Monsieur le Président,
Mesdames, messieurs les Députés,
Monsieur le Premier ministre, le Groupe parlementaire Vigilance Républicaine et Démocratique apprécie hautement la diligence avec la quelle vous avez soumis, à la sanction du parlement, la Déclaration engageant la responsabilité de votre Gouvernement. Cet exercice relevant d’une obligation constitutionnelle n’a cessé d’être réclamé par l’opposition depuis la mise en place le 1er janvier 2014 de la 5ème législature.
Placée selon vous sous le signe du sursaut national, cette déclaration de politique générale, la première après la grave crise que notre pays a connue ces deux dernières années, devait faire l’objet d’un examen minutieux, sans complaisance et le plus objectif possible par le Parlement.
Monsieur le Président et chers collègues,
Le moment est donc venu de se prononcer sur votre Déclaration de Politique Générale, Monsieur le Premier ministre. Dans ce cadre, la vérité et la sincérité, socle de la démocratie, doivent être les valeurs à respecter et avec rigueur.
Monsieur le Président,
Notre pays sort d’une crise grave qui a impacté négativement le tissu économique, culturel et social. Dans ce contexte, la Déclaration doit répondre aux attentes des populations et créer l’espoir qu’elles aspirent légitimement pour un avenir meilleur. Elle vient au moment où l’espoir des populations, né après les élections présidentielles, s’est déjà vite effrité. Dans ce contexte, la DPG à proposer doit tendre à inverser cette situation et le plus rapidement possible pour le bien être des maliens.
Mesdames, Messieurs les Députés,
L’heure est grave. La présente Déclaration ne prend pas toute l’ampleur de cette gravité. Elle renferme de graves insuffisances tant dans sa forme que dans son fond.
Sur la forme, il est à noter que le texte lu par le Premier ministre, mardi dernier modifie en plusieurs endroits le document remis aux Députés. En conséquence, il ya lieu de remettre à la représentation nationale le texte présenté en plénière.
Mesdames, Messieurs les Députés,
Les insuffisances révélées dans cette déclaration portent sur sa structuration, les déviances au plan constitutionnel, la quasi absence des orientations politiques. Bref elle apporte peu de solutions aux problèmes des maliennes et des maliens.
Dans sa conception, elle n’émane pas d’un programme politique et ne se base nullement sur un état des lieux bien cerné, notamment en ce qui concerne la situation financière du pays. Ce dernier point, bonne pratique de gouvernance publique, demeure une obligation légale dans notre pays, depuis juillet 2013. A titre de rappel, Monsieur le Président, la loi portant approbation du code de transparence dans la gestion des finances publiques fait obligation au Gouvernement de préparer un rapport audité et publié, dans les trois mois qui suivent chaque alternance politique, sur la situation globale des finances publiques, et en particulier la situation du budget de l’Etat et de son endettement. Depuis septembre 2013, il ya eu alternance politique et à ce jour ce rapport n’est pas encore disponible. Il est donc permis de comprendre que la non disponibilité de cette situation, à bonne date, est de nature à douter de la faisabilité du catalogue des intentions d’actions futures proposées.
Par ailleurs, partout où la Déclaration s’est efforcée à faire apparaitre les programmes d’actions des départements, elle fait la liste des projets en cours d’exécution ou le plus souvent en cours de finition et renvoie l’avenir de ces secteurs à des études à réaliser.
Au plan constitutionnel, la présente déclaration épouse dans une première partie l’aspect de politique générale et dans une seconde partie l’aspect programme du Gouvernement. Nous sommes donc fondé à conclure que cette Déclaration innove et cela contrairement à la Constitution qui dispose que le chef Gouvernement présente un Programme du Gouvernement ou une Déclaration de Politique Générale. Le présent Document traite insuffisamment chacune des deux parties.
A la page 12 de la Déclaration, il ressort concernant la reforme constitutionnelle je cite : « Le Gouvernement engagera bientôt le processus devant conduire à cette reforme et l’ensemble des acteurs politiques, de la société civile, de l’administration ainsi que toutes les forces vives seront associées à cet exercice ». Notre pays doit améliorer sa démocratie et les valeurs de la République. Ces derniers mois nous constatons plusieurs dérives en matière de bonnes règles de démocratie. De grâce ressaisissons-nous et évitons de transposer ces déviances sur la loi fondamentale. En effet et à titre de rappel, l’initiative de la révision constitutionnelle appartient concurremment au Président de la République et aux Députés. C’est pour dire que le gouvernement doit se consacrer entièrement et uniquement à ses missions. La question du nouvel avion ne se pose pas en termes d’utilité pour les voyages du Président. Il se pose en termes d’une dépense non soumise et autorisée par l’Assemblée nationale conformément à ses attributions. Il en est de même pour l’emprunt contracté pour le financement de son acquisition, information que vous venez de donner. Une fois de plus les lois de la République ont été violées.
