IN MEMORIAM LAMINE TIECOURA COULIBALY (Journaliste-Réalisateur).

2 FEVRIER 1959 -23 AVRIL 2016.

LABEL D’HUMILITE.

CE 2 JUIN EST LE QUARANTIEME JOUR DU DECES DU FONDATEUR DE L’EMISSION «A L’ECOUTE DE L’ECOLE» DIFFUSEE SUR LA TELEVISION NATIONALE DEPUIS 2005. LAMINE TIECOURA COULIBALY NOUS A QUITTE LE 23 AVRIL 2016. BAMANAN BON TEINT, IL AVAIT VU LE JOUR LE 2 FEVRIER 1959 A SEGOU. PEDAGOGUE ET COMMUNICATEUR HORS PAIR, L’ANCIEN DE L’ENSUP DE BAMAKO ET DE L’UNIVERSITE CHEICK ANTA DIOP DE DAKAR A SERVI LE PAYS AVEC PATRIOTISME.

DES LIENS DE FRATERNITE ONT IMPREGNE LA RELATION PROFESSIONNELE AVEC LE COLLABORATEUR – DEVENU PROCHE – QU’IL S’ETAIT CHOISI.

MOÏSE TRAORE ECRIT AU «PROF» QUI SE PLAISAIT A RAPPELER LA MAXIME SELON QUOI «L’EDUCATION EST LA CLE DU DEVELOPPEMENT».

LETTRE AU PROFESSEUR.

Salamalékoun !

Mon cher ami, voilà seulement quarante jours que tu nous a quitté. Déjà nous sommes sur le point de t’oublier. J’en ai honte. Tu ne m’en voudras pas. Je connais ta tolérance légendaire. Tu m’as toujours fait comprendre que l’humain est généralement superficiel et rarement fidèle.

Gros bamanan que tu es – je plaisante – même si nous le voulions nous ne pourrons t’oublier. Autant tu as été fort de caractère, autant tu as baigné dans des particularités. Alors monsieur le puriste, on a souvent échangé autour de cette assertion : «on n’enseigne pas seulement ce qu’on sait, on enseigne aussi qui on est». Comme pour souligner l’exemplarité qui doit entourer le vécu du formateur. Bon sang ne saurait mentir. Fils d’instituteur des années 50 (Tiécoura Coulibaly notre défunt père a initié l’école fondamentale de Hamdallaye -Ségou en 1958).

Ségou qui t’as vu naître, cité à laquelle tu es resté très attaché. Enfant du terroir, en gardant les pieds dans les traditions (un proverbe par-ci, mille salutations par-là), tu as su maintenir la tête dans une modernité qui n’a pu te dominer ; «résistant» et conservateur à ta façon. Tu as été un communicateur intègre et un pédagogue de tous les instants, tant de l’avis de tes camarades de l’Ecole Normale Supérieure de Bamako (section histoire géographie dont tu obtins la maitrise le 19 juin 1985) , que du coté de ceux de ta promotion de l’université Cheick Anta Diop de Dakar (session 28 novembre 1994 ).

L’un des derniers intellectuels.

Armé des valeurs du pays profond tu as été un enseignant exemplaire, successivement au lycée Sankoré, au Centre de Formation Technique de Quinzanbougou (CFTQ) et au Centre des Techniciens du Mali (CTM).Tu m’as souvent dit que «Dakar était cher», c’est bien là- bas que tu as décroché ton diplôme de journaliste en radio après ton admission au concours d’entrée au Centre d’Etudes des Sciences et Techniques de l’Information (CESTI). Le journal «Le Républicain» – un des tout premiers organes privés de l’ère démocratique – fut le premier à accepter ta collaboration en 1995. Une année plus tard tu as opté pour la radio nationale. Depuis, à «Bozola» est établie ta réputation de bourreau du travail, d’investigateur, de documentariste et de documentaliste».

On peut donc après 21 ans de reportages et de débats, dont au moins cinq bénévolement, soutenir que l’unanimité se fait autour de ton désintéressement et de ton détachement des choses de la vie (dans une tribune publiée par le bi-hebdomadaire «Le Prétoire» numéro 503 du 28 avril 2016, notre confrère Ibrahim Maïga qui a fait ta connaissance en 1995 a l’entrée du journal «Le Républicain» témoigne : «L.t.c. qui vient de nous quitter était sans doute l’un des derniers intellectuels de notre profession». Eh oui «Monsieur Trois-Poches» a toujours craché sur l’argent pour aller à la quête de la connaissance, pour la partager. Oui tu n’as jamais été égoïste de culture, tu n’as jamais hésité a rectifier les propos de la personne interviewée si cette dernière n’est pas dans la syntaxe ou la grammaire convenables (j’en ai été toujours gêné mais c’est ta rigueur de pédagogue qui n’attend pas le montage pour redresser une phrase).

