Housseini Amion Guindo, ministre des Sports : «Ma vision pour le sport malien»

 

Nommé en mars 2014 à la tête du département des Sports, Housséini Amion Guindo s’est déjà mis à la tâche en s’attelant aux grands dossiers de l’heure.


Entre autres, l’instauration d’un cadre juridique pour le sport malien, l’institutionnalisation d’un fonds d’appui pour les anciennes gloires, l’entretien et la réhabilitation des infrastructures sportives, les préparatifs des éliminatoires de la CAN Maroc 2015… En toute décontraction, le ministre Guindo répond sans détour à nos questions !

Vous êtes arrivé aux affaires il y a juste quelques mois, quels sont vos grands chantiers ?

Merci monsieur ! Je ne pense pas avoir un chantier personnel. J’ai plutôt un chantier de la République du Mali. Le plus gros chantier que nous avons est de doter le Mali d’une politique nationale de promotion et de développement de sport. Vous savez de l’indépendance à nos jours, ce n’est qu’un décret qui régit le sport. Il n’y a pas de loi. Or, le sport est un droit universel qu’il faut aujourd’hui consacrer avec une politique nationale de développement et de promotion pour doter le pays d’une vision pluriannuelle,quitter l’improvisation, avoir une vision sur plusieurs années traduite en loi pour garantir ce droit qui est à mon avis universel. C’est cela notre premier chantier. D’ailleurs, dans la semaine à venir, les concertations régionales vont commencer. Tous les acteurs sportifs seront écoutés et nous aurons une vision commune. C’est cette vision commune qui sera traduite en loi qui va désormais régir le sport au Mali.

Nous avons également un autre chantier qui est d’instituer le mérite sportif. Vous conviendrez avec moi que dans n’importe quelle activité ceux qui excellent ont droit à un mérite national. Malheureusement tel n’est pas le cas dans le domaine sportif. Donc, il s’agit aujourd’hui pour nous d’instituer une médaille de mérite sportif pour que ceux qui méritent de la nation en soient bénéficiaires. C’est un dossier que nous allons présenter en Conseil des Ministres ensuite à l’Assemblée nationale pour en faire une loi.

Un autre projet qui nous tient à cœur est la mise en place d’une agence nationale de développement du sport qui sera une agence dotée de moyens capables de financer toutes les activités sportives. Je pense que dans les mois à venir, cette agence fera le jour.

Avez-vous une feuille de route à court, moyen, long termes pour la pratique et la promotion sportives ?

Vous savez, la pratique sportive c’est sur le terrain, sur le papier, c’est sur l’encadrement. En un mot c’est multidimensionnel. Je prends un exemple. Vous n’êtes pas sans savoir que dans peu de temps notre pays va entrer en compétition dans le cadre des éliminatoires de la Can Maroc 2015. Nous nous sommes dit qu’il est important, si l’on veut exiger des résultats des sportifs, que le Gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour mettre les sportifs dans les meilleures conditions. C’est ce rôle qui revient au Gouvernement. Et il compte jouer tout son rôle. C’est la raison pour laquelle nous avons fait en sorte que Kabala qui sert de lieu d’hébergement de cette élite, soit réhabilité et placé au standard idoine pour bien accueillir nos sportifs dans des bonnes conditions de restauration et d’entraînement. Nous sommes également en train de revoir les primes à la hausse. Il y a un arrêté interministériel en cours qui ne concerne pas seulement le football, mais toutes les disciplines sportives pour revaloriser les primes des méritants. C’est dire que nous avons beaucoup de chantiers.

Les éliminatoires de la Can Maroc 2015 commencent en septembre avec des dates très serrées et vous semblez y penser déjà. Est-ce un objectif primordial pour vous ?

Bien sûr, c’est un objectif primordial. La Can est l’activité sportive la plus populaire en Afrique. Elle reste aussi l’activité la plus populaire au niveau de nos Etats. Nous sommes en train de prendre toutes les dispositions que ça soit au niveau de l’accueil, l’hébergement ou primes… pour éviter que les joueurs soient handicapés par certaines lourdeurs. Comme vous l’avez dit, nous jouerons le premier match ici le 4´septembre. Cinq jours après, nous sommes en Algérie et de l’Algérie, les joueurs doivent rejoindre leurs clubs respectifs. Donc il sera important nous de prendre toutes les dispositions même s’il faut prendre un vol spécial pour éviter des désagréments. Nous pensons déjà à tout cela pour que l’équipe puisse faire face à ces défis.

