Guinee : Reaction de la classe politique et la société civile


Adama Diakité : Je suis heureux que le Républicain se déplace une fois encore pour venir m’interroger par rapport à l’actualité d’un pays voisin du Mali. J’ai bien suivi  ce qui se passe en Guinée. Selon les partis de l’opposition, ils n’ont pas été associés aux choix de la date des élections législatives. Si tel est réellement le cas, je pense que les autorités qui gèrent aujourd’hui la destinée du pays devraient mettre autour de la même table, en présence de tous les acteurs concernés par le processus, acteurs politiques, de la société civile, de l’administration, ensemble, proposer une date de façon concertée, de façon collégiale. La plupart du temps, quand les hommes et les femmes se retrouvent autour de la table pour discuter, malgré les velléités, s’ils sont réellement de bonne foi, elles arrivent à s’entendre. Mais chaque fois que les décisions sont prises  de façon unilatérale, il y a facilement des problèmes.

Par rapport aux affrontements, l’opposition parle de 4 morts et le pouvoir parle de 2 morts. Ce serait plutôt bon qu’il n’y ait même pas de mort. Un mort, c’est trop. Vous voyez, c’est tellement déplorable quand on sait que c’est un homme qui a connu l’exil, qui a été refusé en politique, que cela se passe sous sa gestion du pays, cela est très regrettable. Chacun veut tirer la couverture de son côté bien sûr. Mais, il faut tout faire pour éviter de tels affrontements. C’est un manque de dialogue à mon avis qui amène ces problèmes d’affrontements, de conflits intenses sur le terrain.

Ce n’est pas un bon exemple pour le Mali. Heureusement qu’au Mali on se crie dessus souvent, mais au final, on s’écoute toujours. Je crois que l’exemple guinéen n’est pas du tout un très bon exemple. J’estime que cela n’aura pas de répercutions fâcheuses au  Mali et que les hommes politiques du Mali, toutes tendances confondues, de l’administration publique, vont faire en sorte que chaque fois qu’il y a des décisions capitales à prendre, tous les acteurs concernés  seront autour  de la table. Cela est très important. En ce moment, quand il y a réussite, le sentiment de réussite  est partagé et quand il y a échec, le sentiment d’échec est partagé par tous.

La société civile a un rôle de veille, d’arbitrage. Mais elle a aussi un rôle de proposition.  Donc, c’est la société civile qui doit prendre ses distances, être équidistante de tous les autres acteurs et amener les autres à plus de dialogue entre eux, à plus d’échanges entre eux, et à proposer aussi à ses hommes et à ses femmes des solutions de sortie de crise. Nos amis de la Guinée doivent s’investir afin que cela s’arrête à ce niveau afin que cela ne s’aggrave pas.

Propos recueillis

par Hadama B. Fofana

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* Cheick Oumar Sissoko, Président du Parti SADI « Avec une crise en Guinée, le Mali va souffrir »

En Guinée, le scenario du KO se dessine autour du problème de la CENI entre les partis politiques de l’opposition et le Gouvernement. Ce scenario du KO  nous intéresse au plus haut point. Derrière la question de la CENI, il y a la haine farouche entre le Président Alpha Condé et l’opposition représentée par Celou Dalein Diallo. La Guinée ne semble pas être, malheureusement, une grande préoccupation, puisque la gestion politique se fait plus avec le cœur qu’avec la raison. Le Mali, notre pays, devrait  se préoccuper de ce scénario du KO et tenter de ramener la paix entre les différentes forces politiques en Guinée. Parce que le scénario du KO qui se dessine, s’il se mettait à exécution, le Mali sera le premier pays qui va souffrir des conséquences qui seront désastreuses. Pas du tout préparé à accueillir un nombre important de réfugiés, le Mali aura d’énormes difficultés. Ajoutez à cela une possible infiltration de  rebelles Sierra léonais et Libériens, le reste est facilement imaginable. Mais le Gouvernement du Mali est disqualifié pour entamer une telle médiation dans la mesure où il développe une politique de marginalisation de son opposition parlementaire et extraparlementaire. Ce Gouvernement et le Président de la République nous conduisent aussi vers un autre scénario du KO. La classe politique et la société civile du Mali doivent en prendre conscience le plus sérieusement du monde. Ils  doivent désavouer le décret de mise en place de la CENI et le bureau qui a été mis en place. C’est le Mali qui est en question.    

Assane Koné

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* Oumar Kanouté, Secrétaire général du MPR: « La Guinée est toujours en transition ».

La situation qui prévaut actuellement en République sœur de Guinée est à mon avis assez préoccupante. On aurait pu penser qu’avec le retour à un système plus démocratique, la stabilité aurait prévalu en Guinée. Mais on assiste de plus en plus à des dérapages. Une rivalité très forte entre la mouvance présidentielle et l’opposition. A notre avis, c’est déplorable. Il y a à mon avis une explication.  C’est que la Guinée est toujours en transition. Le fait d’avoir procédé à l’élection présidentielle avant les législatives explique en partie ce qui se passe. Ils auraient dû faire comme le Mali l’a fait, les élections locales, les législatives et puis terminer par l’élection présidentielle. Nous savons dans quelle condition les élections présidentielles se sont déroulées en Guinée, surtout le deuxième tour. Il a fallu une assistance de la communauté internationale pour pouvoir organiser ces élections. Donc, c’était prévisible que pour les législatives, il y ait des problèmes. C’est pour cette raison, que la communauté internationale, plus précisément la sous région, c’est-à-dire, l’Union africaine (Ua) et la Cedeao (Communauté des Etats de l’Afrique de l’ouest)  auraient dû continuer à assister la Guinée jusqu’à la fin de la transition. Il y a aussi manifestement une exigence de devoir d’ingérence. En laissant les choses comme ça, je crois que ce n’est pas une bonne chose.

Tout ce qui se fait en Guinée concerne aussi le Mali qui ne peut dire que ce n’est pas son affaire. La frontière qui est entre nous est une frontière purement artificielle. Les soubresauts en Guinée se ressentent ici et ce qui se passe au Mali est ressenti en Guinée. Il ne faut pas croiser les bras en disant que ce n’est pas nous. Au contraire, ça nous concerne. Nous devons donc, autant que nous pouvons, aider nos frères Guinéens à aboutir à un certain consensus. Parce que nous, on a compris ici que pour que les choses puissent se passer normalement, il faut d’abord créer la confiance entre les acteurs politiques. C’est très important. Autant, il faut faire du compromis, du consensus si on veut vraiment passer ce cap là. A mon avis, c’est sur ces aspects que nos frères Guinéens réfléchissent pour que le pays puisse rapidement sortir de cette situation d’impasse.

Hadama B. Fofana

Le Républicain 30/09/2011