Le Président de la République a rencontré le chef de file de l’opposition, l’honorable Soumaila Cissé, 48 heures après la grande interview qu’il a accordée à l’ORTM dans le cadre de la commémoration du 3ème anniversaire de son accession au pouvoir. Devant les micros de Sidiki N’Fa Konaté de l’ORTM et d’Alexis Kalambry du journal « Les Echos », le Président IBK a, semble-t-il, mesuré toute la gravité de la situation tant sécuritaire que sociale qui sévit au Mali. Avant d’affirmer toute sa disponibilité à œuvrer avec toutes les forces politiques, Majorité comme Opposition ainsi que la société civile afin de juguler les multiples crises qui secouent le Mali depuis 2012. Derrière cet appel du Président IBK à l’union sacrée pour sauver le Mali, n’y a-t-il pas une malice pour tremper l’opposition et lui faire partager la responsabilité de la mal gouvernance du pays ? L’Opposition accepterait-elle d’entrer dans un gouvernement d’union nationale à quelques deux ans de la fin d’un mandat ? 4 raisons militent aujourd’hui pour un refus de l’opposition de se faire prendre au piège d’une mort politique programmée qui l’affaiblirait devant les électeurs en 2018.
Première raison : En acceptant d’entrer dans un gouvernement d’union nationale, l’opposition donnerait l’impression que tout le combat qu’elle a mené jusqu’ici n’avait d’autres finalités que d’être seulement autour du gâteau. Elle accréditerait, du coup, la thèse auprès de bon nombre de nos concitoyens selon laquelle majorité et opposition seraient bonnet blanc, blanc bonnet et qu’elles n’œuvreraient en définitive que pour leurs intérêts partisans.
Deuxième raison : Malgré le blocage constaté dans la mise en œuvre de l’Accord et face à ce qu’il convient d’appeler une crise généralisée, le Président de la République, fort de sa légitimité, accepterait difficilement d’autres initiatives fussent-elles pertinentes venant de l’Opposition. N’ayant pas pu déjà obtenir du Président les reformes escomptées pour sortir le Mali de l’ornière, il serait hasardeux pour l’Opposition d’entrée dans un gouvernement d’union nationale qui ne serait pas la solution aux maux qui gangrènent le Mali.
Troisième raison : Cet appel du pied à seulement deux ans des élections présidentielles et face à un bilan en deçà des grandes attentes pour certains et catastrophique pour d’autres, par quel coup de baguette magique l’Opposition peut-elle redresser une barre si tordue ? Faute de temps, de coudées franches et certainement de moyens, elle ne réussira pas à faire en deux ans ce que le pouvoir n’a pu faire en trois ans. A y entrer, elle endosserait sa part de responsabilité dans le bilan de la majorité. Et le peuple s’en souviendra.
Quatrième raison : Un gouvernement d’union nationale dans un pays où la classe politique se respecte, suppose un minimum de consensus sur les grands axes de la gouvernance du pays. Le Président de la République et sa majorité accepteront-ils des propositions venant de l’opposition qu’ils ont toujours considérée comme des va-t-en guerre et souvent de « Hassidis » et d’ « apatrides ». Est-ce que les partis politiques de l’opposition doivent-ils accepter de figurer dans un gouvernement sans avoir au préalable défini les principes de la collaboration avec la Majorité présidentielle ? Face à un risque de soupçons de tous genres doublé d’un manque de confiance et de consensus, l’Opposition devrait tout simplement décliner l’offre du Président de la République et rester comme l’autre alternative à la gouvernance actuelle.
En définitive, un gouvernement d’union nationale ou même de large consensus ne résoudra pas l’épineuse crise socio-sécuritaire. Il serait au contraire une invite de la classe politique à la vaste entreprise de spoliation et de bradage du Mali. Il accréditerait la thèse la plus répandue au sein de l’opinion, selon laquelle les hommes politiques maliens se battent plus pour leurs intérêts personnels que pour ceux de leur peuple au nom duquel ils prétendent gouverner.
Youssouf Sissoko
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