Dimanche 13 janvier 2013, au Badialan III en commune III du district de Bamako. Dans ce « grin » très fréquenté par plusieurs corps socioprofessionnels, les débats déchainent parfois les passions. Politique, art, sport et économie, religion, etc. tous les sujets se débattent ici. Certains l’appellent » le quartier latin « , faisant référence aux couloires de discussions dans les grandes universités françaises au moment des indépendances, où les étudiants africains débattaient de politique de leurs pays.
Ce dimanche soir, le sujet de débat était plutôt passionnant, car il portait sur la guerre au nord. Et depuis une semaine (presque), la France est entrée en guerre sur le sol malien (au nord), où des avions de l’armée française continuent de bombarder les positions des groupes islamistes. Dans ce » grin « , comme chez l’écrasante majorité des populations maliennes, la décision du président français François Hollande de porter main forte aux forces défense et de sécurité du Mali au nord, est » une décision sage, courageuse et nécessaire » . Tant, expliquent-ils, le Mali seul ne peut pas faire face à des jihadistes hyper équipés et entrainés.
Dans les rues de Bamako, certains véhiculent sont maquillés à l’effigie du drapeau français. Des motocyclistes portent en eux les drapeaux maliens et français, comme pour manifester » l’amitié » entre les deux pays. Un décor difficile pourtant à imaginer au Mali il y a quelques années, notamment dans les années 2009, où les expulsions massives des Maliens de France provoquaient la colère de certains compatriotes. La pression de la France de Sarkozy à signer les fameux accords sur l’immigration, avait jeté un froid dans les relations entre les deux pays.
Pis, depuis les soupçons sur un éventuel soutien de l’ancien président français Nicolas Sarkozy aux militants du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), le sentiment » anti-français » devenait perceptible au Mali. Mais depuis quelques temps, un nouveau souffle semble se dessiner dans la normalisation des relations entre les deux pays. Et la sympathie est visiblement revenue entre le citoyen malien et l’ex-colonisateur.
» Le Mali n’est pas la Libye et la Côte d’Ivoire ! »
Loin des prises de position tranchées au cours de l’intervention française en Libye ou en Côte d’Ivoire, celle au nord du Mali semble bénéficiée de l’entière adhésion des Maliens, des africains et de la communauté internationale. En témoignent les réactions ce lundi matin sur les antennes de RFI dans l’émission » Appel sur l’actualité » consacrée au sujet. Mieux, la presse malienne, dans ses livraisons de ce lundi matin approuve fortement l’aide française à l’armée malienne au Nord. Dans un éditorial paru dans le quotidien » Le Républicain « , on parle de » Hollande le Malien « , tant dis que la » Nouvelle Libération » adresse » Pardon et merci à la France « . » Vive la France « , titre » 26 Mars » à la » une « , et le » Le Challenger » de souhaiter » Bienvenue au libérateur » .
En clair, la presse malienne dans sa quasi-unanimité tient la même position que les populations. Et les observateurs sont formels : cette intervention n’a rien à voir avec les précédentes effectuées par la France dans d’autres pays.
» L’intervention de l’armée française au nord du Mali est fondamentalement différente de celles menées en Côte d’Ivoire et en Libye. Les interventions dans ces deux derniers pays, au regard du contexte politique, étaient considérées comme des ingérences d’une puissance étrangère dans les affaires politiques intérieures d’un autre Etat « , justifie ce spécialiste en sciences politiques. Pour Adama Coulibaly, la France intervient traditionnellement pour imposer une option politique, un chef d’Etat ou protéger ses intérêts économiques face à des Etats faibles. Le principe du droit de souveraineté est ainsi violé, constate-t-il. Avant d’ajouter que cet état de fait créait un sentiment de révolte au sein des populations.
Or, renchérit Adama Coulibaly, on constate que l’intervention française au nord du Mali n’a pas d’objectif à influer directement sur la politique intérieure du pays. » Certains militaires maliens ont fait un coup d’Etat et la France n’est pas intervenue pour sauver la démocratie. Cette question reste du domaine des affaires intérieures » , analyse le politologue.
Par contre, ajoute notre interlocuteur, les opérations militaires françaises au nord du pays visent à défendre la République laïque du Mali contre les terroristes et les narcotrafiquants. Elles se passent dans un contexte où l’opinion nationale est convaincue que l’armée malienne, seule, ne peut pas faire face au danger qui met en péril l’existence même du Mali en tant qu’Etat démocratique, libre et laïc.
Les Maliens, d’une manière générale, perçoivent cette intervention militaire de la France comme une assistance à personne en danger de mort. C’est pourquoi, ajoute M. Coulibaly, elle est unanimement saluée par l’opinion nationale et les africains. D’où l’avis de l’observateur politique que » cette intervention n’est pas une ingérence aux affaires intérieures du Mali, mais une aide pour faire face à une agression extérieure « .
Pourtant, si beaucoup de Maliens pensent qu’il faut « remercier Hollande et la France », ils sont nombreux ceux qui tirent le chapeau au président béninois, Yayi Boni. C’est le cas par exemple de ce professeur à la Faculté des sciences économiques et de gestion (FSEG) de l’Université de Bamako. Pour Amadou Garan Kouyaté, depuis le 22 mars, le président Boni Yayi s’est consacré pieds et mains liés à la crise malienne. Selon M. Kouyaté, c’est l’homme à saluer par les Maliens. » Au Bénin ses opposants l’appellent « le Malien », tellement qu’il s’est consacré à la crise malienne « , explique notre interlocuteur.
Bref, qu’il s’agisse d’un » merci » à la France ou à Yayi Boni, l’intervention étrangère au nord est fortement saluée par les Maliens, malgré les agissements de quelques pseudo-nationalistes à Bamako.
Issa Fakaba Sissoko
L’ Indicateur Du Renouveau 2013-01-15 03:52:54