C’est vrai que le football est le sport roi au Mali. Est-ce que vous avez un regard particulier sur les autres disciplines ?

Pour nous toutes les disciplines se valent. C’est vrai qu’il y a des disciplines plus populaires que d’autres. Mais à notre point de vue, toutes les disciplines se valent. La preuve, nous avons dans un premier temps œuvré à ce que chaque Fédération puisse avoir son siège. Il y avait des Fédérations qui en avaient tout simple parce qu’elles sont plus nanties. Nous avons œuvré à ce qu’elles puissent en avoir toutes. Nous avons reçu toutes les Fédérations pour écouter leurs préoccupations et pour aussi voir dans quelles mesures les accompagner. Donc c’est dire que toutes les disciplines se valent aux yeux du département des sports.

On se rend compte que les anciennes gloires, après leur épopée vivent dans la précarité, la galère… Est-ce que vous avez pris des mesures pour les accompagner, soutenir après leur carrière ? Il se murmure qu’un fonds d’appui est en train d’être négocié entre vous département des sports et la présidence de la République. Qu’en est-il réellement ?

Vous savez, avant d’être au niveau de ce département, j’étais de l’autre côté. Le côté le plus difficile soutenir le sport à la base. Et le monde sportif, c’est mon milieu. Donc j’ai conscience des difficultés par nos anciennes gloires au quotidien. C’est pourquoi le Gouvernement de la République du Mali, pour changer un peu cette tendance, avec l’accompagnement du président de la République a décidé de mettre en place un fonds de soutien pour les anciennes gloires. Ce fonds de soutien contient deux rubriques. La première concerne le troisième âge. Comme vous le savez, le sport a des pathologies et le sportif également en prenant de l’âge développe certaines pathologies qui sont connues. Compte tenu de tout cela et des sacrifices qu’ils ont consentis pour le pays, on s’est dit qu’il est important de les assurer, de leur donner une assurance leur permettant de se prendre en charge au point de vue médical. Que ça soit au niveau national ou d’une évacuation à l’étranger.

Le second volet du financement est relatif au second âge. Vous le savez très bien aussi que l’élite que nous avons ici n’est pas passée par des écoles comme on le voit ailleurs. Son don est tout simplement naturel. Nos sportifs ne sont pas forcément des gens qui ont d’autres formations que leur talent sportif. Donc il s’agira de les aider pour faciliter leur reconversion et de bien gagner leur vie. Car pour qui veut aujourd’hui que la jeune génération mouille le maillot pour le pays doit d’abord réhabiliter ceux qui l’ont fait par le passé. Le lancement de ce fonds a eu lieu en présence du président de la République et de celles des anciennes gloires. Et les anciennes gloires sont nombreuses. Il y a celles qui vivent, celles qui ne sont plus de ce monde. Mais cette reconnaissance va l’endroit de tout le monde. Que ça soit pour ceux qui vivent ou à titre posthume pour ceux qui ne sont plus de ce monde.

Est-ce qu’il y a un montant ? Et comment sera faite la répartition ?

La meilleure façon d’atteindre les objectifs en la matière est de faire le travail de façon collégiale. Nous avons estimé que le département est politique, technique qui ne peut que mettre ce fonds à leur (les anciennes gloires) disposition. Maintenant il s’agira d’abord pour la sélection de passer par les Fédérations. Car les Fédérations constituent la mémoire des disciplines. Nous ne saurons nous substituer une Fédération pour dire que c’est untel ou untel qui mérite le fonds d’appui. Ce sont les Fédérations qui vont nous désigner les méritants sur la base des fonds que nous avons et sur le nombre qu’on peut prendre en charge. Mais le nombre n’est pas figé. Cette année, on peut être à 500 mais pour les années à venir on peut aller au-delà. Puisque le Gouvernement nous incite à aller dans le cadre du partenariat public-privé. Et dans le cadre de ce partenariat, nous allons mener des démarches pour soutenir ce fonds pour que son éventail puisse s’élargir et permettre une prise en charge plus large. Ça ne sera pas chose facile. Puisque de l’indépendance à nos jours, même avant l’indépendance, nous savons que des gens ont fait honneur à ce pays. Donc il sera difficile en un an de faire la prise en charge de tout le monde. Mais nous allons essayer de tout mettre en œuvre et toutes les bonnes volontés dans ce sens pour soutenir ce fonds et que l’éventail soit encore plus large.

Comment se fera la sélection des anciennes gloires méritantes ?

