mais ce qui donne espoir est vite dilué lorsque le Colonel conditionne : « … la montée au front de nos hommes a été retardée parce que nous avions fondé beaucoup d’espoir sur les commandes d’armes que nous cherchions avec des amis pour rééquiper certaines de nos forces. Malheureusement, ces armes ont été délibérément bloquées par certains dirigeants ouest-africains en complicité avec des pays occidentaux, rien que pour des intérêts personnels ». Cela devient ahurissant lorsqu’on y décèle, sous entendu, que sans ces armes nos soldats ne peuvent aller au front.
Mujao : prendre Kati en moins de 24 heures
Pendant ce temps, les populations maliennes attendent beaucoup de leur armée, elles contribuent pour que cette armée soit dans les conditions optima de bien être physique et mental, pour assurer la sécurité des personnes et des biens et défendre l’intégrité territoriale. Les Maliens ont manqué ce rendez-vous au nord où les ‘’replis tactiques stratégiques’’ de son armée et la progression de l’ennemi ont fini de consumer le restant de dignité dont ils pouvaient jusque là se targuer. La faute du sous équipement de l’armée imputable à des traitres qui ne sont pas étrangers au sein de l’armée, a fini par avoir raison du pouvoir du président Amadou Toumani Touré. Mais aujourd’hui, plus de cinq mois après la chute du président ATT, la situation ne reste pas stationnaire, elle s’empire ; le Mujao après avoir élu domicile à Douentza, à quelques encablures (120 km) de la base avancée de l’armée malienne à Konna, brave Bamako, en déclarant qu’ils peuvent prendre Kati en moins de 24 heures. En ce moment la réaction normale d’une population normale est de s’interroger sur la capacité réelle ou supposée de son armée, qui depuis les replis stratégiques instruits par le Général ATT, n’a rien fait pour faire renaitre la confiance du peuple malien.
Fiers de notre armée
Franchement, nous croyons en la capacité de notre vaillante armée, mais nous ne sous-estimons pas Ansar Dine, le Mnla et le Mujao qui n’arrêtent de multiplier les bravades menaçant l’existence de la nation malienne telle que nous l’ont léguée les pères de l’indépendance. Allons-nous continuer à croiser les bras et regarder, en se convainquant qu’on a les meilleures troupes de la sous région, mais que nous n’avons pas d’équipement? Pendant ce temps les occupants soumettent notre peuple aux atrocités les plus abominables, appliquent la charia contraire à l’esprit républicain et donc à notre constitution.
C’est vrai qu’aucun Malien n’accepterait que notre pays devienne « un dépotoir d’éléments indésirables », d’anciens combattants en mal de débouchés, comme on peut le comprendre en lisant l’interview du Colonel malien Youssouf Traoré (qui n’est pas le vieux Colonel, député sous la troisième République que certains connaissent bien). « Nous n’acceptons pas cette situation et nous ne l’accepterons pas. Si c’est cela nous aider, nous n’en voulons pas de leur appui. Nous irons à la guerre sans eux et nous serons fiers de la faire, il y va pour nous de laver un affront infligé à notre Nation ». C’est cela même qui fâche, Colonel, les Maliens n’en sont plus là. Il s’agit des actes, des actes de guerre mon Colonel, qui convainquent les Maliens sur la force de frappe, la fougue et l’ingéniosité de son armée dans la destruction des positions de l’ennemi en face pour la restauration de l’intégrité territoriale.
L’ennemi, ce sont les occupants, pas la CEDEAO
Ce n’est pas en se brouillant avec les forces de la CEDEAO dont le Mali est membre, ce n’est surtout pas en se trompant d’ennemi que les nôtres convaincront sur leur capacité. Ce n’est pas la CEDEAO, l’ennemi c’est plutôt les forces d’occupation du nord Mali que sont le Mujao, Ansar Dine, le Mnla, Aqmi, sans lesquels, le président malien ne formulerait pas de requête à l’organisation sous-régionale pour demander l’intervention des forces africaines. Pour dire sans sous entendu, ce n’est pas à la CEDEAO qu’il faut montrer les muscles, mais plutôt aux forces de l’occupation qui ne sont pas virtuelles, qui sont bien présentes sur notre territoire, une présence qui équivaudrait bien plus que la mort : « Saya k’a fisa malo yé (plutôt la mort que la honte)… Si l’ennemi découvre son front, … nous sommes résolus de mourir pour l’Afrique et pour toi Mali … ». Ceci est un passage bien connu de notre hymne national. Comment le réhabiliter ? Sûrement pas en faisant semblant de ne pas connaitre l’ennemi, qui lui, ne se cache même pas. Il brave l’armée malienne et les forces africaines, à travers l’interview de son chef d’état major, Oumar Ould Hamaha dans le journal Mali Demain.
Aujourd’hui, les Maliens découvrent indignés, que ce sont des forces africaines qui doivent venir libérer notre patrie de ses occupants, alors que jusque là nous étions fiers de notre vaillante armée, qui certainement n’a pas dit son dernier mot et nous réserve une surprise. Mais craignant que cela ne soit une chimère, force est de miser sur les troupes en attentes auxquelles nous avons longtemps et efficacement contribué. Aujourd’hui c’est peut être notre tour de bénéficier de ces forces auprès de notre armée. Et faudra-t-il l’admettre comme tel.
B. Daou
Le Républicain Mali 10/09/2012