Le 18 avril de chaque année, le Conseil International des Monuments et Sites (ICOMOS), célèbre la Journée internationale suivant un thème choisi.
Le thème retenu pour cette année 2021 est «Passés complexes, Futurs divers».
Ce thème choisi en fonction de l’actualité et notre passé récent, invite à s’interroger sur le rôle et la place des monuments et des sites dans la promotion de nouveaux discours, d’approches différentes et critiques des récits historiques existants, afin de rapprocher les points de vue de manière la plus inclusive et la plus diversifiée possibles.
C’est également l’occasion d’inciter les chercheurs, universitaires et étudiants à interroger l’histoire en exploitant davantage les différentes sources (écrites, orales, archéologiques, et autres) sur les faits historiques.
Ces dernières années des mouvements «populaires» d’ampleur internationale ont ébranlé notre planète.
Plusieurs de ces mouvements sont liés entre autres à la contestation des discours et de l’interprétation de l’histoire, au racisme et aux symboles et attributs de la colonisation, de l’esclavage et autres grands événements et pratiques ayant marqué l’humanité.
Ainsi des monuments érigés par des colonialistes, des esclavagistes, des oppresseurs et des racistes ont été vandalisés, détruits en plusieurs endroits de notre planète, en signe de protestation et de contestation de l’écriture et de l’interprétation de l’histoire.
Un de ces mouvements les plus connus est le «Black Lives Matter» déclenché aux USA suite à l’assassinat de l’Afro-américain Georges Floyd.
Ces mouvements RECLAMENT un changement dans la façon dont le patrimoine aborde spécifiquement les questions liées au racisme, au colonialisme, à l’esclavage et à l’oppression.
Il convient de rappeler que le continent africain a été ébranlé dans le courant du XIX° siècle par le phénomène de la colonisation et de la traite des esclaves.
Au Mali, la colonisation s’est manifestée par la destruction du système d’organisation qui garantissait la paix, la sécurité et la cohésion sociale, et l’éclaboussement des valeurs socioculturelles, occasionnant ainsi des traumatismes au sein des populations.
En revanche elle a créé des infrastructures dites de développement (écoles, routes, centres de santé…) et aussi des symboles idéologiques et religieux (monuments, églises…).
L’héritage colonial est donc perçu différemment par les Maliens dont la majorité estime que les infrastructures réalisées grâce à la force physique fournie par leurs grands-parents, méritent d’être préservées.
Par contre d’autres monuments tels que les statues d’explorateurs et des administrateurs coloniaux ont été déboulonnés dans l’euphorie de l’Indépendance.
Depuis quelques années, les symboles et vestiges de la colonisation sont perçus par certains jeunes (qui n’ont pas connu les affres de la colonisation) comme faisant partie de notre patrimoine historique, et qu’il conviendrait de les protéger.
La journée internationale des Monuments et des Sites de cette année 2021 est aussi une opportunité pour rappeler que des biens culturels ont été vandalisés, spoliés ou exportés pendant la période coloniale sur le continent africain et dans bien d’autres contrées vers les colonies.
C’est l’occasion de demander leur restitution et d’entamer le dialogue avec les anciens pays colonisateurs en vue d’éventuels dédommagements.
A travers la célébration de cette journée le dimanche 18 avril 2021, ICOMOS MALI entend également attirer l’attention des élus locaux, l’administration publique et les responsables des collectivités décentralisées sur les menaces sérieuses qui pèsent sur le patrimoine culturel malien en général et sur les monuments et sites en particulier.
Aujourd’hui, l’état de conservation et le mode de gestion de nos monuments et sites ne sont pas un modèle à cause des menaces et dommages d’origine naturelle et anthropique : intempéries, changement climatique, conflits armés, vandalisme, dégradations, destruction, pillage, fouilles clandestines, pression du développement urbain (spéculation foncière, urbanisation anarchique et vente illicite), insuffisance d’entretien.
Cette situation est devenue plus alarmante avec l’inscription de trois (Tombouctou, Tombeau des Askia et Villes aniciennes de Djenné) des quatre sites maliens sur la Liste du patrimoine mondial en péril et donc sous la menace constante de retrait définitif de la Liste.
Par ailleurs, l’état de conservation du site des Falaises de Bandiagara est plus que jamais préoccupante à cause de la présence des groupes armés terroristes et milices qui, en plus des attaques de villages qui occasionnent des pertes en vie humaine, détruisent des biens culturels matériels (greniers, cases de femmes menstrues, cases à palabre ou Toguna lieux de culte, objets culturels, etc.) et éléments du patrimoine culturel immatériel (célébrations agraires, pastorales et funéraires ; cérémonies rituelles ancestrales…).
ICOMOS MALI invite les autorités nationales, au premier chef le département chargé de la Culture, à entreprendre des actions énergiques coordonnées nécessaires en vue d’assurer la protection des communautés et du patrimoine du site des Falaises de Bandiagara.
Tous les efforts devront être déployés pour éviter l’inscription de ce site sur la Liste du patrimoine mondial en péril.
Malgré l’existence d’une batterie de textes législatifs et réglementaires nationaux et des Conventions culturelles de l’UNESCO ratifiées par le Mali, régissant la protection et la promotion du patrimoine culturel, la gestion des sites reste une préoccupation majeure.
Les services publics de l’Etat, les Collectivités territoriales et les communautés de site, n’observent toujours pas les textes législatifs et réglementaires régissant le secteur du patrimoine culturel national et le respect des Conventions culturelles de l’UNESCO ratifiées par le Mali.
Des mesures pratiques de diffusion et d’application stricte de ces textes doivent être prises pour la conservation durable de nos monuments et sites.
Pour ce faire ICOMOS MALI suggère la mise en place, à court terme, d’un cadre de concertation regroupant les représentants de l’administration d’Etat, des collectivités décentralisées, des communautés et de la société civile.
Ce cadre de concertation devra proposer des solutions concertées et réalisables en vue d’une meilleure conservation et sauvegarde de notre patrimoine culturel au profit des générations actuelles et futures.
Bamako, le 17 avril 2021
ICOMOS MALI
GROUPE DE REDACTION POUR ICOMOS MALI :
Mamadi DEMBELE
Sidi Lamine KONE
Lassana CISSE
Cheick Oumar Sangaré
Alpha DIOP