En dépit du caractère laïc de l’Etat malien, le leadership politico-religieux musulman, porté par l’imam Mahmoud Dicko, est une problématique qui perturbe la donne institutionnelle.
L’ancien président du Haut conseil islamique du Mali (HCIM) l’imam Mahmoud Dicko se veut « défenseur du peuple », tout en apparaissant comme réelle menace à la stabilité du pays. C’est au point que les observateurs les plus avertis voient en ce leader religieux un épouvantail et un véritable chiffon rouge à la quiétude des institutions de la République.
« Comment résoudre l’équation Dicko ?» Cette interrogation émise la semaine dernière dans une haute sphère de l’Etat traduit une préoccupation non-négligeable chez les dirigeants.
En effet, à travers sa récente sortie, le jeudi dernier, qualifiant les gouvernants « d’arrogants », l’imam de Badalabougou s’est à nouveau invité au-devant de la scène publique nationale. Pour ce leader islamiste, le gouvernement de Transition fait souffrir le peuple à travers les sanctions qu’il a suscitées par sa volonté de prolonger la transition. Et Mahmoud Dicko de tacler le Premier ministre, Dr Choguel Kokalla Maïga, sans le nommer, alors que ce dernier a été l’un de ses alliés sûrs du mouvement M5-RFP, qui a fait renverser le régime de feu le président IBK.
Or, après le parachèvement du renversement d’IBK, l’imam avait annoncé retourner à la mosquée. Ce fut un simple effet d’annonce, puisque l’ancienne autorité morale ne se fait pas prier pour publier, quelques mois plus tôt, un mémorandum critique sur la gestion du pays. Alors qu’avant la phase dite de la rectification de la transition, le guide religieux, qui n’a jamais caché son penchant pour un islamisme modéré, avait déjà vertement critiqué la gestion du pays par le président Bah N’Daw et son Premier ministre Moctar Ouane.
On note donc que l’imam apparait comme un véritable démolisseur des institutions de l’Etat, dans la mesure où il s’était illustré dans la fronde contre feu le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga. Ce qui avait conduit à la démission de ce dernier, remplacé par Dr Boubou Cissé avec les bénédictions de ce religieux qui ne mâche pas ses mots.
Toutes péripéties conduisent les uns et les autres à se demander si l’ancien dirigeant du HCIM n’est pas finalement une menace à la stabilité du Mali. Surtout que l’homme a contribué à hisser des dirigeants au pouvoir avant de leur tourner le dos et contribuer et leur chute. Ce fut de IBK, dont il s’est auréolé du titre d’ « ami et frère » en 2013, pour aider à son plébiscite au palais présidentiel de Koulouba.
Et, avant IBK, l’imam IBK avait des entrées faciles au palais présidentiel sous feu le président ATT, dont il assumait certaines officieuses, comme pour IBK… Sans omettre de signaler que le leader religieux a été le pourfendeur du Code des personnes et de la famille qu’ATT avait fait voter par l’Assemblée Nationale, avant de devoir renvoyer le texte en seconde lecture… Tandis que sous IBK, M Dicko s’empressera de fustiger le projet gouvernemental « d’éducation à la sexualité ». L’homme avait été convoqué en justice, mais une impressionnante mobilisation de ses partisans avait fait avorter la procédure judiciaire…La question alors de savoir jusqu’où peut aller l’imam Dicko dans ses diatribes à l’encontre du pouvoir.
Comme on le voit, le prêcheur principal de la mosquée de Badalabougou s’est autoproclamé « défenseur du peuple malien », mais il hésite à embrasser une carrière politique clairement définie. Il semble se contenter de jouer un rôle de trouble-fête ou d’empêcheur de tourner en rond des plus hautes autorités du pays. Et cette posture n’est pas sans déranger les princes du jour, qui, visiblement cherchent une solution à… cette menace non négligeable.
Kassoum TOGO