«Le fleuve Niger se meurt progressivement à cause de nos folles aventures d’épanouissement individuel»
La cérémonie officielle de lancement de la 20e édition de la «Quinzaine de l’Environnement» a eu lieu le lundi 10 juin 2019 en présence du Premier ministre Dr Boubou Cissé. C’était au Palais de la Culture Amadou Hampâté Bah, en face de la rive droite du fleuve Niger plus que jamais menacé par la pollution de ses eaux, l’ensablement et les conséquences du réchauffement climatique.
Une campagne nationale de communication pour le changement de comportements sur la protection de l’environnement et l’amélioration du cadre de vie, aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural, dans notre pays ! C’est qu’est devenue aujourd’hui la «Quinzaine de l’Environnement» avec cette 20e édition. Après les étapes délocalisées à Ségou en 2014, Sikasso en 2015, Kayes en 2016, Mopti en 2017 et Koulikoro en 2018, la Quinzaine est de retour pour son lancement officiel et avec le même objectif : inciter les populations à s’intéresser aux défis et enjeux environnementaux !
Et pour le ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable, Housseini Amion Guindo, au-delà de cet événement, «notre ambition est de pérenniser cette campagne de communication et de sensibilisation dans le seul but de faire du civisme environnemental une réalité dans l’esprit de tout un chacun». Et cela d’autant plus qu’aucune «amélioration du cadre de vie n’est possible sans les populations».
Il a rappelé que, pendant ses 15 jours, il s’agira de «susciter le changement de comportement chez ces mêmes populations afin qu’elles s’approprient les questions d’environnement et d’assainissement».
Le ministre Guindo a profité de l’occasion pour présenter au Premier ministre et aux partenaires la toute nouvelle «Brigade Verte» constituée de jeunes volontaires. Une organisation qui représente désormais «l’épine dorsale» de la politique nationale en matière de sensibilisation sur les questions environnementales et de salubrité. «Ces femmes et hommes sont les nouveaux soldats de notre cadre vie. Volontaire dans l’action contre certaines pratiques, la brigade veillera, sensibilisera et agira pour circonscrire certaines menaces de concert avec les services techniques du département», a assuré le ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable.
Cette année, les organisateurs de la quinzaine comptent mobiliser autour de deux thèmes. Il s’agit de «la pollution de l’air», pour la journée mondiale de l’Environnement, qui, a été lancée le 05 juin passé ; et «25 ans, cultivons l’avenir ensemble», pour la journée internationale de lutte contre la désertification qui sera célébrée le 17 juin comme les autres années.
Il s’agit d’une thématique qui interpelle sur les défis contemporains auxquels nous devons faire face pour protéger notre environnement. «Ces thèmes nous interpellent, au fond de notre subjectivité, pour nous inciter à avoir une idée concrète sur notre vécu», a souligné Poulô à la cérémonie de lancement.
Bamako suffoque et le Djoliba se meurt
«Nous sommes conscients que la pollution de l’air est aujourd’hui une problématique réelle dans vos villes et nos campagnes. Nous voulons évoquer ici la contamination de l’environnement et de notre milieu de vie par des agents chimiques, physiques ou biologiques qui modifient les caractéristiques naturelles de l’atmosphère», a-t-il ajouté. Selon le ministre Guindo, l’usage excessif de combustibles ligneux et fossiles au sein des foyers, les moyens de transport motorisés, les établissements industriels et les feux de forêt sont «des sources majeures de pollution atmosphérique». Et les polluants les plus nocifs pour la santé publique sont notamment les matières particulaires le monoxyde de carbone, l’ozone, le dioxyde d’azote et le dioxyde de soufre.
