Dans l’interview ci-dessous, le président de la Convergence pour le développement du Mali (Codem), ancien ministre, Housseini Amion Guindo parle du report des législatives, sa participation au gouvernement et à la présidentielle de juillet dernier, la situation du parti et les perspectives politiques.
Indicateur du Renouveau : Les autorités sont en voie de reporter les élections législatives. Quelle analyse faites-vous de cela ?
Housseini Amion Guindo : Il y a près d’un mois, une correspondance du gouvernement adressée à la Cour constitutionnelle demandait non seulement le report et surtout la prorogation du mandat des députés jusqu’au juin 2019. La Cour constitutionnelle a exprimé dans un premier temps sa volonté de respecter le délai constitutionnel parce que dans la Constitution, rien ne prévoit une prorogation du mandat des députés. Alors le collège électoral a été convoqué, les partis politiques, dont la Codem, ont procédé par des primaires. Ce qui a abouti au choix de nos candidats. Nous avons ainsi procédé à l’établissement des listes, payé les cautions et déposé les listes.
A notre grande surprise, nous avons appris la nouvelle. Qu’après cette sollicitation du président de l’Assemblée nationale, la même Cour se dédise pour dire qu’il y a un cas de force majeure. Elle donne ainsi un avis favorable pour la prorogation du mandat des députes. Sincèrement, cette dichotomie au niveau des gardiens de notre Constitution, nous a sérieusement heurtés. Parce qu’il s’agit pour nous de la Constitution du Mali, acquise au prix du sang de nombreux sacrifices. Cette dichotomie n’a pas été de nature à rassurer. Nous nous sommes réunis au sein de notre ! bureau politique. Nous avons réfléchi sur la question et décidé librement de ne pas accepter la prorogation du mandat des députés conformément à ce qui est établi dans la Constitution. Un député est élu pour cinq ans, selon la Constitution. Pas pour cinq ans et 6 mois. Encore moins pour 6 ans. Donc, nous souhaitons que le gouvernement reste dans le délai constitutionnel.
Le report peut se faire si le gouvernement aujourd’hui est dans l’incapacité d’organiser les élections. Maintenant ce qui restera à faire, je pense que ce n’est pas au gouvernement de prolonger les mandats des députés, encore moins aux députés eux-mêmes de s’autosaisir pour proroger leurs propres mandats. Je pense que si on laisse les choses de ce genre, ça peut déboucher en réalité sur la dictature et même peut être le maintien des députés à vie.
IR : Est-ce que le gouvernement a la possibilité aujourd’hui d’organiser ces élections ? La question des réformes politiques en vue et l’application de l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger ne sont-ils pas valables ?
Housseini Amion Guindo : C’est ce que nous attendons de notre gouvernement : qu’il nous dise qu’il a été incapable d’organiser. Mais ce n’est pas ce que nous constatons. Je pense que les accords n’ont pas été signés aujourd’hui. Ils ont été signés en 2015 et leur application suit son cours. Ensuite, vous avez parlé des réformes administratives.
Pour moi, les réformes administratives n’ont pas commencé aujourd’hui et elles continueront. En aucun cas, ces réformes ne doivent prendre en otage notre Constitution. Alors que le gouvernement avait prévu les délais, convoqué le collège électoral sachant très bien qu’il y avait effectivement ces réformes en cours, sachant très bien qu’il y avait un accord à appliquer.
Je pense que c’est soit de l’improvisation, soit du tâtonnement ou de l’escroquerie organisée. Vous voyez que déjà, on avait convoqué le collège électoral à un certain moment pour les élections des conseils municipaux, qui ont été reportées. Jamais des cautions de nos candidats n’ont été remboursées.
Le Trésor a gardé ces sous. Ensuite, il y a eu la convocation du collège électoral, pour les élections des cercles et les élections régionales. Alors qu’est-ce que nous avons constaté, nos candidats ont déposé leurs sous sur toute l’étendue du territoire. Les cautions sont gardées au Trésor, ensuite les élections ont été reportées. Et cette fois-ci c’est la même chose. 6000 Maliens ont déposé leurs candidatures. Et chacun a payé bien attendu 50 000 F CFA.
Par la suite le gouvernement annonce que ce n’est pas possible d’organiser. Je pense qu’il y a de tâtonnement, pis une volonté manifeste d’escroquer les populations. Nous pensons que c’est ne pas au gouvernement de proroger les mandats des députés parce que le rôle du députe même c’est de contrôler le gouvernement. Supposez que le gouvernement se mette à proroger. Il se met dans ce cas à la place du peuple pour proroger les mandats des députés. Mais est-ce que ce député pourra-t-il encore contrôler ce gouvernement ?
La Cour constitutionnelle n’est pas la Constitution. Elle est gardienne de la Constitution. Est-ce que c’est à la Cour constitutionnelle de se substituer au peuple de proroger les mandats des députés ?
