Par un injuste hasard de la redistribution, il a été amené souvent à garder le lit, s’arrêter soudain à cause d’un méchant vertige. Mais sauf quand la force l’avait quitté, il a essayé d’honorer tous ses rendez-vous. Et chacune de ses journées était une débauche d’énergie qui laissait pantois. Sa vie professionnelle fut menée de manière intense entre les cours à la faculté, les consultations de ses malades généralement démunis- il se surpassait pour leur procurer médicaments et tests gratuits-, la recherche, les publications académiques et l’encadrement des doctorants. Ces activités, il les menait de front avec une production littéraire et artistique qui donnera quelques nouvelles dont une primée à l’internationale, un recueil d’épitres sur la gouvernance récente du Mali, des scénarios de film, la conception et l’organisation du désormais illustre Festival des Masques de Markala et le chaperonnage des artistes, notamment musiciens portés sur la stylisation des airs du terroir. Comme si tout cela n’était pas déjà trop et peut-être au nom de la cohérence du combat, le brillant agrégé de chirurgie était également un redoutable activiste et dialecticien qui fut de la lutte clandestine -cadre du Parti Malien du Travail alors qu’il était encore étudiant-. Il côtoiera pratiquement toute l’élite qui prit les rênes du pays en 1992 dont Abdramane Baba Touré, Ali Nouhoun Diallo et Alpha Oumar Konaré dont il fut le collaborateur à la Coopérative Jamana et plus tard le médecin personnel. C’est justement aux Echos d’alors qu’est révélé son talent de journaliste, plus précisément de pamphlétaire vigilant et vénéneux. Un intellectuel consommé donc mais auquel il faut rendre justice d’un sens pragmatique qui l’a amené à s’investir dans l’associatif.
De la toponymie au Samu municipal, de l’appui à décentralisation aux activités de protection culturelle, Diop était bien des chantiers. Bien entendu, il a souvent mal étreint d’avoir trop embrassé. Mais la somme de ses talents, ses traits de génie et son palmarès font de lui le meilleur d’entre nous. Ajoutons-y son grand cœur qui le rendait toujours disponible notamment pour les plus vulnérables, sa culture qui l’apprêtait à tous les débats, son humour et son sens de l’autodérision qui le singularisaient et enfin de son humilité désarmante et nous mesurons la profondeur du vide qu’il laisse. Quelle trahison, professeur mais en même temps quelle fierté tu nous a donné d’être de ton cercle, de tes amis, de ceux qui te pleurent aujourd’hui, le cœur lourd, leurs pensées envers la veuve méritante et les enfants sevrés. Pardonne-nous, nous t’avons pardonné et repose en paix, car tu mérites le repos que tu ne t’est jamais donné.
Adam Thiam
Le Républicain Mali 18/06/2012