«Même si le Mali est considéré comme puits de carbone, les conclusions de notre Rapport sur l’Etat de l’Environnement indiquent que nos émissions de gaz à effet de serre impactent le climat dans son ensemble et que la pollution atmosphérique affecte l’état de santé de nos populations, en terme de maladies liées à la qualité de l’air, notamment de bronchite, d’infections respiratoires aiguës, d’hypertension artérielle, et même de problèmes de mémoire», a indiqué Housseini Amion Guindo. Et cela en renvoyant l’assistance au sombre tableau aujourd’hui de Bamako. Une capitale logée dans la cuvette du fleuve Niger, mais qui ne «respire pas» et qui, «suffoque à certaines heures de la journée à cause de nos modes de production et de consommation».
Pis, «mère nourricière de notre pays», le Djoliba est en péril presque dans l’indifférence générale. «Le fleuve Niger se meurt progressivement, sous nos yeux, sous le coup du climat certes, mais aussi surtout à cause de nos folles aventures d’épanouissement individuel. Il se meurt au jour le jour, on assiste presque impuissant, à son envasement par les sables et à son envahissement par les plantes aquatiques nuisibles, aux déversements d’effluents industriels et domestiques, aux effets néfastes des exploitations minières par dragues», a déploré Poulô
Selon son diagnostic, le Niger est confronté à deux défis majeurs que sont le changement climatique et la croissance démographique. Deux facteurs qui sont «les redoutables sources de dégradation de la qualité des eaux, de diminution des ressources et d’agressions de l’environnement fluvial».
Malgré tout, le fleuve Niger et son bassin versant font vivre environ 85 % de la population malienne. Et ce cours d’eau reste la principale source d’approvisionnement en eau potable pour environ les 2.000.000 d’habitants de Bamako. Tout comme pour nos autres concitoyens des autres régions riveraines voire des autres pays riverains.
Le ministre de tutelle a annoncé la réalisation d’une dizaine de stations d’épuration à travers le pays, des infrastructures qui traitent les eaux usées domestiques, industrielles et artisanales, avant leur déversement dans les cours d’eau. «Notre ambition et notre vision est de doter toutes les grandes villes du Mali d’une station de traitement des eaux usées d’ici à 2030», a promis Housseini Amion Guindo.
A court terme son département promet de s’atteler à la préservation et la sauvegarde du Fleuve Niger ; à la relance du processus de consultation des acteurs en vue de proscrire l’utilisation des sachets plastiques au Mali ; et à la mise en œuvre effective des mesures d’interdiction de l’exploitation aurifère par dragues sur les cours d’eau.
A moyen terme, le ministère de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable va axer ses actions sur la mise en place d’un mécanisme approprié pour le financement durable de l’environnement ; la finalisation et l’adoption du projet de Code de l’environnement ; et à la mise en place d’un dispositif technique pour le suivi et le contrôle de la qualité de l’air à Bamako et dans certains grands centres urbains du Mali
Et, sur le long terme, il envisage la construction d’une station de traitement des boues de vidange dans les grands centres urbains du Mali ; et la valorisation des plantes aquatiques nuisibles pour la production de bio-fertilisant et de biogaz sur le cours supérieur du fleuve Niger ;
Pour le moment, pendant cette quinzaine, les campagnes de sensibilisation et les messages d’actions vont insister sur la mise en valeur des bonnes pratiques par les différents acteurs de développement de notre société. Tout comme il est prévu l’évaluation des éditions passées afin de faire l’état des forces et des faiblesses de l’événement depuis 20 ans pour mieux se projeter vers l’avenir.
«Cet avenir n’est plus seulement que l’univers des seules générations futures, mais bien le nôtre aussi. En cela, nous devons agir sur nos modes de production et de consommation de manière efficiente et irréversible», a conclu Housseini Amion Guindo. C’est pourquoi l’accent sera bientôt mis sur la sensibilisation de l’ensemble des acteurs avec l’appui indispensable des partenaires auxquels le ministre Guindo n’a pas manqué de rendre hommage pour leurs efforts constants en faveur de notre environnement !
Kader Toé