« J’ai pris du temps avant de réagir aux propos malheureux du président IBK contre l’honorable TiébiléDramé, figure emblématique de l’opposition malienne. Pour la simple raison que j’ai été complètement déçu après avoir un moment espéré sur l’avenir de mon pays. Mieux vaut tard que jamais. Je réagis aujourd’hui pour l’histoire ; pour marquer ma désapprobation face à une telle dérive verbale attentatoire à la liberté d’expression et d’opinion ; pour marquer ma surprise face à la banalisation de la fonction de président de la République et enfin pour sortir du cercle du silence coupable du recul de la démocratie au Mali.
Au fait, qu’a fait l’honorable TiébiléDramé pour mériter une telle colère du président de la République, SE Ibrahim Boubacar Kéita, à son retour de sa visite d’Etat en France ? Il aurait tenté de saboter la dite visite d’Etat. Au conditionnel. Que diantre ! Malheureusement, à l’appui des accusations, aucune preuve tangible n’a été mise à l’épreuve du jugement du Malien lambda. Vraiment triste pour une République qui se veut démocratique. Surtout quand le gouvernement s’en mêle avec la plus vilaine et la plus honteuse des manières. Choguel Kokalla Maïga (un thuriféraire du régime militaro-fasciste de GMT-le boucher de Bamako) est passé par là pour régler certains de ses comptes avec le mouvement démocratique, du moins ce qu’il en reste. J’avoue que j’ai été révolté par le communiqué irrévérencieux du gouvernement. Alors, démocrates de tous les horizons, réveillez-vous ! Et barrons la route à ceux qui veulent distraire l’esprit de notre démocratie. Je rappelle que la liberté d’expression et d’opinion est l’une des conquêtes majeures de la Grande révolution du 26 mars 1991 au Mali.
N’en déplaise aux trainards du 26 mars. Le 22 mars 2012 n’effacera jamais le 26 mars 1991. Tant par la qualité des acteurs que par les valeurs partagées et la profondeur des objectifs. La liberté d’opinion et d’expression si chèrement acquise, à l’époque, est le socle de la légitimation de la IIIe République. L’esprit de discernement, surtout l’indépendance de pensée et de raisonnement ont décampé nos plus hautes autorités. A vrai dire, le camp présidentiel a vite cédé à la panique. Quelle panique ? Pourtant le grand chef avait affirmé publiquement qu’il tenait fermement la commande du bateau « Mali ». J’en doute et avec toutes les raisons.
Devant mon petit écran et à l’aéroport, j’avais éprouvé pourtant de la joie et de la fierté à être Malien, en regardant et en me remémorant tous les honneurs faits à mon pays par la France « coloniale ». J’ai été pourtant heureux quand j’ai vu à la télé tous ces motards et ces chevaux harnachés escorter mon président le long de la grande avenue des champs Elysées. J’ai été heureux quand j’ai suivi l’annonce des 2000 milliards pour la reconstruction de mon pays. Donc une visite d’Etat rondement menée et bien réussie mais dont tous les bénéfices ont été dilués par la bourbe monumentale de mon président, à sa descente d’avion. Ma joie et ma fierté n’ont duré que le temps du vol du Boeing « Mali Air Force One », entre Paris et Bamako.
Quelle mouche a pu subitement le piquer. Il est temps qu’il apprenne à contrôler ses émotions. Car chez nous, on a coutume de dire qu’un chef, un vrai chef est un dépotoir. Il doit tout contenir. Rester stoïque malgré les épreuves du temps et des hommes. Mieux, celui qui ne peut pas encaisser dans les propos et dans les actes ne peut pas prétendre diriger chez nous.
Qui a pu bien induire notre chef en erreur ? Sachant bien sûr son caractère et son comportement… impulsif…
En tant que démocrate et républicain, je ne peux me taire sur cette sortie malheureuse du chef de l’Etat qui porte atteinte aux valeurs fondamentales de la République.
En tout état de cause, l’unanimité ne saurait se faire autour de la vision du développement du Mali, encore moins sur un homme, fut-il IBK. Acceptons donc que Tiébilé ait sa propre lecture de la cadence du mouvement à imprimer à notre pays à tous, le Mali. Evitons de museler la parole libre ou la pluralité des opinions au Mali. Prions Dieu pour qu’il éloigne de notre très cher président les laudateurs et les flagorneurs. Prions Dieu pour qu’il dote notre très respecté président du « Sabali ».
Je suis pour l’union sacrée autour du Président de la République et de son gouvernement en ces moments difficiles, par contre je refuse l’unanimisme ambiant et encourage les débats sur toutes les questions, quel que soit leur sensibilité. Il nous fait toujours un autre regard sur nos actions d’hommes publics. Car il s’agit du Mali et non d’un homme ou d’un régime. Le Mali est éternel ».
Merci. Yaya Sangaré
(Député, secrétaire à la communication et des nouvelles technologies de l’Adéma/PASJ)
Source: L’Indicateur Du Renouveau 09/11/2015