INOBSERVANCE DES TEXTES : Une fâcheuse tendance à bannir du Mali Kura

Le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des sceaux, Mamoudou Kassogué, a du pain sur la planche pour faire assainir la justice

Au Mali, ce n’est un secret pour personne que les lois ne sont pas respectées comme il se doit.  Et cela parce que, entre autres, la corruption et l’abus du pouvoir ont pris de l’ampleur dans notre société. Inverser cette fâcheuse tendance doit figurer dans nos priorités pour bâtir le Mali Kura, ce nouveau pays de tous les espoirs.

Au Mali, les textes organisant le fonctionnement de l’Etat, des services publics … sont presqu’en désuétude. Les dirigeants vivent de la sueur du front des citoyens en dérogeant aux lois prescrites. L’une des raisons du chaos actuel est que tout le monde connaît la loi, mais peu de gens la respectent. Et cela d’autant plus que ceux qui doivent scrupuleusement veiller à ce respect (magistrats, ministres, directeurs…) sont les premiers à les violer en faisant un usage à leur convenance et en fonction de leurs intérêts.  

Face à des infractions les administrateurs, au lieu de réprimer les fautifs, préfèrent par exemple intervertir les rôles faisant de sorte que l’argent indûment encaissé prime sur la répression.  Tout comme d’autres pauvres citoyens peuvent se voir imposer de fausses sanctions non prévues par les textes en vigueur. Ce qui fait que, au niveau des tribunaux, «le citoyen lambda a toujours l’impression que le jugement est totalement fait en défaveur des pauvres», souligne Moussa Fomba, agent en formation de la Compagnie malienne pour le développement textile (CMDT). A ce titre, sous le couvert de la frustration, l’anarchie va gagner du terrain partout dans le pays.  

«Le pays restera dans ce profond trou tant que ceux qui doivent donner le bon exemple ne prendront pas conscience de leur responsabilité», craint Adama Maréga, enseignant de son état. En effet, pour de nombreux interlocuteurs, la non-application des textes en vigueur interpelle avant tout ceux qui doivent veiller à leur respect. Et, dit un manœuvre guinéen vivant à Bamako, tant que «ceux-ci seront cramponnés à leurs propres intérêts, nous allons continuer à vivre dans cette jungle où la loi du plus fort, du plus haut placé ou du plus riche va toujours l’emporter à cause notamment de la corruption».

 Des valeurs de leadership à prioriser pour donner le meilleur exemple

Comme le disent les bambara, «les pintades regardent toujours la nuque de celle qui les guide». Être un leader, un responsable exige impérativement de prioriser des valeurs comme la transparence, l’équité et la justice afin de donner un bon exemple aux autres.  «Un pays sans lois n’a pas d’avenir. En famille par exemple, si les règlements familiaux ne sont pas exécutés,  elle ne tardera pas à sombrer dans l’anarchie et à se disloquer», revient l’enseignant Maréga.

Quand les lois et les autres textes sont foulés au pied, cela peut facilement engendrer, entre autres, des tensions entre les populations, guerres, querelles, litiges pouvant causer des pertes en vie humaine… Sans compter l’effet néfaste sur la gestion des écoles publiques, des centres de santé… De l’administration publique en un mot.          

D’où l’urgence de trouver une solution pérenne à cette équation qui est à la base de l’effritement de l’autorité de l’Etat dans bien de domaines. «La constitution malienne du 25 février 1992 (ou la future constitution en cours de rédaction) doit être traduite en bambara. Tout comme il est souhaitable de tenir des débats télévisés dans les langues nationales sur les questions relevant des différentes dispositions de la constitution révisée», préconise Boubacar Cissé, juriste.

Cela est d’autant souhaitable que, pour certains interlocuteurs, la méconnaissance des lois conduit les citoyens vers la violation des textes, des droits, etc. «Beaucoup de citoyens méconnaissent leurs droits pour les défendre comme il se doit. Ils ne connaissent pas non plus ce que les lois ou des textes d’application autorisent ou interdisent. Ils peuvent ainsi les violer sans s’en rendre compte», confie un interlocuteur. Pourtant, un adage dit clairement que «nul n’est censé ignorer la loi». Au Mali, c’est plutôt personne n’est censée connaître la loi que lorsque son application l’arrange !

Karim Mallé

Stagiaire