Les interviews accordées par le président du Haut Conseil islamique à l’Ortm, après sa mission au nord Mali, et à Rfi suffisent pour s’en rendre compte. Des questions lui étaient posées de savoir s’il accepterait d’entrer dans le gouvernement (question de l’Ortm) ou d’occuper le poste de deuxième Vice-président du Haut Conseil d’Etat. Pour l’Imam Dicko, être président du Haut conseil islamique du Mali est un rôle qui lui suffit, mais « si c’est le peuple malien qui me demande de faire quelque chose, je ne peux rien refuser à ce peuple ».
L’organisation aussi importante qu’est le Haut conseil islamique pour tous les Maliens, doit-elle se positionner politiquement ? Pour l’Imam Dicko, il ne s’agit pas d’un positionnement politique, mais par rapport aux intérêts de notre pays. « Nous sommes dans un pays à 95 % musulman, la structure qui représente la totalité de ces musulmans est dirigée par nous », selon lui. Cependant, n’est-ce pas justement pour ces raisons que le religieux qu’il est ne doit pas être dans la mêlée ? Il doit être au dessus de la mêlée. Le pays est musulman à plus de 95 % et traversé par différentes opinions politiques.
Il serait bon que le président du Haut Conseil islamique reste en dehors du champ politique, mais l’Imam Dicko semble en avoir envie et ne s’en cache plus. Certaines décisions seraient prises sans s’en référer à ses collègues du Haut Conseil islamique. Par exemple, il a fallu qu’il se déplace chez Ousmane Chérif Haïdara, dans la nuit du samedi au dimanche 12 août pour arrondir certains angles et l’amener à participer au meeting d’hier dimanche. Selon nos sources, Ousmane Chérif Haïdara aurait fermement déconseillé à l’imam Dicko, tout glissement sur le terrain politique, et c’est seulement à cette condition que Haïdara a concédé à venir au meeting.
Rappelez-vous, en 2002, le Haut Conseil islamique a amené les musulmans à suivre un homme politique, en l’occurrence Ibrahim Boubacar Kéita. Va-t-il rééditer la prise de position ? Le Haut Conseil islamique est tout de même l’organisation officielle des musulmans du Mali. S’il entre dans la politique, le président du Haut Conseil islamique fera prendre des risques à l’islam au Mali, à un moment où le pays est assailli de problèmes. Son engagement sur le champ politique ne fait pas l’unanimité dans la communauté musulmane. Beaucoup de musulmans et chefs religieux pensent que la religion en général, l’Islam en particulier, ne doit être dans la mêlée. Les effets néfastes d’un tel mélange sont visibles dans plusieurs pays.
L’exemple de l’Eglise L’exemple le plus récent est celui de Monseigneur Jean Zerbo, en mai dernier, lorsqu’il a été question de présider une ‘’convention nationale’’. Dans son infinie sagesse, le chef de l’Eglise a remis tout le monde à sa place, en rappelant la mission du berger qu’il est et qu’il ne peut pas descendre sur la scène politique pour présider ladite Convention.
Le communiqué produit à cet effet par l’Archevêque était clair : «… l’Eglise catholique n’est pas en reste dans la recherche de solution adéquate et durable. Elle agit depuis le début des douloureux événements en lien étroit avec l’ensemble des leaders religieux du Haut conseil islamique, de l’Eglise protestante et de distinguées notabilités. Toutes ses contributions s’inscrivent dans le cadre de cette Alliance sacrée des leaders religieux visant aujourd’hui à sauver notre pays et à contribuer à son épanouissement. C’est pourquoi l’archevêque de Bamako, Mgr Jean Zerbo, rappelle à l’opinion nationale et internationale qu’il ne s’inscrit dans aucune proposition ou démarche visant à lui attribuer l’exercice d’une quelconque responsabilité politique. Cette tâche revient à celles et ceux à qui elle est destinée en vue de la construction de la nation. La tâche pastorale que l’Eglise confie à l’évêque consiste, entre autres, à guider le peuple des croyants par la prédication de la parole de Dieu et la sanctification de ce peuple en vue de son salut. Dans l’accomplissement de cette mission, l’évêque doit se préoccuper du sort des hommes vivant sur le territoire qui lui est confié et œuvre pour leur bien-être dans l’entente, la sécurité et la paix. Mais il ne peut aucunement jouer le rôle qui revient aux hommes politiques à qui l’Eglise reconnaît la gestion des ‘’affaires de la cité’’… ». Nous publions en encadré l’intégralité de ce communiqué.
B. Daou
Le Republicain
(13 Août 2012)