Le Royaume du Maroc célébrera le lundi 30 juillet, la fête du trône (fête nationale). En prélude à cet évènement, l’Ambassadeur du Maroc au Mali, Hassan Naciri, explique au « Républicain » la symbolique de cette fête. Par la même occasion, il présente les grands axes des réformes entreprises dans son pays, à l’heure du « printemps arabe », et met l’accent sur la révision constitutionnelle de 2011, ainsi que d’autres réformes d’accompagnement. Quelle lecture le Maroc fait-il de la crise que traverse le Mali ? Que fait le Royaume pour une solution de sortie de crise? L’Ambassadeur Hassan Naciri dévoile la position marocaine, et se prononce sur la destruction des sites historiques de Tombouctou, ainsi que les efforts de son pays dans le cadre des organisations régionales et internationales. Il aborde aussi l’état de la coopération bilatérale entre le Maroc et le Mali.
Le Républicain : Pouvez-vous nous rappeler brièvement la symbolique de la fête du trône qui sera célébrée le 30 juillet ?
Hassan Naciri : S’agissant de la symbolique, permettez-moi de rappeler ici que la 1ère fête du Trône qui célèbre l’accession du Roi au Trône Chérifien, remonte au 18 Novembre 1933, sous le protectorat. La fête sera reconnue officiellement en 1955. Les festivités se déroulent en deux temps: la fête stricto sensu et la bey’a, rituel musulman d’allégeance ancestral, vieux de plusieurs siècles. L’intronisation de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le 30 juillet 1999, est désormais la date où le peuple marocain célèbre la fête du trône.
Sur le plan politique, que peut-on alors retenir de l’état de la Nation depuis la dernière célébration de la fête du trône en 2011, sachant que pour cette année, le fait marquant a été le ‘’printemps arabe‘’?
Depuis la fête du Trône de 2011, l’état de la Nation a été marqué particulièrement par la l’entrée en vigueur de la Constitution du 1er juillet 2011. Rappelons aussi que le projet de la première constitution du Maroc remonte déjà à 1908 alors que la première Constitution d’Etat moderne du Maroc date de 1962 et se suivirent des constitutions de 1970, 1972, 1980, 1984, 1989, 1992, 1996 et 2011. C’est dire que le pays a cumulé une expérience assez riche en matière constitutionnelle et que le droit et la pratique constitutionnelle au Maroc ont évolué vers la maturation progressive.
Quels sont les apports du ‘’printemps arabe’’ dans le processus constitutionnel de votre pays ?
Dans le contexte de ce qui est communément appelé « le printemps arabe », le Royaume du Maroc a évolué sereinement et ce, à la faveur des choix stratégiques opérés très tôt dans son histoire, mais également grâce aux reformes entreprises durant la dernière décennie.
Grâce à cette spécificité due à la clairvoyance de son leadership, le Maroc a su anticipé ses besoins de changement.
Avec l’avènement de sa Majesté le Roi Mohammed VI, qui a consolidé le choix démocratique du Royaume, le Maroc a conforté son parcourt singulier dans le monde arabe. Il a ainsi eu son propre printemps, mais à sa manière.
Comme vous le constatez, il est question d’un agenda national marocain de réformes politiques tous azimuts dont l’exécution a été mise en branle en tenant compte des aspirations du peuple marocain.
Plus est, cette réforme s’inscrit dans la droite ligne du Discours fondateur prononcé le 30 Juillet 1999 dans lequel Sa Majesté le Roi Mohammed VI avait exprimé son attachement à la monarchie constitutionnelle, au multipartisme, au libéralisme économique, à la politique de régionalisation et de décentralisation, à l’édification de l’Etat de Droit, à la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés individuelles et collectives, et au maintien de la sécurité pour tous.
Quelles sont les grandes lignes de cette nouvelle constitution ?
La constitution de 2012 est venue consolider la séparation des pouvoirs, l’équilibre et la collaboration des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Elle consacre une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale, une monarchie citoyenne, gérante des fondamentaux de la Nation, assurant des missions de souveraineté et d’arbitrage suprême. A titre d’exemple, le texte constitutionnel prévoit que la législation est du domaine exclusif du Parlement. Le Chef du Gouvernement est nommé par le Roi au sein du parti arrivé en tête des élections législatives, et sera investi par la majorité absolue de la Chambre des représentants. Le conseil de Gouvernement deviendra le véritable lieu de détermination et de mise en œuvre de la politique de l’Etat. S’agissant du pouvoir judiciaire, la nouvelle constitution a hissé la justice au statut d’un pouvoir indépendant. Et sur le plan identitaire, la nouvelle constitution assure une consécration des fondements de l’identité marocaine et l’attachement du Maroc, en tant qu’Etat musulman souverain aux valeurs d’ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue avec toutes les civilisations en assumant la diversité des affluents identitaires de la nation marocaine : Arabité, amazighité, hassani, subsaharien africain, andalou, hébraïque et méditerranéen.
Au-delà de la constitution, quelles sont les grandes réalisations en matière de développement humain ?