Je pense que ça peut se faire dans le cadre d’un consensus politique ? Pas forcément pour proroger des mandats, mais trouver en tout cas un mécanisme face à l’incapacité du gouvernement de le faire, trouver un mécanisme consensuel pour conduire notre pays. Nous sommes contre cette coalition de l’exécutif, de législatif, de la Cour constitutionnelle, contre la Constitution.
Nous nous opposerons à la volonté du gouvernement. Rassurez-vous ce n’est pas des opposants primaires qui vous parlent. Nous avons soutenu au second tour quand il s’est agi d’aller au second tour pour tenter de jouer à l’apaisement nous avons soutenu le candidat Ibrahim Boubacar Keita au second tour. J’étais ministre de l’Education nationale, puis ministre des Sports. J’ai quitté de mon propre chef. Donc, c’est parce que tout simplement nous ne sommes pas dans ce gouvernement que nous parlons mais, nous parlons parce qu’il s’agit de notre avenir. Nous n’avons rien d’autre que ce pays. Il s’agit de sauver l’avenir. Il s’agit de sauver nos lois, de défendre notre Constitution.
IR : Avec votre slogan faisons la politique autrement, est-ce vous êtes compris par les Maliens ? Parce que votre score à la présidentielle n’est pas honorable ?
Housseini Amion Guindo : J’ai quitté le gouvernement à 6 semaines des élections présidentielles. Notre conférence nationale s’est tenue à 5 semaines des échéances. Et les 5 semaines n’ont pas suffi pour nous d’abord à régler les questions de parrainage, ensuite de nous organiser pour faire face à la campagne. C’est pourquoi personnellement, je n’ai pas pendant toute la compagne, quitté Bamako. Nous n’avons fait campagne, nulle part au Mali. Je n’ai été dans aucune circonscription au Mali pour demander à voter pour moi, encore moins de s’adresser aux populations. C’est une participation de principe. Et nous avons été à ces élections, nous avons été un vote militant. Un vote militant qui nous a classés 5e sur 24 candidats.
Le taux de participation aussi n’était pas le même qu’en 2013. Nous avons eu 3,90 %, environ 4 %. Avec un taux de participation qui est diffèrent de 2013. Quand vous prenez le taux de participation de 2013 et le taux de participation de 2018 notre score reflète exactement ce que nous avions eu en battant 2013. Nous avons eu sans battre campagne ce qui nous avions en 2013 après avoir parcouru tout le Mali. C’est pourquoi nous pensons que nos voix sont pas des voix achetées, ne sont pas des voix trompées, pendant une compagne mais vraiment un vote des militants. Ça nous conforte.
On ne part pas à toutes les élections pour gagner mais le jeu démocratique veut que l’élection présidentielle soit une occasion pour que chaque parti politique présente au peule son programme, sa vison de son pays. Et ce qui nous a motivés, c’est la mobilisation pour cette élection présidentielle.
IR : Avec 3,90 % vous n’êtes pas désavoué ?
Housseini Amion Guindo : Les gens peuvent dire ce qu’ils pensent mais le plus important, c’est les résultats des élections. Nous avons été 5e sur 24 candidats et les 4 qui nous devançaient venaient de fortes coalitions des partis politiques. Notre 5e place a été sans campagne.
Lors des élections communales, nous sommes venus 4e après le RPM, l’Adéma et l’URD, avec plus de 700 conseils. Je pense que c’est vraiment honorable. En 2013, nous avons eu 5 députés. A la veille de l’élection présidentielle, deux sont partis. Il y a d’autres députés qui nous ont rejoints. Mais le plus important pour nous aujourd’hui ce que le mandant des députés arrive à terme le 31 décembre.
Je vous avoue que le parti Codem se porte encore très bien. Parce que tout simplement, les résultats au niveau national nous confortent. Pratiquement dans toutes les régions, nous avons été 3e.
IR : Est-ce que les départs de l’honorable Hadi Niangadou et Boulkassoum Touré n’ont pas quelque dépouillé la Codem ?
Housseini Amion Guindo : Je ne pense pas que notre parti soit dépouillé. Rassurez-vous ! Un parti, c’est ça ! Comme un train. Le parti se porte très bien et la majorité présidentielle pour nous ne peut pas être une camisole de force en ce sens ça ne nous interdit pas de dire ce que nous pensons de notre pays. La majorité nous est chère mais le Mali nous l’est encore davantage. Et par rapport à cette question de législatives nous nous démarquons totalement de cette majorité présidentielle et dans les jours avenirs des réflexions seront poussées dans le parti, pour revoir notre participation, notre accompagnement même à cette majorité présidentielle. Les débats sont déjà engagés en notre sein et vous pouvez être sûr d’une chose que la Codem a toujours été un parti qui a défendu ses opinions contre vents et marées. Rassurez-vous que le parti n’a pas été dépouillé de ses membres parce que tout simplement comme avant d’aller à l’élection présidentielle, il a été dit que notre parti avait disparu. Pourtant nous avons été à l’élection. Si nous n’avions pas participé aux élections, je n’aurais aucun argument pour vous dire le parti Codem existe. Cette année, nous sommes dans la région de Gao, Tombouctou alors qu’en 2013, ce n’était que Mopti et Sikasso essentiellement. En plus des cercles comme Kéniéba, Kolokani, Koulikoro.
