Nous aurions bien voulu que, ne serait-ce que pour cette fois, les experts du PRSEASS-2020 ayant annoncé pour cette campagne en cours, que les quantités de pluies attendues sur la bande sahélienne présageaient des risques réels d’inondations, n’eussent guère raison. Hélas, le danger est déjà là ! Avec tous ces phénomènes météorologiques exceptionnellement furieux, et leur cortège de désastres et de désolation, l’on est bien en droit de craindre que la nature ne se soit déchainée contre l’humanité.
Pour certaines personnes, la période hivernale est synonyme de fraîcheur et de bien-être et pour d’autres un moment de calvaire. C’est le cas des habitants de certains quartiers de la ville de Bamako. Certains attendent les premières gouttes de pluies pour venir déverser leurs ordures ménagères dans la rue ou même dans les caniveaux. Ces déchets finissent leurs courses en entraînant le courant d’eau devant le domicile d’autrui.
La saison des pluies 2020 devrait être globalement humide dans la zone sahélienne, avec des quantités de pluies supérieures à équivalentes aux moyennes saisonnières de 1981-2010.C’est ce qui ressort du Forum 2020 sur les prévisions saisonnières des caractéristiques agro-hydro-climatiques de la saison des pluies pour les zones soudanienne et sahélienne (PRSEASS – 2020) le 24 avril à Niamey.
Les prévisionnistes évoquent « un démarrage précoce à la normale, une fin tardive à la normale, des séquences sèches plus courtes en début de saison et moyennes vers la fin de saison ». Ils indiquent aussi que « des écoulements globalement moyens à supérieurs à la moyenne sont attendus ».
Plusieurs recommandations ont été émises à l’issue des travaux pour leur atténuation. Au regard des cumuls pluviométriques globalement supérieurs à la moyenne et des écoulements des cours d’eau excédentaires, les risques d’inondations sont élevés.
Pour atténuer ces risques sur les personnes, les animaux, les cultures et les biens matériels, il est recommandé de suivre de près les seuils d’alerte dans les différents sites à haut risque d’inondation, de renforcer la communication des prévisions saisonnières et la sensibilisation des communautés vulnérables.
Il est préconisé à cet effet d’impliquer les acteurs étatiques et les différentes plateformes de réduction des risques de catastrophe dans la chaîne de communication et de gestion des crises.
Les prévisionnistes recommandent également la prévention contre l’occupation anarchique des zones inondables, en particulier dans les zones urbaines, de renforcer la veille et les capacités d’intervention des agences en charge du suivi des inondations, de la réduction des risques de catastrophes et des aides humanitaires.
De même, ils préconisent le curage régulier des caniveaux d’assainissement et des exercices de simulation dans le cadre de la préparation des plans de réponses aux inondations.
Ils estiment par ailleurs « qu’il est très probable d’observer une incursion d’essaims de criquets pèlerins, à la faveur du démarrage précoce prévu pour la saison des pluies dans la bande sahélienne ».
Conjugué à la situation liée à la pandémie COVID-19, ce risque d’invasion acridienne pourrait aggraver le risque d’insécurité alimentaire pour des millions de personnes au Sahel et en Afrique de l’Ouest.
A cet égard, il est recommandé aux Etats de renforcer la surveillance vis-à-vis de l’invasion acridienne dans les zones à risque des pays de la ligne de front, et de maintenir la vigilance contre les autres ravageurs des cultures comme la chenille légionnaire.
En dépit du caractère globalement humide attendu pour la saison des pluies 2020, il est probable d’observer par endroit des déficits hydriques pouvant retarder la mise en place de la biomasse fourragère, entraîner des échecs de semis et affecter la croissance des plantes. Ces déficits hydriques pourraient aussi favoriser le développement d’insectes ravageurs des cultures.
A cet effet, il est recommandé de diversifier les pratiques agricoles, à travers notamment la promotion de l’irrigation, du maraîchage, pour réduire le risque de baisse de production dans les zones exposées, de veiller à une gestion intégrée des ressources en eau pour une meilleure prise en compte des différents usages.
D’autre part, pour réduire le risque de maladies liées à l’eau (choléra, malaria, dengue, bilharziose, diarrhée, etc.) dans les zones humides ou inondées, il est fortement recommandé de sensibiliser sur les maladies climato-sensibles.
Et compte tenu du caractère globalement humide attendu de la saison des pluies, il est recommandé aux agriculteurs, éleveurs, autorités, gestionnaires des ressources en eau et de l’hydro- électricité, projets, ONG et OP de soutenir le déploiement de techniques d’augmentation de rendements des cultures.
Mahamadou YATTARA