Les opposants de Ladji Bourama ont intérêt à la fermer parce que le Prince du Mandé et locataire de Koulouba a les «Cahiers du Mali». Explicitement, il a des dossiers secrets sur tous ses opposants «aux abois» et il se donne le droit de les sortir à tout moment si l’opposition ne se taisait pas pour de bon. Vous avez dit chantage politique ! C’est surtout le ton inutilement agressif qui a surpris l’opinion ! Comme l’a rappelé pertinemment un compatriote dans une discussion sur les réseaux sociaux, «l’agressivité est le premier signe de la faiblesse».
En répondant aux accusations et les critiques par l’agressivité et la violence verbale, le président de la République ne fait qu’accentuer le doute sur son innocence dans la tête et le cœur de ses compatriotes. Pis, contrairement à ses opposants, c’est lui qui se comporte comme un leader traqué et aux abois, car «acculé dans son dernier retranchement pour sa gestion médiocre du pays». Il est vrai que, en presque huit mois de gouvernance, aucun signe prometteur ne vient de Koulouba. Au point de faire dire à ce fin observateur notre pays que, dans «l’histoire démocratique du Mali, jamais un président n’a été aussi impopulaire en un temps si court». Est-ce que parce que le Palais ne trouve pas encore ses marques en terme de communication ?
Ce n’est un secret pour personne que la Com présidentielle est nulle sur toute la ligne avec des responsables qui cherchent plus à se débarrasser de ceux qui ne soufflent pas dans la même trompette qu’eux, au lieu de communiquer pour convaincre. Depuis quelques mois, nous avons perçu beaucoup de signes prouvant la volonté de la présidence de la République de museler la presse et les opposants au régime. Les mésaventures de certains confrères à Koulouba ne sont pas encore connues de l’opinion parce qu’ils ont été terrorisés pour «la fermer» ! Sans compter une campagne de dénigrement orchestrée pour ternir l’image de certains confrères supposés avoir pris de l’argent avec le président d’un pays voisin pour déstabiliser le Mali. Le régime ferait mieux de laisser l’opposition et la presse dans leur rôle avec comme seul juge l’opinion nationale qui saura faire la différence entre le harcèlement, les rumeurs, les mensonges, les peaux de banane. D’ailleurs lui qui est si croyant ne doit pas sortir de ses gongs parce qu’attaqué de tous les côtés. Si sa foi est sincère, il doit se référer au Prophète Mohamed (PSL) qui a mené sa mission à bien malgré l’adversité, les insultes, la méchanceté, la calomnie…
Faire face aux vrais défis
Surtout que le Prince du Mandé n’oublie jamais qu’il a été élu pour faire face à des attentes, des défis. Et ce n’est pas la tchatche qui va les combler ou les relever. Un célèbre et regretté historien et brillant intellectuel (Pr. Joseph Ki Zerbo, paix à son âme) nous rappelait lors d’un entretien que, «Kuman ma Mandé jô». Une façon de nous dire que les griots et les historiens n’ont rien inventé à propos de la grandeur du Mandé qui reposait avant tout sur «l’amour du travail et du travail bien fait». Ce ne sont donc pas les discours qui vont combler les lacunes de gouvernance, l’incompétence de certains proches parachutés par complaisance à des postes qu’ils sont loin de mériter. Aujourd’hui, les Maliens attendent de leur président un engagement moins folklorique pour leur donner des raisons d’espérer de lui. Etre homme à poigne ne signifie pas semer la terreur dans la République. Etre un homme à poigne ne signifie pas non plus régner par des méthodes dictatoriales. Aujourd’hui, quel est le plan de reconquête de Kidal ? Qu’est-ce qui est concrètement fait pour ramener nos réfugiés du calvaire de l’exode ? Qu’est-ce qui est fait pour que le Malien puisse manger réellement à sa faim sans se ruiner pour se nourrir, et aussi se loger dans les centres urbains ?