La Codem s’est renforcée, contrairement au cliché. Moi je préfère qu’on aille objectivement sur les réalités que d’aller sur la fiction en se focalisant sur les départs. Nous avons des adhésions des maires.
Je suis serein parce que tout simplement l’idéologie politique est bien ancrée. Donc notre ambition reste ainsi que le combat. Nous continuerons.
IR : Ministre des Sports, ministre de l’Education nationale…qu’est-ce vous avez obtenu et changé pour le progrès ?
Housseini Amion Guindo : J’ai été dans le gouvernement pendant 4 ans et pendant ces années, j’ai défendu le Mali. J’ai accepté. Vous savez bien qu’avant d’être ministre je proposais des ministres pour le gouvernement. Depuis 11 ans, la Codem participe au gouvernement. La Codem a participé à beaucoup de gouvernements sur proposition de notre bureau national.
Quand on nous a proposé le ministère des Sports les membres du parti ont estimé que j’étais le profil idéal. Ayant été le vice-président de la Fémafoot, le président d’un club de football, ils ont émis le souhait pour une question de couronnement d’une carrière d’aller en mission au nom du parti et pour le Mali. Et rassurez-vous c’est n’était pas de l’aumône parce qu’en 2013, au second tour nous avons signé une alliance avec le président qui a été élu pour ensemble prendre le pouvoir. Et c’est dans ce cadre que nous nous sommes retrouvés dans la gestion du pouvoir.
Ma mission partout où je suis passé a consisté à défendre l’intérêt général. Je ne me suis jamais occupé d’un quelconque intérêt personnel. Je prends un exemple, personne n’a durant les 4 années vu le ministre Housseini Amion Guindo dans une affaire de marché. C’est-à-dire la gestion de la chose publique.
Partout que ce soit aux Sport ou à l’Education, je me suis battu pour la bonne gouvernance. Je pense que ce n’est pas donné à tout le monde. J’ai quitté parce que tout simplement à un certain moment j’ai estimé que d’abord je n’étais pas a mesuré d’accomplir la mission telle que je la voulais, mais aussi sortir pour répondre à l’appel de mon parti. Donc voici un peu les deux situations dans lesquelles je me suis retrouvé pour quitter le gouvernement et aller aux élections.
IR : Quelles sont les perspectives aujourd’hui au niveau de la Codem ?
Housseini Amion Guindo : Quand j’ai quitté le gouvernement, beaucoup de journalistes m’ont posé la question de savoir pourquoi j’avais quitté ? J’ai répondu simplement que j’ai quitté le gouvernement pour m’occuper de mon parti. Et vous le saviez parfaitement en son temps le parti était dans une situation dangereuse. Parce qu’il avait beaucoup de bruits autour. Aujourd’hui fort heureusement nous n’entendons plus ces bruits. Et nous avons été à élection présidentielle. Nous sommes sortis du confort du gouvernement pour nous mettre à la disposition de notre parti. Et je pense que cela a contribué à calmer les ardeurs au niveau du parti, et depuis que nous avons quitté, au quotidien sommes en train de travailler effectivement pour l’enraciner davantage. Les résultats sont là. Notre parti s’est développé entre 2008-2012.Ce n’est ne pas par opportunisme que les gens sont venus dans le parti. Les gens sont venus au parti pour nos idées. Parce que de 2008 à 2012, c’est n’était pas un parti de gouvernement. A partir de 2013 jusqu’à 2018, il a effectivement connu une sorte de stagnation parce que tout simplement cet esprit que nous avez guidé depuis 2008 en réalité avait pris un peu de coup. Mais cette année à partir de notre démarcation de cet état de fait, je pense que le pari continue à se construire et nous sommes convaincus que la Codem reste une force avec laquelle il faut compter.
IR : Serait-on surpris de voir la Codem dans l’opposition dans les prochains jours ?
Housseini Amion Guindo : Vous savez aujourd’hui le combat que nous menons n’est pas un combat pour ou contre quelqu’un. C’est un combat pour notre avenir. Nous ne connaissons que le Mali. Nous n’avons rien d’autre que ce Mali. Notre destin c’est le Mali. J’ai été député élu à Sikasso pendant deux législatures, mais je suis originaire de la région de Mopti. Donc au moment venu, le parti fera lecture de la situation pour décider d’une nouvelle position.
Propos recueillis par Bréhima Sogoba