Dans un contexte aussi défavorable, certains des « amis politiques » ou proches collaborateurs du président de la République jettent de l’huile sur le feu par leurs maladresses, leur arrogance, leur amateurisme et leur zèle démesuré. Parmi ceux-là et au centre de ceux-ci, se trouve, malheureusement, son Premier ministre, Moussa Mara, pour avoir été le premier à faire « mentir » le chef de l’Etat sur le prix de l’avion présidentiel en le portant à 20 milliards de F CFA contre 17 précédemment annoncé par IBK.
IBK, est ainsi contraint de se démener comme un beau diable pour faire face, seul contre quasiment tous. Une situation aggravée par une communication que lui-même décrit comme « lamentable ». N’est-ce donc pas un combat perdu d’avance, si l’on se réfère à la chute drastique de sa cote de popularité au sein de l’opinion publique, notamment dans son propre camp ?
Appelé à la rescousse d’un régime en panne de compétences par un président de la République sérieusement affaibli et aux abois suite au jet d’éponge de son Premier ministre d’alors pour, dit-on des raisons de « dysfonctionnements graves dans la gestion de l’équipe gouvernementale », le duo, que devrait constituer l’équipe Ibrahim Boubacar Kéita et Moussa Mara a tendance à se transformer en un véritable duel au sommet de l’Etat. Ce qui serait incontestablement un record en la matière dans toute l’histoire du Mali, voire de l’humanité.
En effet, nommé il y a à peine un peu plus d’un mois (5 avril 2014) en remplacement d’Oumar Tatam Ly démissionnaire, Moussa Mara risque, à l’allure où il entame sa fonction, de vite se poser comme un obstacle majeur au succès du quinquennat du président Ibrahim Boubacar Keita.
Tant ses actes et propos tranchent avec l’image de collaborateur ou d’exécuteur zélé qu’il veut se donner à travers notamment ses diatribes et autres envolées lyriques devant les députés à l’Assemblée nationale lors de sa Déclaration de politique générale et ses justifications maladroites sur les réseaux sociaux au sujet de l’achat de l’avion présidentiel.
Aujourd’hui, il apparait de plus en plus évident qu’au lieu d’être un allié, un soutien et à la limite un paravent pour le pouvoir d’IBK, le Premier ministre, par ses déclarations à l’emporte-pièce et le discrédit que ses mensonges portent à l’image et à la crédibilité de l’Etat, est loin d’être l’homme qu’il aurait fallu à la Primature en un moment aussi délicat pour notre pays.
Les défis auxquels le Mali est confronté en cette année de 2014 sont nombreux, complexes, multiformes et multidimensionnels. Tout est aujourd’hui prioritaire au Mali. Mais la priorité absolue reste incontestablement la situation de l’intégrité du territoire et les questions sécuritaires y afférentes.
Si Ibrahim Boubacar Kéita a été élu sur la base d’un programme, les questions sécuritaires et la défense de l’intégrité du territoire y occupent une place de choix. Sur ce point, la situation demeure encore d’autant plus volatile que le scepticisme l’emporte aujourd’hui sur toute autre considération dans l’opinion nationale. La situation parait actuellement plus complexe et inextricable qu’elle ne l’était au moment de l’élection présidentielle en 2013.
Un flou magistral, délibérément orchestré par certains acteurs et non des moindres, persiste notamment dans la région de Kidal. Gao et Tombouctou sont régulièrement la cible d’attaques à la roquette par des djihadistes. La Minusma et l’Opération Serval font, certes, de leur mieux. Mais le rôle de ces partenaires de la communauté international n’est pas bien perçu dans l’imagerie populaire des Maliens. Ce qui entretient une impression de doute sur « leur volonté » à aller véritablement au dénouement de la crise dans le septentrion du pays.
L’incertitude devant cet imbroglio à Kidal aggrave les inquiétudes qui tiraillent de nos jours chaque Malien et chaque Malienne.
Face au problème du Nord, les autres préoccupations des populations sont de fait reléguées au second plan. Tant il urge de trouver une solution définitive et durable à la problématique de l’insécurité et de l’instabilité, en générale et dans la partie septentrionale du pays, en particulier.
A ce sujet, il est à craindre qu’à force d’attendre une hypothétique solution qui tarde, les populations ne tombent dans le piège de la lassitude, du désintérêt, du découragement et du fatalisme. Toute chose qui ferait le jeu des lobbies séparatistes, tant de l’intérieur (MNLA et consorts) que de l’extérieur (Dieu sait qu’il y en a et en nombre insoupçonné). Pour faire face à un tel risque, l’Etat se doit d’impulser une véritable dynamique nationale autour du sujet. Le plus tôt serait le mieux. Il y a lieu d’espérer que la récente désignation d’un Haut représentant du président de la République, chargé du dialogue inclusif entre tous les Maliens, en la personne de l’ancien Premier ministre Modibo Kéita, participe effectivement à enclencher cette dynamique. Pour l’instant en tout, beaucoup de questions demeurent sans réponses apparentes à ce sujet.
En sus de la question sécuritaire, d’autres problèmes sont en train de se greffer aux nombreuses difficultés liées aux conditions de vie auxquelles les populations avaient fini par s’habituer, si ce n’est la résignation. Il s’agit notamment des effets de la mauvaise gouvernance, des dilapidations des maigres ressources de l’Etat dans des dépenses ostentatoires et de prestige, selon la majorité des compatriotes, de la cherté de la vie, de la rareté de l’argent, de la chasse aux sorcières à outrance en cours actuellement au niveau de l’administration publique (cabinets, éducation, santé, etc.), le délestage sauvage qui se poursuit malgré les premières pluies de l’hivernage et qui annihile tous les efforts des entreprises dont l’activité dépend exclusivement de l’électricité, etc.
La DPG qui devrait apporter des éléments de réponse concrète à ces préoccupations selon un ordre de priorité bien établie, s’est avérée une véritable catastrophe, à cause de l’absence de clarté, de lisibilité, de vision et de chiffres devant accompagner ce qui est apparu aux yeux de nombre d’observateurs comme une simple litanie de belles intentions théoriques. Pis, confondant vitesse et précipitation, M. Mara a enfoncé le clou en perdant son sang-froid, sa sérénité et toute lucidité, lorsqu’il a cru pouvoir trouver son salut dans des attaques gratuites et grossières contre ses devanciers, dont IBK soi-même.
Au regard de son arrogance, de son amateurisme et surtout de son extrême zèle à continuer à mentir à l’opinion dans l’affaire de l’avion présidentiel, le Premier ministre se présente aujourd’hui comme le pire des occupants de cette noble fonction au Mali. Certes, IBK a des problèmes. D’ailleurs, comment aurait-il pu en être autrement dans un pays laminé par une si profonde crise ?
Mais, s’il ne prend pas garde, son Premier ministre risque d’accélérer son échec dans sa mission à la tête du pays. Ce qui serait très dommageable eu égard à l’extraordinaire mobilisation de la communauté internationale au chevet du Mali et les souffrances endurées ces dernières années par les populations maliennes du fait de la crise et de ses conséquences.
Pour ne pas conforter davantage ses détracteurs, il doit recadrer immédiatement son gouvernement, à commencer par son Premier ministre. Sinon, c’est lui qui en pâtira le premier et le pays ensuite.
Que Dieu assiste le Mali !
Bréhima Sidibé
L’ Indicateur Du Renouveau 2014-05-18 17:54:39