Les critères sont très importants et ils ont été définis par les Fédérations elles-mêmes. En relation avec la direction nationale des sports, toutes les disciplines se sont retrouvées et dégager de façon consensuelle ces critères. Il ne s’agit pas d’avoir joué, pédalé ou couru, mais il faut mériter pour être récompensé. Et toutes les disciplines seront considérées sans exception. C’est vrai que nous avons de nouvelles disciplines qui n’ont pas connu forcément d’anciennes gloires. Mais on s’inscrit dans la durée car ce fonds n’est pas destiné pour aujourd’hui seulement. Ce fonds sera institutionnalisé pour que 10 ans après, 20, 30 à 40 après, ceux qui font marquer l’histoire de leurs nouvelles disciplines puissent bénéficier de cette reconnaissance.

Parlons à présent des infrastructures. A l’occasion de la Can Mali 2002, le pays a bénéficié de beaucoup d’infrastructures sportives. Quel est l’état des lieux de ces joyaux ? Est-ce que vous envisagez déjà une sorte d’élargissement sur l’ensemble du territoire national ?

Notre pays dispose de beaucoup d’infrastructures. Et il n’a rien à envier en la matière aux pays de la sous-région voire aux pays africains en général. Il s’agit là de féliciter les Gouvernements qui se sont succédé pour ce travail important. Mais aujourd’hui un sérieux problème se pose : l’entretien de ces infrastructures qui est très couteux. Nous sommes en train de réfléchir, cela fait partie de nos projets, à comment gérer de façon idoine ces infrastructures et comment les rentabiliser ? C’est pourquoi au niveau du département on est en train de réfléchir à commencer créer une nouvelle direction nationale d’infrastructures qui aura comme tâche de réfléchir aux voies et moyens et de les mettre en œuvre pour non seulement rentabiliser nos infrastructures sportives, mais aussi pour bien les entretenir. Car avec le système actuel, je pense qu’on pourra difficilement préserver nos infrastructures. On envisage également au changement du mode de gestion pour permettre une bonne prise en charge de ces biens publics qui ont couté des milliards au peuple malien. Par ailleurs ça se fait et je pense qu’ici aussi ça pourra se faire.

Mais il y a également une disparité régionale. Sur nos 8 Régions, en plus du District de Bamako, 4 sont déjà dotées d’infrastructures de haut standing : Kayes, Sikasso, Ségou et Mopti. Des efforts seront faits pour que cela soit étendu sur les autres Régions. Comme vous l’avez pu constater dans la Déclaration de politique du Gouvernement, il s’agit cette fois-ci de créer, au niveau des Cercles et Communes, des infrastructures sportives, amener ces infrastructures à la base. Nous travaillons dans ce sens. Un Etat ne pouvant pas tout prendre seul en charge. Nous sommes en train de travailler dans le cadre du partenariat public-privé. Nous avons des investisseurs qui sont aujourd’hui à réaliser des infrastructures. Et si ces infrastructures sont rentabilisées, elles pourront elles-mêmes rembourser ces investissements. Raison pour laquelle nous réfléchissons à aller même au niveau de nos écoles. Surtout que bientôt, pour la première fois, une Fédération nationale de sport scolaire et universitaire verra le jour. Ça sera fait à Sikasso. C’est vrai que jusque là le sport scolaire et universitaire était un peu du domaine de l’éducation, mais nous nous disons que ça doit être la sève nourricière de l’élite nationale. Aussi des investissements seront faits au niveau scolaire et universitaire pour permettre la bonne pratique du sport et qu’on puisse déjà à ce niveau identifier ceux qui peuvent renforcer le dispositif que nous avons au niveau national.

En conclusion, quel message avez-vous à lancer ?

C’est celui de l’apaisement. Vous savez, le sport a besoin de paix, de calme. Sans apaisement au niveau de nos Fédérations, au niveau de nos Etats, je pense que la pratique sportive sera quelque part compromise. Nous savons tous que le sport a besoin de paix. Ce qui se passe à Kidal où les enfants sont plus en contact avec les balles de fusil que le ballon n’est pas à souhaiter. Donc utilisons ce sport pour l’unité puisque dans une équipe il n’y a pas question de Blanc, Noir ou autre. Chacun se bat pour l’autre, tout le monde se bat pour l’équipe. Donc avec cet esprit sportif essayons de ramener la paix dans notre pays, dans nos Fédérations, en Afrique. Je pense que c’est vraiment très important.

Par B. Cissouma et Alassane Cissouma

SOURCE: Match  du   30 juil 2014.