Comme vous le savez, les réformes politiques ne constituent pas une fin en soi. Ce n’est qu’un moyen pour atteindre l’objectif noble et majeur à savoir le développement humain dans ses dimensions économique, sociétale et culturelle. Sur ce point, force est de constater que le Maroc surprend agréablement autant les marocains que les non marocains, grâce aux grands chantiers structurant dans différents secteurs : les ports, avec en particulier le Port Géant Tanger Med, mais aussi les grands chantiers de réaménagement comme celui du fleuve Bouregreg à Rabat, sans oublier le programme ville sans bidonvilles, l’habitat au profit des démunis et des classes moyennes etc. Les infrastructures sanitaires sportives et autres ne sont pas en reste. Il sied de signaler qu’un effort gigantesque a été déployé en matière d’autoroutes puisque on est passé d’une centaine de km début des années 90 à 1 400 km en 2011, et 1 800 sont prévus en 2015 en plus des voies express (750km), des nouvelles routes nationales et des dizaines de milliers de routes rurales en construction.
Je tiens à dire que le Maroc est devenu un grand chantier et des stratégies sectorielles ont été arrêtées et mises en exécution graduellement, je citerai la stratégie industrielle ‘’Emergence’’, la stratégie touristique ‘’AZUR’’, la stratégie en matière de pêche ‘’Halieutis’’, la stratégie agricole ‘’Maroc Vert’’, la stratégie informatique, Maroc Numéric etc. Le Maroc est également engagé dans le domaine de l’offshoring et Franchising.
Je n’omettrai pas de signaler que la thématique des Droits de l’homme est prise en charge intégralement et par les institutions publiques et par la société civile, ce qui a produit un changement remarquable en matière de culture politique ; tous les tabous sont tombés en la matière.
Monsieur l’Ambassadeur du Royaume chérifien au Mali, Le Maroc s’implique-t-il pour une solution de sortie de crise au Mali ?
Depuis quelques mois, la République sœur du Mali fait face à une crise multidimensionnelle. Le Royaume du Maroc, Pays frère et ami du Mali depuis plusieurs siècles est préoccupé profondément par les évènements douloureux de ces derniers mois et rappelle sans cesse son attachement à l’intégrité territoriale, à l’unité nationale et à la stabilité politique du Mali. Le Maroc en tant que membre non permanent du Conseil de Sécurité ne ménage aucun effort pour aider au retour de la paix et de la stabilité dans cette partie Chère de la sous-région, voisine immédiate du Maghreb. Le Maroc continue d’appeler au retour à l’ordre constitutionnel et à la préservation de l’unité nationale et l’intégrité territoriale du Mali.
Monsieur Saad Dine El Otmani, Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération du Maroc s’est rendu dans la région, porteur d’un message Royal d’appui aux Etats de la CEDEAO, où le Maroc est observateur et un engagement à continuer l’assistance pour juguler les risques humanitaires de la situation créée à l’intérieur et autour du Mali. Sur le plan humanitaire, le Maroc, fidèle à sa culture de solidarité avec les pays frères et amis, a apporté son aide aux réfugiés maliens établis en Mauritanie, au Niger et au Burkina Faso. Il a également envoyé une aide similaire au Mali que j’ai eue l’honneur de remettre, moi- même, à Son Excellence Monsieur le Premier Ministre, Cheick Modibo Diarra.
Que pensez-vous de la destruction des sites historiques de Tombouctou ?
Suite à la destruction volontaire des sites historiques à Tombouctou, et partant de l’intérêt que porte Sa Majesté le Roi Mohammed VI, au patrimoine religieux et civilisationnel du peuple malien, le Maroc a appelé les Etats islamiques et la communauté internationale à une intervention urgente et conjointe pour protéger le riche patrimoine malien qui constitue une composante du patrimoine islamique et humanitaire, et illustre le caractère séculaire de civilisations ayant marqué l’histoire de toute la région.
Comment se porte la coopération bilatérale entre le Maroc et le Mali ?
S’agissant de la Coopération bilatérale, je pourrais dire que les mécanismes en place se portent bien, les gouvernements et les particuliers des deux côtés s’attèlent à trouver d’autres voies et moyens pour pérenniser et améliorer l’existant et préparer la voie à d’autres initiatives prometteuses en matière de partenariat gagnant-gagnant. Son Excellence Monsieur Cheick Modibo Diarra, Premier Ministre, à la tête d’une forte délégation malienne, s’est rendu au Maroc au début de ce mois dans le cadre d’une « visite de travail et d’amitié » qui a offert l’occasion à nos deux pays d’impulser une nouvelle dynamique à la coopération bilatérale.
Quel est votre mot de la fin ?
Je ne saurais terminer sans saluer particulièrement les sœurs et les frères maliens en leur disant que je suis totalement confiant que ce pays millénaire, saura, certainement dépasser la crise actuelle. Le Maroc, en ce qui le concerne, ne vous abandonne jamais.
Propos recueillis par Boukary Daou
Qui est Hassan Naciri ?
Hassan Naciri, venu tout droit de l’Algérie où il a exercé pendant huit ans, en tant que chargé d’Affaires, a pris fonction au Mali début janvier. Ce docteur ES Sciences politiques a exercé aussi en Irak de Saddam Hussein pendant cinq ans.
Le Republicain 25/07/2012