Tu percevais le medium comme un tableau noir, où la vérité doit restée scientifique. Tu as été un véritable gendarme de la langue française. Franchement bamanankè, ta correction plus qu’une leçon est un fardeau pour nous

(si l’on en croit Youssouf Doumbia du quotidien national «L’Essor» numéro 18164 du 27 avril 2016 page 7 : «….pour lui, la qualité du travail n’était pas négociable….. »). Pour ton collaborateur que j’ai été, tu as été un professeur au fait de l’administration scolaire et universitaire et fortement imprégné des règles pédagogiques. Tu as mis la barre trop haut (on t’admire mais avons-nous ambition de faire comme toi ? La charge me paraît encore plus lourde pour Yacouba notre garçon né le 22 octobre 2004).

Qui a ta force de caractère pour n’envier, ni jalouser personne ? Refuser des gratifications ou encore décliner le clin d’œil d’une adolescente ?

Grand Seigneur.

Miraculé survivant d’une mission du Ministère de l’Education Nationale revenant de Kayes en juillet 2009 le traumatisme que tu as enduré a été et physique et moral. En grand seigneur tu n’as pourtant ni plié l’échine ni passé le temps à la complainte ou à la récrimination. A la suite de l’accident de la circulation, l’ensemble des occupants du véhicule 4 x 4 (dont le preneur de son Adama Camara, le cadreur Sidi Yaya Haïdara, le chauffeur et le chef de mission) ont péri. L’appel du pays a été plus fort. Tu n’as jamais baissé les bras. Au magazine «A l’écoute de l’école», une des émissions les plus fournies et régulières de notre espace audiovisuel, tu ajoutes «Cahier d’hier» toujours avec la foi patriotique que le passé soudanais peut ragaillardir les nouvelles générations maliennes.

Sauf travail urgent, avec foi religieuse, tu as toujours consacré le vendredi à la prière, au recueillement et à l’envoi de vœux aux proches. Tu n’as pas été ’’ jeune’’ tant tu as été sage et sans rancune. Tous les jours on s’est disputé autour d’un article, mais tous les soirs tu m’as appelé. Ta quête permanente a été le savoir que détiennent les personnes âgées, les historiens, les griots et les archivistes que tu avais en grande estime. Sans les détester tu n’as jamais voulu courtiser ou même fréquenter l’homme politique pour des prébendes ou avantages quelconques.

Au membre du gouvernement qui a voulu t’avoir dans son cabinet tu demandes d’abord qu’elle est sa vision pour le dit département. Sans ironie tu as même demandé a un ministre qui te sollicita s’il pensait lui-même survivre a l’imminent remaniement d’alors (sincérité proche de la naïveté ?) : une franchise incompréhensible dans un monde à l’hypocrisie régnante. Quoi qu’il en soit pour être d’une modestie frisant l’abandon de soi, tu n’as jamais souhaité félicitations ou compliments.

Pourtant tu t’es très souvent déplacé jusqu’à des salles de rédactions ou pris ton téléphone pour saluer la pertinence ou la justesse d’un article ou d’une émission. Bien qu’une autre de tes particularités était d’obliger les autres à économiser en crédit téléphonique (toujours le premier à raccrocher même quand c’est l’autre qui appelle).

Il est de coutume chez nous de dire que ‘’le défunt a trahi ses proches’’, pour une fois c’est le contraire. Tu as largement honoré ta part de contrat de sociabilité. Nous te sommes redevables. Comme notre ainé Moustaph aime bien a le rappeler «la vie ressemble a un conte : ce qui importe ce n’est pas sa longueur mais sa valeur». Tes 57 ans ont été un vécu utile. Bien que tu n’aies jamais voulu occuper la scène publique – même si notre profession t’en offrait quotidiennement l’opportunité – tu es resté modeste et courtois et sans artifice, je m’en arrête là …., parce que tu ne souffres pas qu’on te complimente. Parce que la droiture est payée dans l’au- delà, tu auras les mains remplies d’or, de livres, de tô et de dougoubatiga.

Merci pour ta générosité, repos eternel pour toi et tous nos morts.

Ton ami et frère Moïse Traoré (Ortm).