L’administration malienne travaille dans d’énormes difficultés matérielles et dans des contraintes sociales et financières énormes. Qu’est-ce que le chantre de la lutte contre la corruption envisage-t-il de faire pour que le cadre par exemple puisse décemment vivre de son salaire et ne plus avoir l’envie de puiser ailleurs ? Mais, nous savons tous que l’une des grandes priorités demeure la relance de la production au niveau de l’agriculture, des industries et de l’artisanat. Il faut une vitalité économique pour assurer non seulement l’autosuffisance alimentaire, mais aussi et surtout pour satisfaire la forte demande sociale. C’est indispensable notamment pour faire face à la pauvreté, à la malnutrition, au chômage, au manque de soins dans nos CSCOM, à l’insécurité grandissante dans nos villes… Autant de préoccupations qui attendent «des réponses rapides de la part du gouvernement» et dans les meilleurs délais.
Enfin une opposition crédible pour réhabiliter la classe politique malienne ?
Malheureusement, le dilettantisme du régime fait que l’opposition parlementaire est en train de se saisir malicieusement de ces questions pour mieux se positionner et mieux se faire entendre du peuple. Une sollicitude qui est la bienvenue d’autant plus que ces dernières années, les populations maliennes ont toujours eu l’impression d’être abandonnées à leurs problèmes par une classe politique avide de pouvoir, donc de partage de gâteau. «Bè bi ibolo» ou «chacun pour soi et Dieu pour tous» avait conseillé un président de la République. Heureusement, que certains leaders politiques (Soumaïla Cissé, Modibo Sidibé, Djiguiba Kéita alias PPR…) ont compris qu’ils ont intérêt à adopter une attitude faisant d’eux «une alternative crédible» pour la prise en charge efficiente des vraies préoccupations du peuple. C’est aujourd’hui la meilleure façon de réhabiliter la politique au Mali. Et visiblement, ce n’est pas le baga-baga (intimidation) d’un IBK qui va détourner cette opposition de son chemin. «Nous entendons jouer pleinement notre rôle avec humilité, détermination et clairvoyance, sans devoir quoi que ce soit à qui que ce soit en dehors du peuple malien lui-même qui souffre et qui attend désespérément de vivre dans un pays doté d’une démocratie exemplaire pour laquelle il a payé le prix fort», défendait M. Aguibou Koné, président du Mouvement «A Yèlè» (Ouvrir), dans une chronique sur sa page Facebook. «C’est au nom de ce sacrifice consenti et pour un meilleur avenir pour nos enfants que nous devons tous rejeter la médiocrité faite de solutions faciles qui, tout en faisant l’affaire des dirigeants et de leurs dépendants, n’ont aucune réelle retombée positive sur la vie démocratique du pays à court, moyen et long termes», avait-il ajouté. «Refusant d’être des opposants de faire-valoir, les deux partis ont en outre décidé de travailler dans le sens des réformes institutionnelles nécessaires pour doter l’opposition d’un véritable statut, de mettre fin à la transhumance politique des élus et d’ouvrir les médias d’Etat pour l’instauration d’un vrai débat public», pouvait-on lire dans le communiqué qui a sanctionné la rencontre entre l’URD et le FARE, le 12 avril 2014. Une rencontre qui semble avoir désarçonné Koulouba et suscité en partie la sortie malencontreuse d’IBK, le 19 avril 2014.
Mais, au lieu de perdre son énergie et d’importants moyens à chercher à museler l’opposition politique et la presse, IBK ferait mieux de faire résolument face à la mission pour laquelle il a été plébiscité par les Maliens : leur redonner leur honneur et leur dignité en garantissant non seulement l’intégrité du territoire national, mais aussi et surtout en trouvant des solutions pérennes à leurs préoccupations comme le chômage, la faim, l’insécurité… Que Koulouba comprenne, à temps, qu’après ce qui leur est arrivé, les Maliens ne laisseront plus un président les mener en bateau. Ils ne laisseront plus des aventuriers diriger ce pays pour leur seul bonheur au détriment de celui du peuple !
Kader TOE
*Ce n’est pas parole qui a fait la grandeur du Mandé, mais le dur labeur des Mandekaw