Concernant les 6 six axes, je fais miennes les insuffisances et contributions faites par les Députés du Groupe. Nonobstant, je voudrais les compléter sur les axes 2, 5, 6.
– Concernant l’axe2 : la restauration de l’intégrité du territoire et la sécurisation des biens et des personnes. La Déclaration met l’accent sur la sécurité dans les villes en indiquant, je cite : « nous ferons de nos villes des havres de sécurité où la peur change de camp et où les malfrats seront terrorisés ». Elle est muette sur l’insécurité des campagnes qui aujourd’hui affiche un niveau de risque très élevé ; les bandits et assaillants disposant des armes sophistiquées. Cette insécurité touche le capital des agriculteurs (bœufs de labours), le cheptel des éleveurs, les bureaux des agences des banques dans les cercles etc.
– Au titre du 5ème axe : la construction d’une économie émergente. Une économie émergente doit être une économie compétitive et exportatrice. La Déclaration énonce un taux de croissance à 2 chiffres d’ici 2018, mais elle reste muette sur les politiques à mettre en œuvre pour y arriver. Il en est de même pour l’amélioration de la pression fiscale sur la base de reformes pour lesquelles aucune orientation n’est donnée. La Déclaration est muette sur la nouvelle reforme en cours concernant les finances publiques devant permettre à notre pays de passer des budgets de moyens è ceux de résultats. Cette reforme majeure dont la mise en œuvre est progressive, devait être au cœur de l’amélioration de la gouvernance des finances publiques. Il en est de même pour le code de transparence dans la gestion des finances publiques.
La Déclaration est muette sur la loi d’orientation du secteur privé adoptée le 30 décembre 2011. Cette reforme majeure pour le secteur privé méritait de figurer dans la Déclaration. Par ailleurs, cette loi dispose en son article 86 : l’Etat dresse tous les deux ans l’état du secteur privé et ses perspectives de développement. Cette situation devait être faite en 2013. Elle allait combler la carence d’un état des lieux indispensable à la relance du secteur privé. LQuant aux secteurs de l’industrie et des mines, des intentions sont formulées pour prendre en charge les préoccupations de l’Organisation Patronale des Industriels, relire le code minier, élaborer un programme décennal du développement industriel et minier. Le Gouvernement ne fait aucune annonce en termes de soutien à l’industrie notamment manufacturière. Bref le secteur qui génère des emplois permanents durables est oublié. Dès lors la question du comment faire du Mali un pays émergent se pose ? Pour ce qui concerne l’Artisanat aucune disposition n’apparait pour faire de ce secteur un pôle d’exportation profitant des facilités commerciales bilatérales comme l’AGOA. L’évocation des 5 transitions est une bonne chose, elles sont encore au stade d’idée.
– Enfin le 6ème axe : la mise en œuvre d’une politique active de développement social. Sur ce chapitre, la Déclaration reprend les programmes d’actions en cours et ne définit pas de nouvelles orientations en la matière de façon significative. Il aurait été utile de décider d’un mécanisme efficace de financement de la sécurité sociale qui garantit des revenus surs aux retraités civils comme militaires. La question du pouvoir d’achat est capitale, toutefois, aucune orientation sérieuse n’est faite dans la Déclaration. De l’indépendance à nos jours les augmentations des salaires ont été timides. Cette approche a atteint ses limites et c’est pourquoi l’heure est d’opter pour une amélioration conséquente des salaires pour booster la croissance.
En effet, un pays ne peut se développer avec des bas salaires. L’augmentation des salaires dans l’administration est faisable à travers un relèvement du point indiciaire doublé de la refonte du système des indemnités et des primes. Elle peut également s’opérer à travers la revue à la baisse de la fiscalité sur les salaires. Ces mesures peuvent conduire au doublement des salaires. Elles ne pourront nullement induire une inflation si l’Etat joue convenablement la régulation des marchés.
En m’adressant à vous Monsieur le Premier ministre, je dis ceci.
Quand nous vous regardons,
Quand nous vous écoutons attentivement,
Quand nous donnons de la vertu à votre jeunesse, nous avons envie de vous faire confiance.
Quand nous regardons en face de nous, votre majorité présidentielle qui n’a daigné vous applaudir une seule fois, pendant les 2 heures 26 minutes de lecture de votre déclaration,
Quand nous constatons le déséquilibre de cette majorité en votre défaveur Quand nous doutons que vous êtes le chef d’un gouvernement dans le quel vous n’avez aucun représentant,
Vu les limites objectives de votre Déclaration déjà exposées, le Groupe Vigilance Républicaine et Démocratique ne peut pas vous accorder sa confiance et il votera non.
Vive la République,
Vive la Démocratie
Que Dieu bénisse le Mali
Le Président du Groupe VRD
Mody N’Diaye
Député élu à Barouéli
DiasporAction 2014-05-03 19:12:31